Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 21 février 2020 par laquelle le recteur de région académique a suspendu la bourse sur critères sociaux qui lui avait été accordée par le centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Nice-Toulon.
Par une ordonnance n° 2002005 du 20 mai 2021, prise en application des dispositions de l'article R. 222-1.4° du code de justice administrative, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulon a rejeté sa requête comme manifestement irrecevable en raison de sa tardiveté et de son absence de moyens soulevés à l'appui de sa requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 juin 2021 et 7 avril 2022, M. A..., représenté par Me Lê, demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) d'annuler cette décision du 21 février 2020 ;
3°) d'enjoindre au recteur de région académique de le rétablir dans ses droits dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au profit de son avocat, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme allouée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, en application des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- sa requête enregistrée devant le tribunal administratif de Toulon n'était pas tardive ;
- sa requête devant le tribunal administratif de Toulon comportait comme moyen expressément énoncé le fait qu'il avait droit au maintien de sa bourse dès lors que son défaut d'assiduité avait été causé par son état de santé.
La procédure a été communiquée au CROUS de Nice-Toulon, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par ordonnance du 6 mai 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 mai 2022.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 octobre 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a décidé, par décision du 23 mai 2022, de désigner M. Philippe Portail, président assesseur, pour présider par intérim la 6éme chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gilles Taormina, rapporteur,
- les conclusions de M. Renaud Thielé, rapporteur public,
- et les observations de Me Lê, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 23 janvier 1971, inscrit en tant qu'étudiant en première année de licence à la faculté de droit de Toulon pour l'année universitaire 2019-2020, a, par décision du 21 février 2020, prise par le recteur de région académique, fait l'objet d'une suspension de la bourse sur critères sociaux qui lui avait été accordée par le centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Nice-Toulon. M. A... relève appel de l'ordonnance n° 2002005 du 20 mai 2021 par laquelle le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulon a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cette décision en raison de son irrecevabilité manifeste.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " ... les magistrats ayant une ancienneté minimale de deux ans et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller désignés à cet effet par le président de leur juridiction peuvent, par ordonnance... 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; ... ".
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée... ". Aux termes de l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période : " Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois... ". Aux termes de l'article 1er de ladite ordonnance : " I. ' Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus... ".
4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des écritures de M. A..., que celui-ci a eu connaissance dès le 21 février 2020 de la décision du même jour indiquant les voies et délais de recours et contre laquelle il a formé un recours contentieux enregistré le 30 juillet 2020 au greffe du tribunal administratif de Toulon. Nonobstant le fait qu'il soutienne avoir formé un recours gracieux contre cette décision dont il ne produit ni le bordereau postal d'envoi, ni l'accusé de réception postal, il résulte des dispositions précitées du code de justice administrative qu'en l'absence de ce recours gracieux, M. A... avait jusqu'au 22 avril 2020 à 24h00 pour saisir le tribunal. En application des dispositions précitées de l'ordonnance du 25 mars 2020, ce délai a été prorogé jusqu'au 24 août 2020 à 24h00. Dès lors, ayant exercé son recours contentieux le 30 avril 2020, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué du tribunal administratif de Toulon a rejeté sa requête comme tardive.
5. En second lieu, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ".
6. Il ressort de la demande de première instance que M. A... y précisait que des raisons médicales expliquaient qu'il n'ait pas pu être présent aux cours et travaux pratiques une partie de l'année universitaire 2019-2020 et qu'eu égard à ce motif d'ordre médical le recteur avait commis une erreur d'appréciation en suspendant sa bourse. Il a ainsi soulevé un moyen, et c'est donc également à tort que le magistrat désigné a estimé que sa requête était irrecevable faute de comporter des moyens.
7. Il résulte de ce qui précède que l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et doit être annulée. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Toulon pour qu'il statue sur la demande de M. A....
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :
8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie... perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens... ". Aux termes de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 : " ... En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie... qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide... ".
9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme au titre des frais exposés par M. A..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, et non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 2002005 rendue le 20 mai 2021 par le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulon est annulée.
Article 2 : Le dossier est renvoyé au tribunal administratif de Toulon.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Nice-Toulon.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2022, où siégeaient :
- M. Philippe Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Gilles Taormina, président assesseur,
- M. François Point, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juillet 2022.
N° 21MA02316 2