Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2016 par lequel le maire de Roquefort-la-Bédoule a délivré un permis de construire à M. B... et Mme E..., ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n° 1701900 du 4 février 2020, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 25 juin 2020, M. G... B... et Mme C... E..., représentés par Me de Casalta-Bravo, doivent être regardés comme demandant à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 4 février 2020 ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. F... ;
3°) de mettre à la charge de M. F... la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'arrêté contesté, qui autorise des modifications du permis de construire qui leur a été délivré le 16 décembre 2015, doit être regardé comme un permis de construire modificatif ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le dossier de demande de permis de construire modificatif est suffisant, alors même qu'il ne comporte aucune notice architecturale ;
- le projet litigieux ne méconnaît pas l'article 7 du règlement de la zone UD du plan local d'urbanisme.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 octobre 2020, M. F..., représenté par Me Beugnot, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge solidaire de la commune de Roquefort-la-Bédoule ainsi que de M. B... et Mme E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me Guin, substituant Me Beugnot, représentant M. F....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 16 septembre 2016, le maire de Roquefort-la-Bédoule a délivré à M. B... et Mme E... un permis de construire en vue de l'" augmentation d'une emprise de stationnement " et de la " modification des ouvertures " d'une construction située au lieu-dit " H... ", sur un terrain classé en secteur UD4 de la zone UD du plan local d'urbanisme communal alors en vigueur. Par un jugement du 4 février 2020, le tribunal administratif de Marseille, faisant droit à la demande de M. F..., a annulé en totalité cet arrêté du 16 septembre 2016, ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux formé à son encontre. M. B... et Mme E... relèvent appel de ce jugement.
Sur la nature du permis de construire en litige :
2. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de donner aux décisions administratives qui lui sont déférées leur exacte qualification.
3. L'autorité compétente, saisie d'une demande en ce sens, peut délivrer au titulaire d'un permis de construire en cours de validité un permis modificatif, tant que la construction que ce permis autorise n'est pas achevée, dès lors que les modifications envisagées n'apportent pas à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.
4. M. B... et Mme E... ont déposé, le 27 octobre 2015, une demande de permis de construire en vue de l'édification d'une maison d'habitation sur une parcelle située au lieu-dit " H... " à Roquefort-la-Bédoule, cette nouvelle construction d'une surface de plancher de 137 mètres carrés devant être accolée à un " cabanon existant à conserver " au vu notamment du plan de masse et du plan des façades joints à cette demande. Par un arrêté du 16 décembre 2015, le maire de Roquefort-la-Bédoule leur a délivré le permis de construire ainsi sollicité. Les intéressés, qui ont déclaré l'ouverture du chantier relatif à l'édification de cette maison individuelle le 29 mars 2016, ont déposé, le 3 août suivant, une demande de permis de construire consistant, selon les indications figurant dans le formulaire joint à cette demande, en une " augmentation d'une emprise de stationnement " ainsi qu'en la " modification des ouvertures ". Il ressort des pièces du dossier que les travaux autorisés par le permis de construire du 16 décembre 2015 n'étaient pas achevés à la date d'édiction de l'arrêté contesté du 16 septembre 2016. Par ailleurs, au vu du contenu des dossiers de demande évoqués ci-dessus, l'arrêté contesté autorise des modifications qui ne sauraient être regardées comme apportant au projet initial un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. Dans ces conditions, les travaux autorisés par le permis initial du 16 décembre 2015 n'étant pas encore achevés, le permis litigieux du 16 septembre 2016 doit être regardé comme un permis de construire modificatif, et non comme un nouveau permis.
Sur la légalité de l'arrêté et de la décision implicite en litige :
5. En premier lieu, pour annuler l'arrêté du 16 septembre 2016, ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux formé à son encontre par M. F..., les premiers juges ont estimé que l'absence de la notice prévue par l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme dans le dossier de demande avait été de nature à fausser l'appréciation de l'autorité administrative et que l'extension autorisée par cet arrêté ne respecte pas les dispositions de l'article 7 du règlement de la zone UD du plan local d'urbanisme de Roquefort-la-Bédoule.
6. Premièrement, la circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable. Par ailleurs, l'instruction d'une demande de permis de construire modificatif ne devant porter que sur les modifications envisagées, la régularité de la composition d'un dossier de demande de permis modificatif doit être appréciée en tenant compte de la nature et de l'ampleur de ces modifications.
7. Il est constant que le dossier de demande de permis déposé le 3 août 2016 par M. B... et Mme E... ne comportait pas la notice mentionnée à l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'ensemble des éléments joints à cette demande, qui doit être regardée comme tendant à la délivrance d'un permis modificatif ainsi qu'il a été dit, ont mis l'autorité administrative à même d'apprécier l'impact visuel du projet et son insertion dans l'environnement existant, eu égard notamment au caractère limité des modifications envisagées, et plus généralement de porter une appréciation sur la conformité de ces modifications à la réglementation applicable. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a retenu ce premier motif d'annulation tiré de l'irrégularité de la composition du dossier déposé par les pétitionnaires.
8. Deuxièmement, l'article 7 du règlement de la zone UD du plan local d'urbanisme de Roquefort-la-Bédoule alors en vigueur prévoit que, dans le secteur UD 4 : " Les constructions hors sols, dépassant le terrain naturel de plus de 0,60 mètre, doivent être implantées dans les emprises constructibles délimitées aux planches graphiques. / Toutefois, les extensions de constructions existantes avant l'approbation de la présente révision du PLU, qui sont autorisées à l'article 2, peuvent être implantées en dehors des emprises constructibles délimitées aux planches graphiques, à condition de respecter une distance minimale de 3 mètres par rapport aux limites séparatives ".
9. D'une part, le projet litigieux, tel que présenté dans la demande déposée le 3 août 2016 par les pétitionnaires, prévoit notamment l'extension du " cabanon existant " implanté en dehors de l'emprise constructible délimitée sur le terrain d'assiette et dont le permis initial prévoyait le maintien. Il ressort des pièces du dossier que, l'extension de ce cabanon devant être implantée sur une limite séparative, la modification en cause porte une atteinte supplémentaire aux dispositions citées ci-dessus de l'article 7 du règlement de la zone UD du plan local d'urbanisme de Roquefort-la-Bédoule. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que le tribunal a retenu le vice tiré de la méconnaissance de ces dispositions.
10. D'autre part, pour l'application des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, dans leur rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.
11. Le vice retenu au point 9 du présent arrêt est susceptible, au regard des dispositions du plan local d'urbanisme intercommunal du territoire Marseille Provence en vigueur à la date du présent arrêt et applicables sur le terrain d'assiette du projet, de faire l'objet d'une mesure de régularisation n'impliquant pas d'apporter au projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.
12. En second lieu, lorsque le juge d'appel estime qu'un moyen ayant fondé l'annulation du permis litigieux par le juge de première instance est tiré d'un vice susceptible d'être régularisé, et qu'il envisage de faire usage de la faculté qui lui est ouverte par les dispositions de l'article L. 600-5 ou de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, il lui appartient, avant de faire application de ces dispositions, de constater préalablement qu'aucun des autres moyens ayant, le cas échéant, fondé le jugement d'annulation, ni aucun de ceux qui ont été écartés en première instance, ni aucun des moyens nouveaux et recevables présentés en appel, n'est fondé et n'est susceptible d'être régularisé et d'indiquer dans sa décision pour quels motifs ces moyens doivent être écartés. En revanche, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'un ou plusieurs vices supplémentaires justifiant l'annulation totale du permis et insusceptibles d'être régularisés, le juge d'appel, après avoir identifié ce ou ces vices, n'a pas à indiquer dans sa décision pour quels motifs les autres moyens doivent être écartés.
13. Un permis de construire n'a pas d'autre objet que d'autoriser des constructions conformes aux plans et indications fournis par le pétitionnaire. La circonstance que ces plans et indications pourraient ne pas être respectés ou que ces constructions risqueraient d'être ultérieurement transformées ou affectées à un usage non-conforme aux documents et aux règles générales d'urbanisme n'est pas par elle-même, sauf le cas d'éléments établissant l'existence d'une fraude à la date de la délivrance du permis, de nature à affecter la légalité de celui-ci.
14. La fraude est caractérisée lorsqu'il ressort des pièces du dossier que le demandeur a eu l'intention de tromper l'administration pour obtenir une décision indue.
15. Il ressort des pièces du dossier que M. B... et Mme E... ont fait procéder, antérieurement au dépôt de leur demande de permis modificatif, à la démolition totale du " cabanon existant " dont le permis initial prévoyait pourtant expressément le maintien. En déposant, quelques semaines après cette démolition non autorisée, une demande dissimulant cette situation de fait et désignant également le " cabanon existant " comme étant " à conserver " en dépit de sa démolition, les pétitionnaires doivent être regardés comme s'étant livrés à une manœuvre visant à tromper l'administration pour obtenir une décision indue. Par suite, M. F... est fondé à soutenir que le permis de construire modificatif en litige a été obtenu par fraude.
16. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens invoqués par M. F... n'est de nature à justifier l'annulation des décisions contestées.
17. Si le vice tiré de la méconnaissance des dispositions alors en vigueur de l'article 7 du règlement de la zone UD du plan local d'urbanisme de Roquefort-la-Bédoule est susceptible d'être régularisé en application des dispositions des articles L. 600-5-1 ou L. 600-5 du code de l'urbanisme ainsi qu'il a été dit, il n'en va pas de même de celui tiré de l'existence d'une fraude retenu au point 15 du présent arrêt. Cette dernière illégalité ne peut être regardée comme un vice susceptible de faire l'objet d'une mesure de régularisation en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ou d'une annulation partielle en application de l'article L. 600-5 du même code.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... et Mme E... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du maire de Roquefort-la-Bédoule du 16 septembre 2016, ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux formé à son encontre par M. F....
Sur les frais liés au litige :
19. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... et Mme E... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... B... et Mme C... E... ainsi qu'à M. A... F....
Copie en sera adressée à la commune de Roquefort-la-Bédoule.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Portail, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Mouret, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2022.
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N° 20MA02077
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