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15/12/2022 | FRANCE | N°20MA03073

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 15 décembre 2022, 20MA03073


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Bouygues Télécom a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2017 par lequel le maire de La Gaude, agissant au nom de l'Etat, s'est opposé à la déclaration préalable déposée par la société Cellnex France en vue de l'édification d'une station relais de téléphonie mobile sur un terrain situé chemin de la Digue.

Par un jugement n° 1800124 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Nice, après avoir admis l'intervention de la société Cellnex

France, a rejeté la demande de la société Bouygues Télécom.

Procédure devant la cour :

Pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Bouygues Télécom a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2017 par lequel le maire de La Gaude, agissant au nom de l'Etat, s'est opposé à la déclaration préalable déposée par la société Cellnex France en vue de l'édification d'une station relais de téléphonie mobile sur un terrain situé chemin de la Digue.

Par un jugement n° 1800124 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Nice, après avoir admis l'intervention de la société Cellnex France, a rejeté la demande de la société Bouygues Télécom.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 août 2020, les sociétés Bouygues Télécom et Cellnex France, représentées par Me Hamri, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 23 juin 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire de La Gaude du 15 décembre 2017 ;

3°) d'enjoindre au maire de La Gaude de procéder à une nouvelle instruction de la déclaration préalable déposée le 16 octobre 2017 et de prendre une décision dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à venir ;

4°) de mettre à la charge de la commune de La Gaude la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- l'arrêté contesté constitue une décision de retrait de la décision tacite de non-opposition à déclaration née le 16 décembre 2017 et ce retrait n'a pas été précédé de la procédure contradictoire requise ;

- le motif fondé sur l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme est entaché d'une erreur d'appréciation ;

- les travaux projetés ne relèvent pas du régime du permis de construire contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 février 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués par les sociétés requérantes ne sont pas fondés.

En réponse à une mesure d'instruction diligentée par la cour le 21 novembre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a produit, le 22 novembre suivant, des pièces qui ont été communiquées, le même jour, aux autres parties, en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative.

Par lettres du 22 novembre 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7-3 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de prononcer d'office une injonction de délivrance du certificat prévu par l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la cour a désigné M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Roux, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 16 octobre 2017, la société Cellnex France a déposé, pour le compte de la société Bouygues Télécom à laquelle elle est liée par un mandat, un dossier de déclaration préalable, complété le 16 novembre suivant, en vue de l'installation d'une station relais de téléphonie mobile sur un terrain, cadastré section AH n° 73, situé chemin de la Digue sur le territoire de la commune de La Gaude (Alpes-Maritimes) et inclus dans le périmètre de l'opération d'intérêt national de la Plaine du Var. Par un arrêté du 15 décembre 2017, le maire de La Gaude, agissant au nom de l'Etat, s'est opposé à cette déclaration préalable de travaux. Par un jugement du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Nice, après avoir admis l'intervention de la société Cellnex France, a rejeté la demande de la société Bouygues Télécom tendant à l'annulation de cet arrêté. Les sociétés Bouygues Télécom et Cellnex France relèvent appel de ce jugement.

Sur la requalification de la décision en litige :

2. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de donner aux décisions administratives qui lui sont déférées leur exacte qualification.

3. Aux termes de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente se prononce par arrêté sur (...) la déclaration préalable (...) ". L'article R. 424-1 du même code : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction (...), le silence gardé par l'autorité compétente vaut (...) : / a) Décision de non-opposition à la déclaration préalable ". En vertu des dispositions de l'article R. 423-19 et de celles du a) de l'article R. 423-23 du même code, le délai d'instruction de droit commun est fixé à un mois, à compter de la réception en mairie d'un dossier complet, pour les déclarations préalables.

4. Il résulte de ces dispositions que l'auteur d'une déclaration préalable est réputé être titulaire d'une décision tacite de non-opposition si aucune décision ne lui a été notifiée avant l'expiration du délai d'instruction prévu par le code de l'urbanisme, qui n'est pas un délai franc. Cette notification intervient à la date à laquelle le déclarant accuse réception de la décision, en cas de réception dès la première présentation du pli la contenant, ou, à défaut, doit être regardée comme intervenant à la date à laquelle le pli est présenté pour la première fois à l'adresse indiquée par le déclarant. Lorsqu'une décision expresse d'opposition à déclaration est notifiée au pétitionnaire postérieurement à l'expiration du délai d'instruction, cette décision expresse s'analyse, quelle que soit la date de son édiction, comme un retrait de la décision tacite de non-opposition à déclaration née antérieurement.

5. Il ressort des pièces versées aux débats que le dossier de déclaration préalable déposé le 16 octobre 2017 par la société pétitionnaire a été complété le 16 novembre suivant. Il n'est pas contesté que le délai d'instruction d'un mois, qui n'a pas été modifié, a commencé à courir à compter de cette dernière date. Si le maire de La Gaude, agissant au nom de l'Etat, s'est opposé à la déclaration préalable de travaux par un arrêté du 15 décembre 2017, il ressort des pièces du dossier que le pli contenant cet arrêté n'a été expédié que le 18 décembre suivant. Par ailleurs, il n'est pas établi, ni même allégué, que l'arrêté contesté aurait été notifié à la société pétitionnaire par un autre procédé. Dans ces conditions, cette dernière était déjà devenue titulaire, à la date à laquelle l'arrêté contesté lui a été notifié, d'une décision tacite de non-opposition à sa déclaration préalable. Par suite, l'arrêté en litige doit être regardé comme retirant cette décision tacite.

Sur la légalité de la décision en litige :

6. Aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire (...), tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s'ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions. Passé ce délai, la décision de non-opposition et le permis ne peuvent être retirés que sur demande expresse de leur bénéficiaire ". Le retrait d'une autorisation d'urbanisme constitue une faculté et non une obligation pour l'autorité administrative compétente, dès lors qu'elle n'est pas saisie d'une demande en ce sens.

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 (...) sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". L'article L. 122-1 du même code dispose que : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) ". Selon l'article L. 211-2 de ce code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / 4° Retirent (...) une décision créatrice de droits (...) ".

8. La décision portant retrait d'une décision de non-opposition à déclaration préalable est au nombre de celles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Elle doit, par suite, être précédée d'une procédure contradictoire, permettant au titulaire de cette autorisation d'urbanisme d'être informé de la mesure qu'il est envisagé de prendre, ainsi que des motifs sur lesquels elle se fonde, et de bénéficier d'un délai suffisant pour présenter ses observations. Le respect, par l'autorité administrative compétente, de la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l'article L. 121-1 du même code constitue une garantie pour le titulaire d'une décision de non-opposition à déclaration préalable que cette autorité entend retirer. La décision de retrait est illégale s'il ressort de l'ensemble des circonstances de l'espèce que le bénéficiaire a été effectivement privé de cette garantie.

9. D'une part, à supposer même qu'il aurait été tenu de s'opposer aux travaux déclarés au motif que ceux-ci étaient soumis à permis de construire, le maire de La Gaude ne se trouvait pas en situation de compétence liée pour retirer, de sa propre initiative, la décision implicite de non-opposition dont la société pétitionnaire est devenue titulaire dans les conditions rappelées au point 5. Il suit de là que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le moyen tiré du non-respect de la procédure contradictoire prévue par les dispositions citées ci-dessus du code des relations entre le public et l'administration peut être utilement invoqué à l'encontre de la décision de retrait en litige.

10. D'autre part, il n'est pas contesté que la société pétitionnaire n'a pas été informée de la mesure de retrait envisagée, ni qu'elle n'a pas été mise en mesure de présenter ses observations préalablement à l'intervention de la décision retirant la décision tacite de non-opposition à sa déclaration préalable. Dans ces conditions, et alors qu'il n'est fait état en défense d'aucune situation d'urgence, cette décision de retrait a été prise au terme d'une procédure irrégulière. Il ressort de l'ensemble des circonstances de l'espèce que la société pétitionnaire a été effectivement privée de la garantie évoquée au point 8.

11. En deuxième lieu, l'arrêté contesté a été pris au motif que le projet litigieux méconnaît l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ainsi que l'article 5 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme de La Gaude.

12. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". L'article 5 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme de La Gaude, alors en vigueur, dispose que : " Nonobstant les dispositions d'urbanisme du présent règlement, les ouvrages techniques d'utilité publique ou d'intérêt collectif sont autorisés sous réserve de leur insertion correcte dans le site ".

13. En admettant même qu'elles puissent être regardées comme ayant un objet analogue à celles de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, les dispositions citées ci-dessus du règlement du plan local d'urbanisme de La Gaude, applicables uniquement aux ouvrages techniques qu'elles visent, lesquels ouvrages doivent seulement bénéficier d'une " insertion correcte dans le site ", posent des exigences moindres que celles résultant de cet article R. 111- 27. Dès lors, la légalité de l'arrêté contesté doit être appréciée au regard de l'ensemble des dispositions citées au point précédent.

14. Les éléments joints au dossier de déclaration préalable font apparaître que le terrain d'assiette du projet s'inscrit dans une zone à dominante agricole et qu'il est bordé par une voie de circulation elle-même située à proximité immédiate d'un axe routier important. Il ne ressort pas des pièces du dossier, en dépit de la présence des " casiers agricoles de la plaine du Var " évoqués dans l'arrêté contesté, que le secteur d'implantation du projet présenterait un intérêt paysager particulier. Il ne ressort pas davantage des pièces versées aux débats que la station relais de téléphonie mobile projetée, qui comportera notamment un pylône d'une hauteur inférieure à vingt mètres dont la conception en treillis permettra d'en limiter l'impact visuel, serait, au regard de ses caractéristiques et du choix d'implantation retenu par la société pétitionnaire, de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux et paysages avoisinants au sens de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme. Par ailleurs, compte tenu de ce qui précède, l'ouvrage en cause doit être regardé comme respectant l'exigence d'" insertion correcte " fixée par l'article 5 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme de La Gaude. Il suit de là qu'en retenant le motif tiré de l'absence d'intégration paysagère du projet, le maire de La Gaude a fait une inexacte application des dispositions citées au point 12.

15. En troisième et dernier lieu, la ministre intimée, qui s'en remet aux écritures présentées par le préfet en première instance, doit être regardée comme invoquant le moyen tiré de ce que les travaux déclarés étaient soumis à permis de construire et comme sollicitant une substitution de motifs sur ce point. Toutefois, l'arrêté contesté étant notamment entaché du vice de procédure relevé ci-dessus, l'administration ne peut utilement présenter une telle demande de substitution de motifs.

16. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés Bouygues Télécom et Cellnex France sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de La Gaude, agissant au nom de l'Etat, du 15 décembre 2017.

Sur l'injonction d'office :

17. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ". L'article R. 424-13 du code de l'urbanisme dispose que : " En cas (...) de non-opposition à un projet ayant fait l'objet d'une déclaration, l'autorité compétente en délivre certificat sur simple demande (...) du déclarant (...) ".

18. L'exécution du présent arrêt, qui annule la mesure de retrait de la décision tacite de non-opposition à déclaration préalable dont la société Cellnex France est devenue titulaire, implique nécessairement que le certificat prévu par l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme lui soit délivré. Il y a lieu d'enjoindre au maire de La Gaude, agissant au nom de l'Etat, de délivrer à cette société un certificat de non-opposition tacite à déclaration préalable dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de La Gaude, celle-ci n'ayant pas la qualité de partie dans la présente instance relative à une décision prise par son maire au nom de l'Etat.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 23 juin 2020 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du maire de La Gaude, agissant au nom de l'Etat, du 15 décembre 2017 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au maire de La Gaude, agissant au nom de l'Etat, de délivrer à la société Cellnex France le certificat de non-opposition tacite à sa déclaration préalable dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bouygues Télécom, à la société Cellnex France ainsi qu'au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera transmise au préfet des Alpes-Maritimes et à la commune de La Gaude.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Quenette, premier conseiller,

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2022.

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N° 20MA03073


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