Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Acced'Immo et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la délibération du 6 juin 2018 par laquelle le conseil municipal de Rognonas a approuvé le plan local d'urbanisme communal, en tant qu'elle classe leurs parcelles en zone agricole, ainsi que la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le maire sur leur recours gracieux.
Par un jugement n° 1807587 du 10 mai 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 29 juin 2021, la SARL Acced'Immo et M. B..., représentés par Me Constanza, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 10 mai 2021 ;
2°) d'annuler la délibération du 6 juin 2018 par laquelle le conseil municipal de Rognonas a approuvé le plan local d'urbanisme communal, en tant qu'elle classe leurs parcelles en zone agricole, ainsi que la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le maire sur leur recours gracieux ;
3°) d'enjoindre au maire de Rognonas de mettre à l'ordre du jour du prochain conseil municipal la révision du plan local d'urbanisme communal afin de redresser l'illégalité entachant le classement de leurs parcelles en zone agricole, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Rognonas la somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le tribunal a fondé son jugement sur une photographie qui n'a pas été soumise au contradictoire ;
- le rapport de présentation ne satisfait pas aux exigences de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme en ce qui concerne le diagnostic démographique et celui relatif à l'économie locale ;
- le rapport de présentation méconnaît les dispositions du 4° de l'article R. 151-2 du code de l'urbanisme en ce qui concerne la justification du classement en zone agricole de parcelles situées dans un environnement totalement urbanisé ;
- le classement en zone agricole de leurs parcelles est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Une mise en demeure a été adressée le 23 novembre 2022 à la commune de Rognonas, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- l'ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015 ;
- le décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me Constanza, représentant la SARL Acced'Immo et M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 6 juin 2018, le conseil municipal de Rognonas a approuvé la révision générale du plan d'occupation des sols communal valant élaboration du plan local d'urbanisme. La SARL Acced'Immo et M. B... relèvent appel du jugement du 10 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette délibération, en tant qu'elle classe leurs parcelles cadastrées section AY, n° 42, n° 43 et n° 46 en zone agricole, ainsi que de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le maire sur leur recours gracieux.
Sur la régularité du jugement :
2. Les appelants soutiennent que, pour écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation du classement de leurs parcelles en zone agricole, les premiers juges se sont fondés sur une photographie aérienne des lieux qui n'avait pas été soumise au contradictoire. L'irrégularité alléguée n'est pas constituée dès lors que la photographie en cause était insérée dans le mémoire en défense produit par la commune de Rognonas qui leur a été régulièrement communiqué.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Aux termes du premier alinéa du VI de l'article 12 du décret du 28 décembre 2015 relatif à la partie réglementaire du livre Ier du code de l'urbanisme et à la modernisation du contenu du plan local d'urbanisme : " Les dispositions des articles R. 123-1 à R. 123-14 du code de l'urbanisme dans leur rédaction en vigueur au 31 décembre 2015 restent applicables aux plans locaux d'urbanisme dont l'élaboration, la révision, la modification ou la mise en compatibilité a été engagée avant le 1er janvier 2016. Toutefois, dans les cas d'une élaboration ou d'une révision prescrite sur le fondement du I de l'article L. 123-13 en vigueur avant le 31 décembre 2015, le conseil communautaire ou le conseil municipal peut décider que sera applicable au document l'ensemble des articles R. 151-1 à R. 151-55 du code de l'urbanisme dans leur rédaction en vigueur à compter du 1er janvier 2016, par une délibération expresse qui intervient au plus tard lorsque le projet est arrêté. (...) ". La révision du plan d'occupation des sols de la commune de Rognonas a été décidée par une délibération de son conseil municipal du 6 novembre 2014. Dès lors, en application de ces dispositions et en l'absence au dossier de délibération expresse du conseil municipal optant pour l'application des articles R. 151-1 à R. 151-55 du code de l'urbanisme, les dispositions des articles R. 123-1 à R. 123-14 du code de l'urbanisme, dans leur rédaction en vigueur au 31 décembre 2015, sont restées applicables au plan local d'urbanisme adopté par la délibération attaquée du 6 juin 2018.
4. Aux termes de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme : " Le rapport de présentation explique les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durables, les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement. / Il s'appuie sur un diagnostic établi au regard des prévisions économiques et démographiques et des besoins répertoriés en matière de développement économique, de surfaces et de développement agricoles, de développement forestier, d'aménagement de l'espace, d'environnement, notamment en matière de biodiversité, d'équilibre social de l'habitat, de transports, de commerce, d'équipements et de services. (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que le rapport de présentation du plan local d'urbanisme comprend un diagnostic socio-économique qui fait état de manière générale d'une démographie dynamique. Il met en évidence une croissance démographique continue qu'il limite cependant à la période allant de 1968 à 2009, en évoquant une décroissance de l'ordre de 0,6 % par an jusqu'en 2014, une inversion du solde migratoire, positif entre 1968 et 2009, et devenu négatif jusqu'en 2014. La synthèse de l'analyse démographique confirme le constat d'un solde migratoire et d'une dynamique démographique négatifs et en tire la conséquence qu'il est nécessaire de proposer une offre de logements diversifiée et adaptée à l'évolution du profil des ménages (diminution de la taille des ménages, vieillissement de la population, niveau de vie). Cependant, au titre de la justification des objectifs poursuivis en matière de modération de la consommation d'espace et de lutte contre l'étalement urbain, s'agissant de la cohérence entre l'objectif démographique et les surfaces ouvertes à l'urbanisation à vocation d'habitat, le rapport de présentation évalue entre 200 et 250 le nombre de logements à produire pour accompagner la croissance de la population estimée entre 0,7 à 0,9 % par an, correspondant à 4 500 habitants en 2027. Eu égard aux éléments précités du diagnostic socio-économique, l'estimation du nombre de logements ainsi mentionnée repose nécessairement sur l'hypothèse d'une croissance démographique redevenant positive à partir de 2014. Sur ce point, le diagnostic " urbain " expose quatre perspectives d'évolution démographique, dont le scenario 3 portant sur une hypothèse de croissance intermédiaire entre le scenario de la poursuite de la baisse démographique, constatée entre 2009 et 2014, années des deux derniers recensements, et celui de la croissance moyenne de 1 % par an, constatée au niveau de l'intercommunalité sur cette période et compatible avec la croissance moyenne de 1,16 % par an projetée par le SCoT. Selon les mentions qui détaillent l'exposé de cette hypothèse de croissance intermédiaire, de l'ordre de 0,7 à 0,9 %, ces chiffres tiennent compte de la volonté de la commune de renouer avec une croissance démographique positive mais également de la perte de population sur la période récente, des dynamiques actuelles et des contraintes liées au risque d'inondation qui rendent difficilement envisageable à court terme le taux de croissance de l'ordre de 1 % par an constaté à l'échelon intercommunal. Eu égard à l'ensemble de ces indications, la justification par le rapport de présentation des orientations du PADD en matière de logements ne peut être regardée comme établie sur un diagnostic qui serait contradictoire et qui reposerait sur des prévisions démographiques irréalistes.
6. Le rapport de présentation du plan local d'urbanisme comprend, au titre du diagnostic socio-économique de la commune de Rognonas, une analyse économique détaillée qui constate un faible taux de chômage, le caractère essentiellement résidentiel de la commune, le rattachement des emplois majoritairement au secteur tertiaire, la régression de l'activité agricole, la part importante des retraités au sein de la population et l'importance des déplacements pendulaires. Ces développements se complètent d'une synthèse de l'analyse économique qui déduit les enjeux qui en résultent comme consistant en le maintien de l'économie résidentielle existante et des emplois locaux en faveur des rognonais et des exploitants agricoles sur la commune en préservant leurs terres de l'artificialisation. Ces enjeux sont en relation notamment avec deux des grandes orientations du PADD qui consistent à " conforter et soutenir l'économie commerciale et touristique locale " ainsi qu'à " conforter une agriculture dynamique sur la commune ". Si la SARL Acced'Immo et M. B... soutiennent que le diagnostic n'est pas établi sur des prévisions économiques, ils ne démontrent pas que des données étaient disponibles sur ce point et il résulte de ce qui vient d'être dit que ce diagnostic est fondé sur les besoins répertoriés en matière de développement économique, de surfaces et de développement agricoles.
7. Il résulte des motifs énoncés aux points 5 et 6 que le moyen tiré de ce que le rapport de présentation ne répondrait pas aux exigences fixées par l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme doit être écarté.
8. Aux termes des articles R. 123-2 et R. 123-2-1 du code de l'urbanisme, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2015 et dont les dispositions sont aujourd'hui reprises à l'article R. 151-2 du même code, le rapport de présentation du plan local d'urbanisme doit notamment exposer les motifs de la délimitation des zones et des règles qui y sont applicables.
9. Le rapport de présentation expose les motifs de la délimitation des zones et, notamment de la zone agricole pour laquelle sont également justifiés les choix effectués pour l'application de différentes protections et les principales caractéristiques du règlement. Le rapport mentionne la création d'un secteur Ac dans lequel se trouve un captage d'eau potable soumis à des dispositions particulières. Il justifie la délimitation de la zone agricole au regard de trois orientations retenues par le PADD, et notamment de celles qui consistent à limiter la vulnérabilité des personnes face au risque d'inondation, en particulier en freinant l'emprise des extensions urbaines sur les terres agricoles et à préserver les composantes de la trame verte, dont les espaces agricoles font partie. Dès lors que des justifications de cet ordre sont à l'origine du classement en zone agricole de parcelles d'une grande superficie situées dans un milieu urbain, telles celles dont les requérants sont propriétaires, le rapport de présentation ne peut être regardé comme étant insuffisant au regard des dispositions citées au point 8.
10. En vertu de l'article L. 151-5 du code de l'urbanisme, le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme définit notamment " Les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques " et " fixe des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain ". En vertu de l'article L. 151-9 du même code : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. / Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire. / Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées ". Aux termes de l'article R. 123-7 du même code, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2015 et dont les dispositions sont aujourd'hui reprises à l'article R. 151-22 du même code, : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. / En zone A peuvent seules être autorisées : / - les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole ; / - les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs ou à des services publics, dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière dans l'unité foncière où elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages. (...) ".
11. Il résulte de ces dispositions qu'une zone agricole, dite " zone A ", du plan local d'urbanisme a vocation à couvrir, en cohérence avec les orientations générales et les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables, un secteur, équipé ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles.
12. Le PADD définit un objectif 3.1.2. visant notamment à limiter l'emprise des extensions urbaines sur les terres agricoles et à préserver les bosquets résiduels et les haies agricoles. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles cadastrées section AY, n° 42, n° 43 et n° 46 bordent à l'est le chemin dit " draille de Bastian " dont elles sont séparées par une haie. Elles présentent le caractère d'un espace naturel d'une surface supérieure à 8 000 m² enclavé au sein de l'enveloppe urbaine du village de Rognonas. Ces parcelles sont en communication, au nord, avec un ensemble de parcelles d'une superficie équivalente faisant l'objet d'une exploitation agricole. Si elles-mêmes ne sont pas actuellement exploitées, les vues aériennes insérées dans le mémoire en défense produit en première instance par la commune de Rognonas démontrent qu'elles faisaient partie de la plaine agricole entourant le village jusqu'à 2005 environ, avant l'urbanisation du secteur devenu la frange pavillonnaire du centre villageois. Ainsi, elles ne peuvent être regardées comme dénuées de potentiel agronomique. Dans ces conditions, alors même que ni ces parcelles ni l'espace dans lequel elles s'inscrivent ne sont identifiées sur la cartographie du PADD comme un espace dans lequel il est préconisé de maintenir sur le long terme la vocation des espaces agricoles, la SARL Acced'Immo et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que le classement de ces parcelles en zone A est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Acced'Immo et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction qu'ils présentent.
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Rognonas qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SARL Acced'Immo et M. B... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Acced'Immo et M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Acced'Immo, à M. A... B... et à la commune de Rognonas.
Délibéré après l'audience du 23 février 2023, où siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente de la cour,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Quenette, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 mars 2023.
N° 21MA02508 2
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