Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge de l'obligation de payer résultant de 28 mises en demeure émises le 6 mai 2019 par le comptable public du service des impôts des particuliers d'Arles, en vue du paiement par M. et Mme B... de la taxe d'habitation due au titre des années 1996 à 2007, 2009 à 2013, 2017 et 2018, de la taxe foncière due au titre des années 1992, 1993, 1996 à 2007 et 2009 à 2018 et de l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux dus au titre des années 1992, 1993, 1995 à 1998, 2008, 2010 et 2012.
Par un jugement n° 1910567 du 25 juin 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 26 août 2021, 12 mai 2023 et 11 septembre 2023, M. B..., représenté par Me Marcou, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1910567 du 25 juin 2021 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de prononcer la décharge demandée au tribunal ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de rejet de sa réclamation ne mentionnait pas les voies et délais de recours ;
- il n'a pas reçu les avis d'imposition ;
- les avis de taxes foncières n'ont pas été émis au nom des deux époux ;
- il est fondé à se prévaloir de la prescription de l'action en recouvrement.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens tirés de l'absence d'exigibilité et de la prescription ne sont pas recevables ;
- les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 4 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Platillero,
- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le comptable public du service des impôts des particuliers d'Arles a émis, le 6 mai 2019, 28 mises en demeure au nom de M. et Mme B... en vue du paiement de la taxe d'habitation due au titre des années 1996 à 2007, 2009 à 2013, 2017 et 2018, de la taxe foncière due au titre des années 1992, 1993, 1996 à 2007 et 2009 à 2018 et de l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux dus au titre des années 1992, 1993, 1995 à 1998, 2008, 2010 et 2012. M. B... relève appel du jugement du 25 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer ces impositions résultant de ces mises en demeure.
Sur la compétence de la Cour :
2. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " (...) le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : (...) 4° Sur les litiges relatifs aux impôts locaux et à la contribution à l'audiovisuel public (...) ". Aux termes de l'article R. 351-2 de ce code : " Lorsqu'une cour administrative d'appel ou un tribunal administratif est saisi de conclusions qu'il estime relever de la compétence du Conseil d'Etat, son président transmet sans délai le dossier au Conseil d'Etat qui poursuit l'instruction de l'affaire (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que les conclusions de M. B... tendant à la décharge de l'obligation de payer les sommes correspondant aux cotisations de taxes foncières et de taxes d'habitation mentionnées dans les mises en demeure du 6 mai 2019 ne peuvent faire l'objet d'un appel. Par suite, il y a lieu de transmettre au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, les conclusions de M. B... dirigées contre le jugement du 25 juin 2021 du tribunal administratif de Marseille, en tant que ce jugement rejette sa demande de décharge de l'obligation de payer les sommes mentionnées sur les mises en demeure précitées, correspondant aux cotisations de taxe d'habitation auxquelles M. et Mme B... ont été assujettis au titre des années 1996 à 2007, 2009 à 2013, 2017 et 2018 et aux cotisations de taxe foncière auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1992, 1993, 1996 à 2007 et 2009 à 2018.
Sur l'obligation de payer :
4. A supposer que M. B... ait entendu réitérer en appel le moyen tiré de l'irrégularité de la décision de rejet de son opposition à poursuites, faute de mention des voies de recours, ce moyen doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal au point 3 du jugement attaqué.
S'agissant de l'exigibilité des sommes :
5. Aux termes de l'article 1663 du code général des impôts : " Les impôts directs, produits et taxes assimilés, visés par le présent code, sont exigibles le dernier jour du mois suivant celui de la mise en recouvrement du rôle (...) ". Ces dispositions ne sont applicables que si le contribuable a été, avant la date d'exigibilité ainsi déterminée, avisé de la mise en recouvrement du rôle contenant l'imposition à laquelle il a été assujetti. Dans le cas où il est établi que l'administration a omis d'adresser l'avertissement prévu par les dispositions de l'article L. 253 du livre des procédures fiscales, ou l'a notifié avec retard, l'impôt n'est exigible qu'à compter de la date où le contribuable a été informé de la mise en recouvrement du rôle.
6. Il résulte de l'instruction que les cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux de l'année 1992, mentionnées au rôle n° 53012 mis en recouvrement le 31 décembre 1996, de l'année 1993 mentionnées au rôle n° 53011 mis en recouvrement le 31 décembre 1996, de l'année 1995, mentionnées au rôle n° 53011 mis en recouvrement le 31 décembre 1996, de l'année 1996, mentionnées au rôle n° 53013 mis en recouvrement le 30 septembre 1999, de l'année 1997, mentionnées au rôle n° 53012 mis en recouvrement le 30 juin 2001, de l'année 1998, mentionnées au rôle n° 53011 mis en recouvrement le 30 juin 2001, de l'année 2008, mentionnées au rôle n° 53011 mis en recouvrement le 30 septembre 2013, et de l'année 2010, mentionnées au rôle n° 03601 mis en recouvrement le 31 décembre 2011, ont fait l'objet de mises en demeure du 25 février 2015, les plis postaux qui les contenaient ayant été distribués le 4 mars 2015, ainsi qu'en attestent les accusés de réception. Par ailleurs, M. B... a déposé une réclamation contentieuse du 23 mai 2014 à l'encontre de la cotisation d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux de l'année 2012, mentionnée au rôle n° 91701 mis en recouvrement le 30 avril 2014, qui précise que l'avis d'imposition est joint pour un montant de 4 202 euros, laquelle correspond à la somme due telle qu'elle est mentionnée sur le bordereau de situation produit. Enfin, les cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux de l'année 1996 mentionnées au rôle n° 03601 mis en recouvrement le 30 novembre 1997 et au rôle n° 05301 mis en recouvrement le 31 juillet 1998, figurent sur des avis à tiers détenteur du 21 juin 2018 dont les accusés de réception délivrés par l'administration font état d'un montant correspondant aux créances figurant sur les avis à tiers détenteur et portent la mention " Bonne note est prise de votre opposition ", M. B... ne contestant pas la réalité de cette opposition. Dans ces conditions, M. B..., qui était déjà informé de la mise en recouvrement de l'ensemble des impositions en matière d'impôt sur le revenu en cause, n'est pas fondé à soutenir qu'elles n'étaient pas exigibles à la date de notification des mises en demeure du 6 mai 2019.
7. A cet égard, M. B... ne peut en tout état de cause utilement faire valoir que les mises en demeure du 25 février 2015 ne comportent pas le nom et le prénom de leur signataire, en méconnaissance de l'instruction administrative référencée BOI-REC-PREA-10-20 n° 150 du 4 octobre 2017, que la compétence du signataire n'est pas établie et qu'ainsi, ces actes n'ont pas " eu d'effet sur la procédure de recouvrement forcé ", notamment en ce qui concerne la prescription, dès lors que ces circonstances sont en toute hypothèse sans effet sur l'information délivrée à l'intéressé quant à l'exigibilité des sommes réclamées.
S'agissant de la prescription de l'action en recouvrement :
8. Aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " Les comptables publics des administrations fiscales qui n'ont fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable (...) ". Aux termes de l'article L. 281 du même livre : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites (...) Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée (...) ". Aux termes de l'article R. 281-1 dudit livre : " Les contestations relatives au recouvrement prévues par l'article L. 281 (...) font l'objet d'une demande qui doit être adressée, appuyée de toutes les justifications utiles, au chef de service compétent (...) ". Aux termes de l'article R. 281-3-1 du même livre : " La demande prévue à l'article R. 281-1 doit, sous peine d'irrecevabilité, être présentée dans un délai de deux mois à partir de la notification : a) De l'acte de poursuite dont la régularité en la forme est contestée ; b) A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, de tout acte de poursuite si le motif invoqué porte sur l'obligation au paiement ou sur le montant de la dette ; c) A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, du premier acte de poursuite permettant de contester l'exigibilité de la somme réclamée ".
9. Il résulte de l'instruction que l'ensemble des créances en litige en matière d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, à l'exception de l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux de l'année 2012 mentionnés au rôle n° 91701 mis en recouvrement le 30 avril 2014, a fait l'objet de mises en demeure du 15 janvier 2016, qui reproduisent par ailleurs les dispositions pertinentes du livre des procédures fiscales et citent notamment l'existence et le caractère obligatoire de la demande préalable et les délais dans lesquels le contribuable doit présenter cette demande. Si les accusés de réception des plis qui contenaient les mises en demeure du 15 janvier 2016 portent la mention " présenté/avisé " le 21, et ont été retournés " non réclamés ", cette circonstance est sans incidence sur la régularité de la notification et sur l'interruption de la prescription, les mises en demeure pouvant être notifiées par lettre recommandée avec avis de réception et non pas dans les formes prévues par le code de procédure civile et produisant leurs effets au jour de la première présentation, en application des articles L. 257-0 A, L. 258 A, R. 257-0 A-1 et R. 256-7 du livre des procédures fiscales, dans leur rédaction applicable. A cet égard, si M. B... fait valoir que le pli qui contenait la mise en demeure du 15 janvier 2016 afférente à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux de l'année 1993 mentionnés au rôle 53011 mis en recouvrement le 31 décembre 1996 a été retourné à l'administration en méconnaissance du délai de garde de quinze jours prévu par la règlementation postale applicable, il n'allègue même pas s'être présenté aux services postaux avant l'expiration du délai de quinze jours et n'apporte ainsi aucun élément à l'appui de ses affirmations selon lesquelles le délai de garde n'aurait pas été respecté, alors qu'au demeurant, la prescription a en tout état de cause été interrompue à la date à laquelle le pli a été présenté à son adresse, la méconnaissance du délai de garde demeurant sans incidence et ne privant le contribuable d'aucune garantie au regard du délai de prescription.
10. En outre, en ce qui concerne l'impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux de l'année 2012 mentionnés au rôle n° 91701 mis en recouvrement le 30 avril 2014, le comptable a émis une mise en demeure du 15 novembre 2016, le pli qui la contenait ayant été présenté à l'adresse de M. B... le 22 novembre puis distribué le 23 novembre. Si M. B... fait valoir que la signature portée sur l'accusé de réception n'est pas la sienne, il n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations selon lesquelles le préposé des services postaux aurait signé l'avis de réception. Par ailleurs, cette mise en demeure contenait les mêmes informations que celles précédemment citées en matière de voies et délais de recours.
11. Dans ces conditions, les mises en demeure du 6 mai 2019 ne constituaient pas, s'agissant des créances d'impôt sur le revenu en litige, les premiers actes de poursuite permettant d'invoquer la prescription de l'action en recouvrement prévue à l'article L. 274 du livre des procédures fiscales. Le ministre est ainsi fondé à soutenir que ce moyen est irrecevable, en application de l'article R. 281-3-1 du même livre.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer résultant des mises en demeure en litige, en tant qu'elles concernent l'impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux. Ses conclusions d'appel aux fins d'annulation de ce jugement et de décharge de l'obligation de payer précitée doivent dès lors être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais qu'il a exposés.
D É C I D E :
Article 1 : Les conclusions de la requête de M. B... tendant à la décharge de l'obligation de payer les sommes mentionnées sur les mises en demeure du 6 mai 2019, correspondant aux cotisations de taxe d'habitation auxquelles M. et Mme B... ont été assujettis au titre des années 1996 à 2007, 2009 à 2013, 2017 et 2018 et aux cotisations de taxe foncière auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1992, 1993, 1996 à 2007 et 2009 à 2018, sont transmises au Conseil d'Etat.
Article 2 : Le surplus des conclusions d'appel de la requête de M. B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 5 octobre 2023, où siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 octobre 2023.
2
N° 21MA03670