Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014, 2015 et 2016.
Par un jugement n° 2000258 du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 décembre 2021, M. et Mme A..., représentés par Me Foudil, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2000258 du 12 octobre 2021 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de prononcer la décharge demandée au tribunal ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la société D... n'a pas bénéficié d'un débat oral et contradictoire ;
- l'administration a méconnu l'article L. 48 du livre des procédures fiscales ;
- la motivation des rectifications a été modifiée, sans possibilité de réponse ;
- c'est à tort que l'administration a remis en cause l'exonération au titre de l'implantation en zone franche urbaine ;
- les intérêts déduits se rattachaient à un emprunt souscrit dans l'intérêt de l'exploitation.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 juillet 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. et Mme A... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 23 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Platillero,
- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) D..., qui exerce une activité de conseil, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle une proposition de rectification du 6 décembre 2017 lui a été notifiée. Une proposition de rectification du même jour a été notifiée au foyer fiscal de M. A..., associé unique de l'EURL. Au terme de la procédure, M. et Mme A... ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2014, 2015 et 2016, assorties des intérêts de retard et de majorations. Ils relèvent appel du jugement du 12 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et majorations, de ces impositions.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, dans le cas où la vérification de comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat.
3. Il résulte de l'instruction que les opérations de vérification sur place de la société D... se sont déroulées dans des locaux situés au 17, avenue André Roussin à Marseille - 16ème arrondissement, lieu du siège social de la société. Si les requérants font valoir que cette adresse est également celle de la société B..., expert-comptable et client de la société D..., ils n'apportent aucun élément à l'appui de leurs allégations selon lesquelles la vérification de comptabilité ne se serait pas déroulée au siège de l'entreprise vérifiée, quand bien même les locaux auraient été communs avec une société tierce. A la suite de la réception de l'avis de vérification, une première intervention sur place a eu lieu le 22 septembre 2017, en présence de la gérante de la société D... et de M. A.... A cette occasion, la gérante a donné un mandat du même jour à ce dernier, à fin de représentation dans le cadre de la procédure fiscale. A cet égard, contrairement à ce que soutiennent les requérants, ce mandat est valide, dès lors que sa régularité n'était pas subordonnée à l'apposition d'une mention " bon pour pouvoir ". S'ils font également valoir que M. A... n'a pas signé le mandat ni apposé la mention " bon pour accord ", ces circonstances n'entachent pas d'irrégularité le mandat, que M. A... a accepté en représentant la société. Une seconde intervention était prévue le 6 octobre 2017, à laquelle aucun représentant régulièrement mandaté ne s'est présenté, les requérants n'apportant aucun élément à l'appui de leurs allégations selon lesquelles le vérificateur aurait été informé d'une indisponibilité des représentants et aurait mené des opérations de vérification comptable auprès de personnes qui n'étaient pas mandatées. Enfin, une troisième intervention a eu lieu le 27 novembre 2017, en présence de M. A..., qui disposait d'un mandat régulier. Si cette intervention a également tenu lieu de réunion de synthèse, il n'est pas contesté, ainsi que le mentionne la réponse aux observations du contribuable du 16 mars 2018, qu'un débat oral et contradictoire a eu lieu lors de cette intervention. Dans ces conditions, M. et Mme A... ne justifient pas que la société D... a été privée de débat oral et contradictoire au cours de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, qui s'est déroulée dans ses propres locaux.
4. A cet égard, M. et Mme A... ne sont pas fondés à se prévaloir de l'interprétation administrative référencée BOI-CF-PGR-20-20 n° 70 et n° 80 du 12 septembre 2012, qui est relative à la procédure d'imposition.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales : " A l'issue (...) d'une vérification de comptabilité (...) lorsque des rectifications sont envisagées, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 (...) le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications ".
6. Il résulte de l'instruction que, si la proposition de rectification du 6 décembre 2017 notifiée à la société D... ne mentionne pas les conséquences financières des rectifications mais seulement l'impact sur le montant du résultat, une proposition de rectification du même jour mentionnant un délai de réponse de trente jours, qui indique les conséquences financières en matière d'impôt sur le revenu, en droits et majorations, des rectifications des résultats de la société D... imposables au nom de son associé unique, a été notifiée à M. et Mme A.... Dans ces conditions, l'administration, qui a mis les contribuables en mesure d'exercer les garanties qui leur sont offertes par la loi avant la mise en recouvrement des impositions, ne peut être regardé comme ayant méconnu les dispositions de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, en ne mentionnant pas les conséquences financières des rectifications dans la proposition de rectification adressée à l'EURL D....
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ".
8. Contrairement à ce que soutiennent M. et Mme A..., il résulte des réponses aux observations du contribuable du 16 mars 2018 adressées à l'EURL et aux contribuables que l'administration n'a pas procédé à une substitution de base légale en ce qui concerne la remise en cause du régime d'exonération des bénéfices des entreprises implantées en zone franche urbaine, la rectification restant fondée sur l'application de l'article 44 octies A du code général des impôts, ni n'a même d'ailleurs modifié les motifs qui justifiaient la remise en cause du régime d'exonération revendiqué, tirés de l'absence d'implantation effective en zone franche urbaine, mais a seulement répondu aux arguments qui lui ont été présentés dans les observations déposées à la suite de la notification des propositions de rectifications. Les réponses aux observations du contribuable ne peuvent ainsi être analysées comme de nouvelles propositions de rectifications nécessitant l'ouverture d'un nouveau délai pour présenter des observations.
Sur le bien-fondé des impositions :
9. En premier lieu, aux termes de l'article 44 octies A du code général des impôts : " I. Les contribuables qui (...) créent des activités dans les zones franches urbaines (...) sont exonérés d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans la zone (...) Lorsque l'activité non sédentaire d'un contribuable est implantée dans une zone franche urbaine (...) mais est exercée en tout ou partie en dehors d'une telle zone, l'exonération s'applique si ce contribuable emploie au moins un salarié sédentaire à temps plein ou équivalent, exerçant ses fonctions dans les locaux affectés à l'activité, ou si ce contribuable réalise au moins 25 % de son chiffre d'affaires auprès de clients situés dans les zones franches urbaines (...) ".
10. Il résulte de ces dispositions que, pour pouvoir bénéficier du régime d'exonération qu'elles instituent, une entreprise doit exercer une activité dans une zone franche urbaine et doit y disposer des moyens d'exploitation nécessaires à cette activité.
11. Pour remettre en cause le bénéfice de l'exonération prévue à l'article 44 octies A du code général des impôts revendiquée par la société D..., l'administration a estimé que l'implantation matérielle effective de la société en zone franche urbaine n'était pas établie. Il résulte de l'instruction que le vérificateur a constaté que la société, qui a pour activité le conseil en organisation de cabinets de professions libérales et d'entreprises, ne disposait pas de locaux spécifiques mais d'un bureau situé dans des locaux occupés par la société B..., dont M. A... est le gérant, son seul client avec lequel elle a conclu une convention d'assistance le 30 novembre 2012. Si les requérants ont produit des conventions d'hébergement des 25 octobre et 30 novembre 2012, ces conventions qui prévoient la mise à disposition par la société B... d'un bureau, ne stipulent aucune obligation à la charge du locataire, dispensé de tout loyer et qui n'a par ailleurs souscrit aucune assurance. L'administration a également relevé qu'aucune plaque d'identification spécifique n'était visible, ce que ne contredit pas le constat d'huissier du 15 janvier 2018, postérieur au contrôle, alors qu'il est au demeurant constant, ainsi que l'indique la réponse aux observations du contribuable, que la facture d'achat présentée pour justifier l'acquisition d'une telle plaque ne correspond pas au modèle mentionné dans le constat. Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent les requérants, ces conventions, qui se bornent à mentionner la mise à disposition d'un appareil de téléphone utilisable pour les seules lignes intérieures et un simple droit d'utilisation de matériels informatiques, ne prévoient pas l'allocation de moyens d'exploitation permettant à la société D... d'exercer son activité, alors qu'aucun bien d'équipement propre tel qu'ordinateur, téléphone ou ligne internet, n'était inscrit en immobilisations. Enfin, la gérante de droit de la société D..., était domiciliée à Avignon et la société, qui ne disposait pas de salarié, n'a enregistré aucun frais de déplacement. Au demeurant, les requérants, en se bornant à mentionner la réalisation effective de prestations, n'apportent aucun élément de nature à justifier l'identité de la personne qui aurait assuré la mission prévue par la convention d'assistance, ni le lieu à partir duquel ces fonctions auraient été exercées.
12. Ainsi, en l'absence de tout élément en sens contraire que seuls les requérants sont en mesure de produire, les constats précédemment décrits sont suffisants pour conclure que la société D... n'exerçait pas une activité dans une zone franche urbaine, où elle ne disposait pas de moyens d'exploitation nécessaires à cette activité. Par suite, elle ne pouvait bénéficier du régime d'exonération prévu à l'article 44 octies A du code général des impôts.
13. En second lieu, aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...), notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. En ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée.
14. Il résulte de l'instruction que l'administration a remis en cause, sur le fondement du 1 de l'article 39 du code général des impôts, la déduction en charges par la société D... d'intérêts d'emprunt résultant d'un prêt souscrit le 28 décembre 2012, ayant pour objet le " financement du cycle d'exploitation de la société ", au titre de chacune des années en litige, au motif que l'objet de l'emprunt et son lien avec l'intérêt de l'exploitation n'étaient pas établis. M. et Mme A..., qui se bornent à se prévaloir de l'abandon par le vérificateur, au stade de la réponse aux observations du contribuable, de la rectification notifiée sur le fondement de l'article 38-2 réintégrant à titre de passif injustifié le montant de l'emprunt, motif pris de la règle de symétrie du bilan, n'apportent aucun élément qui permettrait de supposer que le prêt, dont l'objet n'est pas précisément défini, aurait été employé dans l'intérêt de l'exploitation de la société. Ils ne fournissent aucune précision quant à l'affectation des sommes prêtées à la société et non au profit de son associé unique, alors qu'il est constant que la contrepartie de l'emprunt est constituée de prélèvements en compte courant de M. A.... Dans ces conditions, c'est à bon droit que les charges en litige n'ont pas été admises en déduction.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande. Leurs conclusions aux fins d'annulation de ce jugement et de décharge, en droits et majorations, des impositions en litige doivent dès lors être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. et Mme A... demandent au titre des frais qu'ils ont a exposés.
D E C I D E :
Article 1 : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 5 octobre 2023, où siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 octobre 2023.
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N° 21MA04736