Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bastia, sur le fondement du troisième alinéa de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, de suspendre l'exécution du permis de construire tacite né du silence gardé par le maire de la commune de Coggia sur la demande présentée par
M. C... D... en vue de la construction d'une maison individuelle avec garage sur un terrain cadastré section E n° 1258 situé lieudit Fontanese.
Par une ordonnance n° 2400096 du 14 février 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a rejeté ce déféré et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 février 2024, le préfet de Corse, préfet de la
Corse-du-Sud, demande au juge des référés de la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal administratif de Bastia du 14 février 2024 ;
2°) de suspendre l'exécution du certificat de permis tacite délivré à M. D... par le maire de Coggia le 5 septembre 2023.
Le préfet soutient que :
- le maire était tenu de refuser le permis de construire sollicité du fait de l'avis conforme défavorable émis par le préfet le 26 juillet 2023 en application des articles L. 422-5 et L. 422-6 du code de l'urbanisme, à la suite du jugement du tribunal administratif de Bastia du
3 décembre 2015 ayant annulé la délibération du 27 juin 2013 du conseil municipal de Coggia en tant qu'elle a ouvert à l'urbanisation les zones U, AU, Nc, AUQ et 2AU situées dans des espaces proches du rivage, et revêtu de l'autorité absolue de chose jugée ;
- est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du permis tacite le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme tel que précisé par le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC), la parcelle d'assiette du projet s'implantant à l'est d'un secteur d'habitat diffus et s'ouvrant sur un vaste espace vierge de toute construction constituant une coupure d'urbanisation ;
- est également de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du permis tacite le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme, dès lors que le projet est situé dans un espace proche du rivage identifié par le PADDUC et visé dans le jugement du 3 décembre 2015, où les constructions ne sont pas admises en dehors des secteurs urbanisés ;
- le projet aurait dû donner lieu à un refus de permis opposé sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, compte tenu de sa localisation dans une zone d'aléas feux de forêt " moyen-fort ", et de ce que le point d'eau le plus proche du terrain d'assiette n'est pas conforme aux prescriptions du règlement départemental de la défense extérieure contre l'incendie, approuvé par arrêté préfectoral du 1er janvier 2019.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2024, M. D..., représenté par
Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de
3 600 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la requête est irrecevable faute d'être suffisamment motivée au regard de l'exigence posée par l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
- les moyens développés par le préfet au soutien de sa requête ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à la commune de Coggia qui n'a pas produit d'observations.
La présidente de la Cour a donné délégation à M. B... pour statuer sur les appels formés contre les décisions rendues par les juges des référés des tribunaux administratifs du ressort de la Cour.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les observations de M. A..., représentant M. D....
La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience, en application de l'article R. 522-8 du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Le 4 juillet 2023, M. D... a présenté au maire de la commune de Coggia une demande de permis de construire en vue de la réalisation d'une maison d'habitation avec garage et terrasse, d'une surface de plancher de 135 m2, sur un terrain cadastré section E n° 1258 situé lieu-dit Fontanese. Le 5 septembre 2023, le maire de Coggia a délivré à M. D... un certificat lui indiquant qu'il était devenu titulaire d'un permis de construire depuis le 4 septembre 2023. Par une ordonnance du 14 février 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande du préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud, tendant à la suspension d'exécution du permis tacite né du silence gardé par le maire de Coggia sur la demande de permis de construire de M. D.... Le préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud, relève appel de cette ordonnance.
2. Aux termes de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, auquel renvoie l'article L. 554-1 du code de justice administrative : " Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission. / (...) /
Le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué. Il est statué dans un délai d'un mois. / Jusqu'à ce que le président du tribunal administratif ou le magistrat délégué par lui ait statué, la demande de suspension en matière d'urbanisme, de marchés et de délégation de service public formulée par le représentant de l'Etat dans les dix jours à compter de la réception de l'acte entraîne la suspension de celui-ci. Au terme d'un délai d'un mois à compter de la réception, si le juge des référés n'a pas statué, l'acte redevient exécutoire. (...) L'appel des jugements du tribunal administratif ainsi que des décisions relatives aux demandes de suspension prévues aux alinéas précédents, rendus sur recours du représentant de l'Etat, est présenté par celui-ci.".
Sur la recevabilité de la requête d'appel :
3. Il ressort des écritures produites dans le délai d'appel par le préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud, que celui-ci ne s'est pas borné à reproduire intégralement et exclusivement le texte de son mémoire de première instance. Par suite, la fin de non-recevoir tirée par M. D... de ce que la requête serait irrecevable, faute de satisfaire aux prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, en vertu desquelles la requête doit, à peine d'irrecevabilité, contenir l'exposé des faits et moyens ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge, doit être écartée.
Sur la recevabilité du déféré :
4. Aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, ou d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. (...) / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. / La notification du recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux.".
5. Le préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud, a notifié son déféré dirigé contre le permis tacite en litige, non seulement à M. D..., mais encore à la commune de Coggia,
le 29 janvier 2024, soit dans le délai de quinze jours prévu par les dispositions de l'article
R. 600-1 du code de l'urbanisme, son déféré ayant été enregistré au greffe du tribunal le
26 janvier 2024. Ainsi, M. D... n'est pas fondé à soutenir, comme il le fait en première instance, que le déféré préfectoral est irrecevable pour ne pas avoir été notifié conformément à ces dispositions.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :
6. En l'état de l'instruction, le moyen tiré par le préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud, de la méconnaissance par le permis tacite en litige des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, tel que précisées par le PADDUC, paraît propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de cette autorisation. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens de la requête ne paraît, en revanche, en l'état de l'instruction, de nature à justifier la suspension d'exécution de cette mesure. Il résulte de ce qui précède que le préfet de Corse, préfet de la Corse du Sud, est fondé à soutenir que c'est à tort que par l'ordonnance attaquée le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a refusé de faire droit à ses conclusions tendant à la suspension du permis tacite accordé à M. D... par le maire de la commune de Coggia pour la réalisation d'une maison d'habitation avec garage et terrasse sur un terrain cadastré section E n° 1258 situé lieu-dit Fontanese. Il y a donc lieu d'annuler l'ordonnance attaquée, et d'ordonner la suspension de l'exécution de ce permis tacite dont la naissance le 4 septembre 2023 a été certifiée par le maire de Coggia le 5 septembre 2023, jusqu'à ce que le tribunal administratif de Bastia se soit prononcé sur le déféré en annulation.
Sur les frais d'instance :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Les conclusions présentées par M. D... sur le fondement de ces dispositions ne peuvent donc qu'être rejetées.
O R D O N N E :
Article 1er : L'ordonnance n° 2400096 du juge des référés du tribunal administratif de Bastia du 14 février 2024 est annulée.
Article 2 : L'exécution du permis de construire tacite accordé à M. D... par le maire de la commune de Coggia pour la réalisation d'une maison d'habitation avec garage et terrasse sur un terrain cadastré section E n° 1258 situé lieu-dit Fontanese, dont la naissance le 4 septembre 2023 a été certifiée le 5 septembre 2023, est suspendue jusqu'à ce que le tribunal administratif de Bastia se soit prononcé sur le déféré formé par le préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à M. C... D... et à la commune de Coggia.
Copie en sera adressée au préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud, ainsi qu'au procureur de la République près le tribunal judiciaire d'Ajaccio.
Fait à Marseille, le 19 mars 2024.
2
N° 24MA00465