Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015, ainsi que des majorations correspondantes.
Par un jugement no 2006588 du 24 mai 2022, le tribunal administratif de Marseille a déchargé Mme C... de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2014 correspondant à la réduction de la base d'imposition d'une somme de 1 262 euros, et rejeté le surplus de ses conclusions.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 juillet 2022 et le 28 août 2023, Mme C..., représentée par Me Cavasino, demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 3 du jugement du 24 mai 2022 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et des majorations restant en litige ;
3°) de mettre la somme de 6 000 euros à la charge de l'État en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés tant en première instance qu'en appel.
Elle soutient que :
- son appel est recevable ;
- le tribunal administratif a omis de se prononcer sur le moyen tiré de ce que certains crédits bancaires correspondaient au remboursement de frais par l'association Passion du Spa ;
- la procédure d'imposition est irrégulière, dès lors que son concubin n'a pas été destinataire d'un avis d'examen de sa situation fiscale personnelle, en méconnaissance de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;
- l'administration ne pouvait mettre en œuvre l'article L. 16 du livre des procédures fiscales pour l'année 2014, dès lors que ses revenus devaient être majorés des sommes qui n'avaient pas à être déclarées ;
- certains crédits bancaires correspondent aux revenus déclarés de son concubin, et constituent en tout état de cause des libéralités ;
- les paiements émanant de M. B... correspondent aux loyers d'une sous-location, et constituent en tout état de cause des libéralités ;
- certains crédits bancaires correspondent au remboursement de frais par l'association Passion du Spa ;
- les versements sur les livrets d'épargne de ses enfants correspondent à des dons et à des présents d'usage ;
- elle demande la rectification du nombre de parts de quotient familial, et peut se prévaloir à ce titre de la doctrine référencée BOI-IR-LIQ-10-10-10-10 du 7 mai 2014 ;
- les majorations pour manquement délibéré sont injustifiées ;
- le tribunal administratif aurait dû faire droit à ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 21 décembre 2022 et le 5 décembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 15 décembre 2023 par une ordonnance du 7 novembre 2023.
Un mémoire a été enregistré pour Mme C... le 5 février 2024, postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mérenne,
- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, à l'issue duquel l'administration fiscale a réintégré dans son revenu imposable des revenus d'origine indéterminée et des indemnités journalières de sécurité sociale, et l'a assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2014 et 2015. Par un jugement du 24 mai 2022, le tribunal administratif de Marseille a déchargé Mme C... de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2014 correspondant à la réintégration des indemnités journalières de sécurité sociale, et rejeté le surplus de ses conclusions. Mme C... fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le jugement attaqué a omis de se prononcer sur le moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de ce que certains versements correspondent au remboursement de frais avancés par Mme C... au moment de la constitution d'une association.
3. Il convient d'annuler l'article 3 du jugement attaqué du fait de cette irrégularité et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par Mme C... devant le tribunal administratif de Marseille par la voie de l'évocation.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
4. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu, une vérification de comptabilité ou un examen de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ou par l'envoi d'un avis d'examen de comptabilité. "
5. Mme C... fait valoir que les comptes bancaires examinés par l'administration au cours de l'examen fiscal de sa situation personnelle sont communs à son concubin, qui en est co-titulaire, et qu'elle forme avec ce dernier une " indivision de fait ", de sorte qu'il aurait également dû être destinataire de l'avis prévu au premier alinéa de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales. Toutefois, les comptes bancaires examinés au cours de la procédure étaient ouverts au seul nom de Mme C.... Ses allégations ne sont pas établies. Par ailleurs, Mme C..., qui a bénéficié de la garantie prévue par cet article, ne saurait utilement invoquer une irrégularité de la procédure de contrôle concernant un autre contribuable. Ce moyen doit donc être écarté.
6. D'autre part, en vertu des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales, l'administration peut, lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir qu'un contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés, lui demander des justifications et, s'il s'abstient de répondre à cette demande ou n'apporte pas de justifications suffisantes, le taxer d'office à l'impôt sur le revenu. L'administration peut comparer les crédits figurant sur les comptes bancaires ou les comptes courants d'un contribuable au montant brut de ses revenus déclarés pour établir l'existence d'indices de revenus dissimulés l'autorisant à demander à l'intéressé des justifications sans procéder à un examen critique préalable de ces crédits ni, quand elle l'a fait, à se référer comme terme de comparaison aux seuls crédits dont l'origine n'est pas justifiée après le premier examen. Toutefois, elle n'est en droit d'user de cette procédure à l'égard de ce contribuable qu'à la condition que les sommes ainsi portées au crédit de ses comptes équivalent au moins au double de ses revenus connus. Il en résulte que la possibilité de recourir à une demande de justification s'apprécie indépendamment de l'établissement ultérieur du caractère imposable des sommes en cause.
7. Le vérificateur a relevé des crédits bancaires d'un montant de 56 091,94 euros en 2014 pour des revenus déclarés de 13 311 euros, et d'un montant de 85 374,23 euros en 2015 pour des revenus déclarés de 224 euros. Ainsi qu'il a été dit, il n'avait pas à déduire des crédits bancaires les sommes susceptibles d'être regardées comme non imposables. Ces crédits représentant plus du double des revenus déclarés, l'administration a régulièrement pu envoyer une demande d'éclaircissements à Mme C... sur le fondement du troisième alinéa de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales.
Sur les revenus d'origine indéterminée :
8. Mme C..., qui a été taxée d'office sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales pour les revenus en litige dans la présente instance, supporte la charge de la preuve de l'exagération des impositions mises à sa charge relativement à ces revenus d'origine indéterminée.
9. En premier lieu, Mme C... fait valoir que les versements d'espèces sur ses comptes bancaires à hauteur de 14 200 euros en 2014 et de 4 430 euros en 2015, ainsi que les virements de la SARL SHL à hauteur de 12 850 euros et un chèque à hauteur de 2 650 euros en 2015, correspondent aux contributions de son concubin aux charges du ménage. Il n'est pas établi que les dépôts d'espèces proviennent de sommes remises à Mme C... par son concubin. Il n'est pas davantage établi que les virements et les chèques émanant de la SARL SHL correspondent à des salaires versés à son concubin ou à des prélèvements sur son compte courant d'associé ouvert dans la comptabilité de la société, ou encore à l'acquittement par la société de la contribution de son concubin aux charges du ménage pour le compte de ce dernier. La circonstance que l'addition de certains crédits corresponde approximativement au montant des revenus déclarés par son concubin ne prouve pas qu'ils proviennent de ce dernier. Enfin, si Mme C... fait valoir que les sommes provenant de la SARL SHL ont été versées sans contrepartie dans une intention libérale, elle n'apporte aucune pièce de nature à l'établir. Par suite, elle ne démontre pas que ces sommes ne pouvaient être regardées comme des revenus d'origine indéterminée.
10. En deuxième lieu, Mme C... fait valoir que des versements en espèces à hauteur de 5 720 euros et trois chèques à hauteur de 3 000 euros en 2014, ainsi que sept virements à hauteur de 4 410 euros en 2015, des versements d'espèces à hauteur de 1 170 euros et quatre chèques à hauteur de 2 520 euros en 2015, correspondent au paiement de loyers provenant de la sous-location de l'appartement loué par son concubin. Mme C... ne produit toutefois ni contrat de sous-location, ni quittance de loyers, ni d'autres pièces établissant la réalité d'une sous-location. Les crédits présentés comme le paiement de loyers ont une périodicité et des montants irréguliers. Les versements d'espèces recoupent en partie ceux vus au point précédent. Les chèques émanent de sept tireurs distincts, dont il n'est pas établi qu'ils se soient acquittés du paiement pour le compte de la personne présentée comme sous-locataire. L'attestation établie par cette dernière, qui présente des liens d'intérêts avec le concubin, ne suffit pas à corroborer les affirmations de la requérante. Enfin, si Mme C... fait valoir que ces sommes ont été versées sans contrepartie dans une intention libérale, elle n'apporte aucune pièce de nature à l'établir. Par suite, elle ne démontre pas davantage que ces sommes ne pouvaient être regardées comme des revenus d'origine indéterminée.
11. En troisième lieu, Mme C... fait valoir que quatre chèques à hauteur de 3 000 euros en 2014 correspondent au remboursement de frais d'avocat afférents à la création de l'association Passion du Spa. Elle produit une demande de provision adressé par l'avocat le 13 octobre 2013 pour un montant de 1 196 euros et une demande de provision adressée le 10 avril 2014 pour un montant de 600 euros. Les montants ne correspondent pas. Il existe d'autres flux financiers avec l'association. Mme C... ne démontre pas que ces paiements ont été effectués en remboursement des frais en question.
12. En dernier lieu, Mme C... justifie en appel, par la production d'attestations, de copies de chèques et de bordereaux d'encaissement que les chèques de 831 et 832 euros crédités sur les livrets d'épargne de ses enfants en 2014, ainsi que les chèques de 931 et 932 euros crédités en 2015, correspondent à des dons familiaux réalisés par un de leurs arrière-grands-parents. Elle est, par suite fondée à demander la décharge des suppléments d'impôts au titre de ces opérations.
Sur le quotient familial :
13. D'une part, il résulte de la combinaison des dispositions du 1 de l'article 6 du code général des impôts avec celle des articles 193, 193 ter, 194 et du 1° de l'article 196 de ce code que les parents vivant en concubinage qui ont un ou plusieurs enfants communs sont imposables séparément à l'impôt sur le revenu et bénéficient chacun d'un nombre de parts de quotient familial déterminé en fonction des enfants dont ils assument, le cas échéant, la charge d'entretien à titre exclusif ou principal. Dans le cas où la charge d'entretien d'un enfant mineur est partagée et qu'aucun des deux parents ne justifie en avoir la charge principale, cette charge est réputée être également partagée et ouvre par conséquent droit, pour chaque parent, à une majoration du nombre de parts de quotient familial égale à la moitié de celle à laquelle ouvrirait droit un enfant dont ce parent assumerait la charge d'entretien à titre exclusif ou principal, cette majoration étant déterminée dans les conditions prévues par les sixième à neuvième alinéas du I de l'article 194 du code général des impôts.
14. Mme C..., qui n'avait pas déclaré l'enfant mineur issu de son concubin comme étant à sa charge, demande que son quotient familial soit majoré d'une part afin de tenir compte du fait que ses revenus sont devenus supérieurs à ceux de son concubin suite aux rectifications et de minorer les impositions supplémentaires qui en ont résulté. Elle n'apporte cependant en tout état de cause pas la preuve qu'elle assumerait la charge principale de cet enfant. Le moyen doit donc être écarté.
15. D'autre part, Mme C... admet elle-même qu'elle n'entre pas dans le champ d'application de la doctrine administrative référencée BOI-IR-LIQ-10-10-10-10 du 7 mai 2014. Par suite, elle ne peut demander à bénéficier du traitement prévu par celle-ci.
Sur les majorations :
16. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
17. Pour établir l'existence d'un manquement délibéré, l'administration s'est fondée à bon droit sur l'importance des revenus non déclarés et des revenus non justifiés de Mme C... au regard de ses revenus déclarés, qui ne pouvait être consécutive à de simples erreurs ou négligences, et relevait d'une volonté délibérée d'éluder l'impôt. Cette volonté reste caractérisée alors même que, selon Mme C..., certains choix, tels que le rattachement de l'un de ses enfants mineurs à son foyer fiscal, lui aurait permis de réduire les impositions supplémentaires dont elle a fait l'objet.
18. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme C... est seulement fondée à demander la réduction des impositions contestées dans les limites mentionnées au point 11. Le surplus de ses conclusions tendant à la décharge des impositions restant en litige doit être rejeté.
Sur les frais liés au litige :
19. Compte tenu du montant des impositions déchargées au regard de celles en litige, il n'y a pas lieu de faire droit, dans les circonstances de l'espèce, aux conclusions présentées par Mme C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais qu'elle a exposés en première instance et en appel.
D É C I D E :
Article 1er : L'article 3 du jugement du 24 mai 2022 du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux fixées à Mme C... au titre des années 2014 et 2015 sont respectivement réduites de 1 662 euros et de 1 862 euros.
Article 3 : Mme C... est déchargée, en droits et pénalités, de la différence entre les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015 et celles qui résultent de l'article 2.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme C... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée pour information à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 23 mai 2024, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- Mme D... et M. Mérenne, premiers conseillers.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2024.
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No 22MA01977