Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Joshnoa et Co a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 2007137 du 24 novembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 2 janvier 2023 et le 13 avril 2023, la SARL Joshnoa et Co, représentée par Me Ciaudo, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 24 novembre 2022 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- l'administration, qui a modifié la base légale des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, devait lui adresser une nouvelle proposition de rectification ;
- elle n'a pas eu accès au dossier au cours de la procédure administrative, de sorte que la procédure est irrégulière au regard de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le droit de reprise était expiré en ce qui concerne la période du 1er janvier au 31 décembre 2015 lorsque l'administration lui a notifié la proposition de rectification du 28 mars 2019 ;
- l'administration a ainsi méconnu les énonciations de la doctrine administrative référencée 13 L-1514, n° 56, reprise par la doctrine BOI-CF-IOR-10-50-10 n° 860 ;
- c'est à tort que l'administration a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur les factures émises par les fournisseurs B... et C... ;
- la remise en cause de la déduction de cette taxe sur la valeur ajoutée contrevient au principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée ;
- l'administration a ainsi également méconnu le principe de proportionnalité ;
- l'administration n'était pas fondée à faire application de la majoration pour manquement délibéré ;
- l'administration a méconnu le paragraphe 2 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en estimant qu'il y avait lieu d'appliquer la majoration pour manquement délibéré ;
- l'administration a manqué à son devoir de loyauté en faisant application de la majoration pour manquement délibéré ;
- l'administration a méconnu le principe de proportionnalité en faisant application de la majoration pour manquement délibéré.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 mars 2023 et le 24 avril 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la requête est irrecevable en ce qu'elle constitue la reproduction littérale du mémoire introductif de première instance, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
- les moyens soulevés par la SARL Joshnoa et Co ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mastrantuono,
- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Joshnoa et Co, qui a pour activité le négoce de cigarettes électroniques, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017. A l'issue de ce contrôle, l'administration a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur les factures de deux des fournisseurs de la SARL Joshnoa et Co, au motif qu'elle avait participé à un circuit de fraude de type " carrousel ". La SARL Joshnoa et Co relève appel du jugement du 24 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a ainsi été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, et des pénalités correspondantes.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ".
3. Il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté qu'après avoir adressé à la SARL Joshnoa et Co une première proposition de rectification du 7 décembre 2018, l'administration, qui a modifié la base légale des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, lui a envoyé une nouvelle proposition de rectification du 28 mars 2019 qui a été régulièrement notifiée par lettre recommandée avec avis de réception le 29 mars 2019. Par conséquent, le moyen tiré de ce que l'administration aurait dû adresser à la société requérante une nouvelle proposition de rectification doit être écarté.
4. En second lieu, la SARL Joshnoa et Co, qui n'allègue ni n'établit avoir demandé à l'administration au cours de la procédure administrative des informations sur les poursuites pénales entreprises à l'encontre des fournisseurs défaillants, n'est en tout état de cause pas fondée à soutenir que la procédure serait irrégulière au regard de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne le droit de reprise de l'administration :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible (...) ". Aux termes de l'article L. 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification (...) "
6. La notification de la proposition de rectification du 7 décembre 2018 mentionnée au point 3, dont la régularité n'est pas contestée, a valablement interrompu la prescription du délai de reprise applicable aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015, en dépit de la circonstance qu'elle a été remplacée par la proposition du 28 mars 2019, mentionnée au même point. Par conséquent, la SARL Joshnoa et Co n'est pas fondée à soutenir que le droit de reprise de l'administration aurait été expiré en ce qui concerne la période du 1er janvier au 31 décembre 2015 lorsque l'administration lui a notifié la proposition de rectification du 28 mars 2019.
7. En second lieu, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. (...) / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ".
8. La SARL Joshnoa et Co ne saurait se prévaloir des doctrines référencées 13 L-1514 et BOI-CF-IOR-10-50-10 dès lors que, relatives à la procédure d'imposition, elles n'entrent pas dans le champ d'application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
9. En premier lieu, aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". Aux termes de l'article 271 du même code : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) ". Aux termes de l'article 272 de ce code : " (...) / 3. La taxe sur la valeur ajoutée afférente à une livraison de biens ou à une prestation de services ne peut faire l'objet d'aucune déduction lorsqu'il est démontré que l'acquéreur savait ou ne pouvait ignorer que, par son acquisition, il participait à une fraude consistant à ne pas reverser la taxe due à raison de cette livraison ou de cette prestation ".
10. Il résulte des dispositions de l'article 17 de la sixième directive 77/388/CEE du 17 mai 1977, reprises en substance à l'article 168 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 et dont les dispositions du I et du a) du 1 du II de l'article 271 du code général des impôts citées au point 9 assurent la transposition, que le bénéfice du droit à déduction de taxe sur la valeur ajoutée doit être refusé à un assujetti lorsqu'il est établi, au vu d'éléments objectifs, que celui-ci savait ou aurait dû savoir que, par l'opération invoquée pour fonder ce droit, il participait à une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée commise dans le cadre d'une chaîne de livraisons ou de prestations, ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne, notamment par son arrêt du 18 décembre 2014, Staatssecretaris van Financiën c/ Schoenimport " Italmoda " Mariano Previti vof et Turbu.com BV, Turbu.com Mobile Phone's BV (C-131/13, 163/13 et 164/13).
11. Si les opérateurs qui prennent toute mesure pouvant raisonnablement être exigée d'eux pour s'assurer que leurs opérations ne sont pas impliquées dans une fraude, qu'il s'agisse de la fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ou d'autres fraudes, ne doivent pas perdre leur droit à déduire la taxe sur la valeur ajoutée acquittée en amont, en revanche, un assujetti qui savait ou aurait dû savoir que, par son acquisition, il participait à une opération impliquée dans une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, doit être considéré comme participant à cette fraude, indépendamment de la question de savoir s'il tire ou non un bénéfice de la revente des biens, dès lors que, dans une telle situation, l'assujetti devient complice de la fraude, comme l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 6 juillet 2006, Axel Kittel et Recolta Recycling SRPL (C-439/04 et C-440/04).
12. Si l'administration fiscale ne peut exiger de manière générale de l'assujetti souhaitant exercer le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, d'une part, qu'il vérifie que l'émetteur de la facture correspondant aux biens et aux services au titre desquels l'exercice de ce droit est demandé dispose de la qualité d'assujetti, qu'il disposait des biens en cause et était en mesure de les livrer et qu'il a rempli ses obligations de déclaration et de paiement de la taxe, afin de s'assurer qu'il n'existe pas d'irrégularités ou de fraude au niveau des opérateurs en amont, ou, d'autre part, qu'il dispose de documents à cet égard, un opérateur avisé peut, en revanche, lorsqu'il existe des indices permettant de soupçonner l'existence d'irrégularités ou de fraude, se voir contraint de prendre des renseignements sur un autre opérateur auprès duquel il envisage d'acheter des biens ou des services afin de s'assurer qu'il s'est acquitté de ses obligations fiscales, comme l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 21 juin 2012, Mahagében kft (C-80/11). Lorsque les indices permettent de soupçonner une méconnaissance, par un fournisseur de biens ou un prestataire de services, de ses obligations de déclaration ou de paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient ainsi à l'assujetti qui a acquis certains de ces biens ou services, pour les céder à son tour, de s'assurer qu'en ce qui concerne ces biens et services, son fournisseur ou son prestataire s'est acquitté de ses obligations.
13. Enfin, il incombe à l'administration fiscale d'établir les éléments objectifs permettant de conclure que l'assujetti savait ou aurait dû savoir que l'opération invoquée pour fonder le droit à déduction était impliquée dans une fraude. Lorsque sont en cause des opérations similaires réalisées par des sociétés différentes pendant une courte période, ces éléments doivent porter sur chacune de ces sociétés, qu'il s'agisse de l'existence de la fraude reprochée, des indices permettant à l'assujetti mis en cause de la soupçonner ou encore des mesures qui peuvent raisonnablement être exigées.
14. D'une part, il est constant que la SARL Joshnoa et Co a acheté des liquides pour cigarettes électroniques au cours de l'année 2015 auprès des fournisseurs B... et C... pour un montant global, toutes taxes comprises, de 594 579,62 euros, puis, au cours des années 2016 et 2017 auprès du seul fournisseur C... pour des montants respectifs de 1 072 391,88 euros et 1 212 728,77 euros. L'administration démontre, par les pièces qu'elle verse au dossier, et sans d'ailleurs être contredite, que tant ces fournisseurs que M. A..., qui a perçu les montants facturés par les deux fournisseurs, ont été défaillants dans leurs obligations déclaratives et n'ont ainsi ni déclaré ni acquitté la taxe sur la valeur ajoutée due sur ces achats au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017.
15. D'autre part, l'administration établit qu'aucune société " B..." ne s'est fait connaître auprès d'un centre de formalité des entreprises et fait valoir que les factures émises à l'en-tête " B... " ne comportent aucun numéro d'immatriculation et mentionnent les références du compte bancaire de M. A.... Elle fait également valoir que des factures ont été émises à l'en-tête " C..." dès 2015, alors que la SARL C..., dont M. A... était le gérant, n'a été créée qu'en février 2016, que le numéro d'immatriculation mentionné sur les premières factures était dans un premier temps celui d'une société d'assurance, puis celui de M...jusqu'au 23 février 2017, et que les factures mentionnent les références du compte bancaire de M. A... jusqu'en septembre 2017. En outre, l'administration fait valoir sans être contredite que toutes ces factures ont été réglées par chèque ou par virement à l'ordre de M. A.... Si la SARL Joshnoa et Co fait valoir que toutes les factures émises à l'en-tête " B... " et que les factures émises à l'en-tête " C... " jusqu'au 1er février 2016 auraient comporté le numéro siret de M. A..., elle ne produit aucun élément à cet égard, alors que les exemples de factures annexées à la proposition de rectification ne mentionnent aucun numéro d'immatriculation en ce qui concerne le fournisseur eSmoker et un numéro d'immatriculation correspondant à une autre entreprise en ce qui concerne le fournisseur C.... Par ailleurs, la circonstance que le paiement par chèque constituerait une " garantie de régularité des opérations " en raison de l'obligation des établissements bancaires de transmettre à Tracfin des déclarations de soupçon ne saurait expliquer le versement par la SARL Joshnoa et Co à M. A... des sommes facturées successivement par deux entités distinctes, y compris après la création de la SARL C... et la conclusion avec cette société d'un contrat d'approvisionnement, quand bien même M. A... aurait exercé à titre individuel une activité sous l'enseigne eSmoker et aurait disposé de locaux et de fournisseurs et sans qu'ait d'incidence la circonstance que les produits commandés étaient livrés. Enfin, alors qu'il résulte de ces éléments que la SARL Joshnoa et Co était en présence d'un cumul d'indices qui aurait dû l'alerter sur une fraude potentielle dès l'année 2015, elle n'a demandé à la SARL C... une attestation de vigilance de l'URSSAF et une attestation de régularité fiscale qu'en 2017. Ainsi, elle n'a pas fait preuve d'une diligence accrue pour s'assurer que les opérations qu'elle effectuait avec des entreprises qui lui étaient selon elle inconnues ne la conduisaient pas à participer à une fraude.
16. Il résulte de ce qui précède que l'administration démontre que la SARL Joshnoa et Co ne pouvait ignorer que par ses acquisitions, elle participait à une fraude commise par les fournisseurs B... et C... consistant à ne pas reverser la taxe sur la valeur ajoutée due à raison de ces livraisons. Par suite, c'est à bon droit qu'elle a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les acquisitions réalisées par la SARL Joshnoa et Co auprès des fournisseurs B... et C....
17. En second lieu, eu égard à ce qui a été dit aux points 14 et 15, la SARL Joshnoa et Co n'est pas fondée à soutenir que l'administration, en remettant en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux factures des fournisseurs B... et C..., aurait méconnu le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée et le principe de proportionnalité.
Sur les pénalités :
18. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
19. Pour justifier l'application de la majoration de 40 % prévue par les dispositions mentionnées ci-dessus en cas de manquement délibéré, l'administration a relevé que la SARL Joshnoa et Co a entendu déduire la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur les factures émises par des fournisseurs frauduleux et que, comme exposé au point 15, elle ne pouvait ignorer qu'elle participait à une fraude. L'ensemble de ces constatations traduit une volonté délibérée d'éluder l'impôt sanctionnée par l'article 1729 du code général des impôts, dont les dispositions prévoient des taux de majoration différents selon que les inexactitudes ou omissions constituent un manquement délibéré, des manœuvres frauduleuses ou un abus de droit, et visent à sanctionner des manquements différents, proportionnés avec la gravité des agissements du contribuable dans la dissimulation des revenus et dans les omissions de déclarations constatés, sous le contrôle du juge de l'impôt. Par ailleurs, l'administration, qui ne s'est pas seulement bornée à relever l'importance des sommes éludées ou l'existence de simples irrégularités comptables, mais qui s'est attachée à caractériser l'élément intentionnel du manquement constaté, doit être regardée comme apportant la preuve d'un manquement délibéré de la société. De plus, l'administration ayant établi l'intention délibérée de la SARL Joshnoa et Co d'éluder l'impôt, elle n'a ni méconnu le principe de la présomption d'innocence garanti par l'article 6-2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni manqué à son devoir de loyauté. La requérante n'est ainsi pas fondée à demander la décharge des majorations pour manquement délibéré dont l'administration a fait application.
20. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que la SARL Joshnoa et Co n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SARL Joshnoa et Co la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Joshnoa et Co est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Joshnoa et Co et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction nationale d'enquêtes fiscales.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025, où siégeaient :
- M. Duchon-Doris, président de la Cour,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 janvier 2025.
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N° 23MA00006