Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon, par deux actes introductifs d'instance, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015 à 2018, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la même période, et des majorations correspondantes.
Par un jugement nos 2101099 et 2103333 du 17 avril 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses demandes après les avoir jointes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, un mémoire et un mémoire récapitulatif, enregistrés le 19 juin 2023, le 27 septembre 2024 et le 16 janvier 2025, M. B..., représenté par Me Poussard, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 17 avril 2023 du tribunal administratif de Toulon ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et des majorations en litige ;
3°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de l'État en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'administration fiscale ne peut s'abstenir de conduire une vérification de comptabilité lorsque la découverte d'une activité occulte résulte d'une information transmise par l'autorité judiciaire ;
- les revenus tirés de la revente de carburant constituent en réalité des salaires versés par son employeur en contrepartie des tâches exécutées pour le compte de ce dernier ;
- l'administration a retenu à tort une activité occulte de vol et revente de carburant, alors qu'il a fait l'objet d'une condamnation pour abus de confiance, qui s'impose avec l'autorité de la chose jugée, et que les revenus issus d'un détournement de fonds sont imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ;
- il convient de retenir un coefficient de charges déductibles de 34 % ;
- la majoration pour l'absence d'affiliation à une association de gestion agréée est injustifiée ;
- elle est contraire à l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les revenus tirés de son activité n'ont pas excédé les seuils de la franchise en base de taxe sur la valeur ajoutée ;
- la majoration de 80 % pour activité occulte est injustifiée, dès lors qu'une activité de détournement de fonds n'a pas un caractère économique.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 novembre 2023, le 20 novembre 2024 et le 13 février 2025, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il soutient que :
- un dégrèvement partiel a été prononcé par une décision du 7 novembre 2024 ;
- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mérenne,
- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a fait l'objet d'un contrôle sur pièces au titre des années 2015 et 2016 et d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle au titre des années 2017 et 2018. Par des propositions de rectification des 20 et 21 novembre 2019, l'administration fiscale a considéré qu'il avait exercé une activité occulte de revente de carburants et l'a assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Il fait appel du jugement du 17 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires et des majorations correspondantes.
Sur l'étendue du litige :
2. Par une décision du 7 novembre 2024, le directeur départemental des finances publiques du Var a prononcé un dégrèvement à l'impôt sur le revenu d'un montant total de 15 936 euros correspondant à la majoration de 1,25 alors prévue au 1° du 7.de l'article 158 du code général des impôts aux quatre années d'imposition en litige. Les conclusions de la requête, sont dans cette mesure, devenues sans objet en cours d'instance.
Sur les impositions restant en litige :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
3. Aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu, une vérification de comptabilité ou un examen de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ou par l'envoi d'un avis d'examen de comptabilité. ", Aux termes de l'article L. 47 C du même code : " Lorsque, au cours d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, sont découvertes des activités occultes ou mises en évidence des conditions d'exercice non déclarées de l'activité d'un contribuable, l'administration n'est pas tenue d'engager une vérification de comptabilité pour régulariser la situation fiscale du contribuable au regard de cette activité. " Enfin, aux termes de son article L. 101 : " L'autorité judiciaire doit communiquer à l'administration des finances toute indication qu'elle recueille, à l'occasion de toute procédure judiciaire, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manœuvre quelconque ayant eu pour objet ou pour résultat de frauder ou de compromettre un impôt. "
4. L'administration fiscale a initié le 30 juillet 2019 un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. B... portant sur la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2018. Au cours de ce contrôle, le ministère public près le tribunal de grande instance de Toulon a spontanément communiqué à l'administration fiscale, sur le fondement de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, un soit-transmis du 3 septembre 2019 issu d'une procédure pénale en cours visant l'intéressé.
5. D'une part, la proposition de rectification du 20 novembre 2019, relative aux années 2015 et 2016, résulte d'un contrôle sur pièces exclusivement fondé sur les documents communiqués par l'autorité judiciaire sur le fondement de l'article 101 du livre des procédures fiscales, dont la mise en œuvre n'est pas soumise à des formalités particulières. En outre, l'administration fiscale ne s'est pas livrée à des investigations et n'a pas procédé à la consultation de documents comptables propres au contribuable. M. B... n'est par suite pas fondé à soutenir qu'elle aurait commis une irrégularité en s'abstenant de réaliser au préalable une vérification de comptabilité.
6. D'autre part, la proposition de rectification du 21 novembre 2019, relative aux années 2017 et 2018, fait suite à un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de l'intéressé engagé par avis du 22 juillet 2019 au cours duquel a été communiqué spontanément à l'administration fiscale le 3 septembre 2019 par le vice procureur du tribunal de grande instance de Toulon un soit-transmis permettant à l'administration fiscale de prendre connaissance d'une enquête préliminaire dirigée contre M. B.... En application des dispositions de l'article L. 47 C du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale n'était ainsi pas tenue d'engager une procédure de vérification de comptabilité. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit par suite être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
7. En premier lieu, l'autorité de la chose jugée qui appartient aux décisions des juges répressifs devenues définitives s'attache à la constatation matérielle des faits mentionnés dans les jugements et arrêts, support nécessaire du dispositif, et à leur qualification au regard de la loi pénale. En revanche, elle est sans incidence sur la qualification de ces mêmes faits au regard de la loi fiscale, notamment en ce qui concerne la détermination de la catégorie d'imposition.
8. Par un jugement correctionnel du 28 février 2022 devenu définitif en ce qui concerne l'action publique, le tribunal judiciaire de Toulon a notamment déclaré M. B... coupable d'abus de confiance pour avoir détourné du gazole mis à sa disposition par son employeur, la société Mediaco, en vue de le revendre subrepticement à des forains au prix de 50 centimes par litre. Ainsi qu'il a été dit, l'administration fiscale s'est fondée sur les informations communiquées par l'autorité judiciaire pour rehausser les revenus de M. B... à hauteur de 28 660 euros pour 2015, 39 670 euros pour 2016, 44 570 euros pour 2017 et 24 335 euros pour 2018.
9. M. B... fait valoir qu'il ne pouvait se voir imposer dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, mais qu'il devait l'être soit en traitements et salaires, ayant agi à la demande de son employeur dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail, soit dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, eu égard aux détournements de fonds commis. Toutefois, il ressort du jugement correctionnel du 28 février 2022 que M. B... n'a pas été condamné pour avoir détourné des fonds, mais pour avoir détourné des produits pétroliers en vue de les revendre. Le même jugement souligne expressément que le salarié a agi à l'insu de son employeur et au détriment de ce dernier. L'autorité de la chose jugée qui s'attache à ces constations fait donc obstacle à ce que les thèses de M. B... puissent être retenues. En outre, il ressort des propositions de rectification des 20 et 21 novembre 2019 que l'administration fiscale n'a pas entendu imposer l'objet de ses détournements, mais le profit réalisé à l'occasion de la revente des biens détournés. La vente de produits pétroliers présente le caractère d'une activité commerciale. Ce profit est donc imposable à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, sans que la qualification pénale d'abus de confiance retenue par le tribunal judiciaire puisse suffire pour imposer une catégorie d'imposition différente.
10. Pour les mêmes motifs, la vente de produits pétroliers constituait également une activité économique entrant dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 256 du code général des impôts, dans les conditions prévues par l'article 298 du même code.
11. En deuxième lieu, et ainsi qu'il a été vu ci-dessus, M. B... s'est livré à une activité illicite constituant une activité occulte au sens du deuxième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales. Il ne peut donc bénéficier de la franchise en base de la taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 293 B du code général des impôts, dont les dispositions excluent expressément les contribuables exerçant une telle activité.
12. En troisième lieu, l'administration fiscale a écarté l'existence de charges en soulignant que les achats de carburants avaient été effectués sur le compte de l'employeur de M. B..., dont provenaient également les moyens matériels engagés. M. B... demande l'application d'un taux forfaitaire de charges de 34%, mais n'apporte aucun justificatif à ce titre. Il se borne à se prévaloir d'un souci de réalisme économique qui, en tout état de cause, ne s'oppose pas à l'absence de charges déductibles, dans les circonstances propres à l'espèce.
En ce qui concerne les majorations :
13. Compte tenu de ce qui a été dit, M. B... était tenu de faire connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce et ne l'a pas fait. Il n'a pas déposé non plus dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire. Par suite, l'administration était fondée à appliquer aux bénéfices industriels et commerciaux la majoration de 80 % pour activité occulte prévue au c. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts.
14. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses demandes. Le surplus de ses conclusions doit donc être rejeté, y compris celles relatives aux frais non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance.
Article 2 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée pour information à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 24 avril 2025, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- Mme Mastrantuono, première conseillère ;
- M. Mérenne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mai 2025.
2
No 23MA01556