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19/06/2025 | FRANCE | N°23MA01929

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 3ème chambre, 19 juin 2025, 23MA01929


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SARL DLV Invest a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2015 et en 2016, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui lui ont été réclamés au titre de la même période, des majorations correspondantes et de l'amende fiscale prononcée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.



Par un jugement no 2002580 du 24 mai 2023, le tribunal administratif de Nice a réduit à hauteur de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL DLV Invest a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2015 et en 2016, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui lui ont été réclamés au titre de la même période, des majorations correspondantes et de l'amende fiscale prononcée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.

Par un jugement no 2002580 du 24 mai 2023, le tribunal administratif de Nice a réduit à hauteur de 13 820 euros les bases de la TVA réclamée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015, déchargé la SARL DLV Invest des rappels et des majorations correspondantes, et rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête, des mémoires et un mémoire récapitulatif, enregistrés le 24 juillet 2023, le 26 janvier, le 3 août et le 16 novembre 2024, ainsi que le 12 février 2025, la SARL DLV Invest, représentée par Me Schmitt, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 du jugement du 24 mai 2023 du tribunal administratif de Nice ;

2°) de prononcer la décharge des impositions, des majorations et de l'amende en litige ;

3°) de mettre la somme de 30 000 euros à la charge de l'État en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- la procédure d'opposition à contrôle fiscal n'est pas justifiée ;

- la vérification de comptabilité n'a pas respecté les principes d'impartialité, de neutralité et d'objectivité notamment protégés par la doctrine administrative ;

- le tribunal administratif a commis une irrégularité en s'abstenant de soulever ce moyen d'office ;

- elle n'a pas bénéficié d'un débat oral et contradictoire au cours de la vérification de comptabilité ;

- elle a été privée de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

- l'administration ne pouvait refuser d'admettre la TVA déductible au se fondant sur une situation d'opposition à contrôle fiscal ;

- la méthode employée par le vérificateur pour l'exercice 2015 ne pouvait pas être appliquée à l'année 2016 ;

- le vérificateur ne pouvait pas admettre 136 150 euros de charges pour l'exercice 2016 contre 196 719 euros pour l'exercice 2015 ;

- les crédits bancaires de l'exercice 2015 non reportés sur les déclarations de TVA correspondent à des emprunts bancaires à hauteur de 120 000 euros et à des apports des associés à hauteur de 87 697 euros ;

- elle justifie de la TVA déductible au titre de l'exercice 2015 ;

- un simple rappel de TVA collectée de 9 667 euros ne peut pas engendrer une " pénalisation " de 409 673 euros, soit 4 238 % ;

- l'administration a multiplié les pénalités de manière déraisonnée, à hauteur de plus de 300 % du montant des impositions ;

- la proposition de rectification, qui lui demande de désigner les bénéficiaires des distributions, ne lui a pas été régulièrement notifiée ;

- elle a corrigé ses résultats fiscaux 2015 et 2016, qui ne font plus apparaître de distributions ;

- les articles 109-1-1° et 110 du code général des impôts ne s'appliquent pas à une reconstitution de chiffre d'affaires réalisée à l'occasion d'un contrôle fiscal ;

- les majorations revêtent un caractère confiscatoire et méconnaissent l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- le tribunal administratif a commis une irrégularité en s'abstenant de soulever cette question d'office ;

- une expertise est justifiée.

Par des mémoires en défense et un mémoire récapitulatif, enregistrés le 21 décembre 2023, le 11 juin et le 15 octobre 2024, le 29 janvier et le 6 mars 2025, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements prononcés en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL DLV Invest ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. Mérenne,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'administration fiscale a adressé à la SARL DLV Invest un avis de vérification de comptabilité par courrier du 20 décembre 2017, puis a dressé à son encontre un procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal le 15 mars 2018. Par une proposition de rectification du 15 octobre 2018, l'administration fiscale a procédé à une évaluation d'office des bases d'imposition pour assujettir la société à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2015 et en 2016, lui réclamer des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er avril 2015 au 31 décembre 2016, et lui infliger une amende fiscale sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts. La SARL DLV Invest fait appel du jugement du 24 mai 2023 du tribunal administratif de Nice en tant que celui-ci, après avoir réduit à hauteur de 13 820 euros les bases de la TVA réclamée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015 et déchargé la SARL DLV Invest des rappels et des majorations correspondantes, a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la décharge des impositions restant en litige.

Sur l'étendue du litige :

2. Le directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes a prononcé le dégrèvement de cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de rappels de taxe sur la valeur ajoutée, des majorations et de l'amende à hauteur de 103 021 euros par une décision du 11 juin 2024, de 139 451 euros par une décision du 10 octobre 2024, et de 22 846 euros par une décision du 13 février 2025. Les conclusions de la requête sont devenues sans objet en cours d'instance dans cette mesure et il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. La société requérante fait valoir que le tribunal administratif aurait omis de répondre à des moyens en première instance, sans indiquer les moyens en question. Elle n'assortit donc pas le moyen relatif à l'insuffisance de motivation du jugement attaqué des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

Sur l'évaluation d'office :

4. Le premier alinéa de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales prévoit que : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers. "

5. Il résulte de l'instruction que la SARL DLV Invest gérait une boutique de prêt-à-porter sous l'enseigne " Superdry " à Juan-les-Pins, où était domicilié le siège social de la société. Le gérant et les autres associés sont des ressortissants belges résidant en Belgique. Par un courrier du 20 décembre 2017, l'administration fiscale a notifié à la société un avis de vérification de comptabilité en annonçant une visite le 11 janvier 2018 à 14 heures. Ce pli recommandé, également adressé par lettre simple, a été retiré le 23 décembre 2017 par la responsable de boutique, seule salariée de la société. Aucun représentant de la société n'était présent lors du rendez-vous prévu le 11 janvier 2018. La responsable de boutique a cependant averti le gérant de la visite du vérificateur par messagerie instantanée. Au cours de sa conversation avec la responsable, le gérant a indiqué qu'il était impossible de prévoir un rendez-vous, dès lors qu'il ignorait la date de sa prochaine venue sur place, et a suggéré l'envoi d'un courrier à son adresse personnelle, sans que celle-ci soit précisée. L'administration a ensuite adressé à la société, par lettre recommandée avec accusé de réception et par lettre simple, une lettre d'information du 16 janvier 2018 sur l'échec du premier rendez-vous, puis une première mise en garde, datée du 29 janvier 2018, et une seconde mise en garde, datée du 12 février 2018. Les trois plis recommandés sont revenus comme avisés et non réclamés.

6. La société requérante fait valoir que les courriers, régulièrement reçus par la société à son siège social, n'ont pas été remis en mains propres au gérant, qui était rarement sur place. Elle ajoute que celui-ci " s'était préoccupé de mettre en place toutes les procédures de communication via internet " et " était donc parti du principe qu'il recevrait tous les courriers via internet ". Ni la responsable de boutique, ni d'ailleurs personne d'autre, n'avait de pouvoir pour retirer les plis recommandés adressés à la société. La société accuse sa préposée de négligence et de malveillance, mais ces accusations ne sont pas établies, d'autant plus que celle-ci avait averti le gérant de la visite du vérificateur le 11 janvier 2018. Contrairement à ce que soutient la société requérante, il n'appartenait pas à l'administration fiscale, après avoir régulièrement notifié quatre plis à la société, d'envoyer les informations relatives au contrôle fiscal à d'autres personnes que la contribuable, non plus qu'à s'adresser directement aux associés de la société par courrier ou par courriel. Le contrôle fiscal n'a donc pas pu avoir lieu du fait de l'incapacité délibérée dans laquelle la SARL DLV Invest s'était placée pour donner suite aux courriers adressés par l'administration fiscale par lettre recommandée, ainsi qu'à l'inertie de son gérant, une fois celui-ci informé du contrôle par la responsable de boutique. L'administration était donc fondée à évaluer d'office les bases d'imposition sur le fondement de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales.

7. Enfin, il résulte des dispositions des articles L. 67, L. 74 et L. 76 du livre des procédures fiscales que, lorsque les bases de l'imposition d'un contribuable ont été évaluées d'office à la suite de son opposition au contrôle fiscal, le législateur a entendu priver l'intéressé, qui s'est de lui-même placé en dehors des règles applicables à la procédure d'imposition, des garanties dont bénéficient les contribuables, qu'ils soient imposés selon la procédure contradictoire ou selon une procédure d'imposition d'office, et notamment de celle tenant à l'obligation de permettre un débat oral et contradictoire entre le contribuable et le vérificateur au cours de la vérification de comptabilité, ainsi que de celle tenant à la possibilité de saisir la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires. La société n'est par suite pas fondée à soutenir que ces garanties auraient été méconnues entraînant une décharge des impositions.

Sur la procédure d'imposition :

8. La société requérante fait valoir que l'administration fiscale a manqué aux " principes d'impartialité, de neutralité et d'objectivité " en raison des " montants exorbitants demandés et la méthode et les raisons retenues par le vérificateur ", du refus de reconnaître le bien-fondé de ses demandes, et de l'absence des garanties relatives au contrôle fiscal. Aucune de ces circonstances ne constitue un manquement au principe d'impartialité, d'autant plus que l'administration fiscale a procédé au dégrèvement partiel des impositions en fonction des pièces justificatives apportées par la société au cours de l'instance, ainsi qu'il a été dit au point 2. L'absence de garanties résulte du recours à l'évaluation d'office en raison d'une opposition à contrôle fiscal, ainsi qu'il a été dit au point 7. Par ailleurs, le tribunal administratif n'a pas commis d'irrégularité en s'abstenant de soulever d'office un tel moyen, qui n'est ni d'ordre public, ni fondé.

Sur le bien-fondé des impositions :

9. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Aux termes de l'article R* 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré "

10. Pour reconstituer le chiffre d'affaires de la SARL DLV Invest au titre de l'exercice 2015, le vérificateur s'est initialement fondé sur les crédits des comptes bancaires français de la société pour un montant total de 246 120 euros hors taxe sur huit mois, en admettant 196 719 euros en charges, alors qu'au titre de l'exercice 2016, il s'est fondé sur les déclarations de TVA pour un montant total de 266 429 euros hors taxe, en admettant 136 150 euros en charges. Ce faisant, le vérificateur s'est limité à évaluer d'office les bases d'imposition en fonction des informations en sa possession, sans que de telles circonstances puissent affecter par elles-mêmes le bien-fondé des bases d'imposition.

En ce qui concerne la TVA collectée au titre de l'année 2015 :

11. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. - Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ".

12. Ainsi qu'il a été dit, le vérificateur s'est fondé sur les crédits figurant sur les comptes bancaires français de la SARL DLV Invest pour reconstituer le chiffre d'affaires au titre de l'exercice 2015. Il résulte de l'instruction que les trois virements réalisés les 3 juin, 11 juin et 27 octobre 2015 proviennent de virements d'un compte bancaire belge de la même société. Ce compte agrège lui-même, selon un tableau récapitulatif dont il existe plusieurs versions contradictoires, des mouvements financiers depuis les comptes personnels des associés, un compte épargne, et les comptes de deux sociétés HTB et G. Soft. Selon la société requérante, les versements sur le compte courant belge, pour un montant total de 207 697 euros, s'expliqueraient, à hauteur de 87 697 euros, par des apports des associés, et à hauteur de 120 000 euros, par deux prêts d'un montant de 60 000 euros chacun respectivement accordés par les sociétés HTB et G. Soft. Toutefois, selon la dernière version du tableau récapitulatif, dont M. B... A... atteste l'exactitude en sa double qualité d'associé de la SARL DLV Invest et d'expert-comptable certifié en Belgique, les prêts qui auraient été consentis par les sociétés HTB et G. Soft n'auraient abondé le compte bancaire belge de la SARL DLV Invest qu'à hauteur de 51 000 euros - au lieu des 120 000 euros revendiqués. En outre, si les sommes versées par les associés ont été regardées comme des avances en compte courant à partir de 2019, lorsque la société a fait établir une comptabilité par un nouvel expert-comptable portant rétrospectivement sur les exercices 2015 et 2016, cette justification ne peut valoir pour les exercices en cause, au cours desquels la société ne tenait aucune comptabilité et ne pouvait donc avoir ouvert de compte courant dans ses comptes au profit de ses associés. Enfin, le compte bancaire belge comporte des opérations créditrices inexpliquées à partir d'un compte épargne pour un montant de 48 000 euros. Il suit de là que la société requérante n'apporte pas la preuve qui lui incombe que la valeur ajoutée collectée devrait être réduite de 83 000 euros.

En ce qui concerne la TVA déductible :

13. En premier lieu, le vérificateur était fondé à remettre en cause la TVA déductible déclarée par la SARL DLV Invest au motif qu'elle n'avait pas justifié de ces opérations déductibles au cours de la procédure de contrôle fiscal. Contrairement à ce que soutient la société requérante, un tel refus, qui se borne à tirer les conséquences des règles de preuve en matière de TVA déductible, ne constitue pas une sanction.

14. En deuxième lieu, s'agissant des prestations de services intracommunautaires encore en litige au cours de l'exercice 2015, la facture DM Intérieur du 7 avril 2015 d'un montant de 3 550 euros n'a pas été acquittée par la SARL DLV Invest, ce que cette dernière confirme d'ailleurs. La facture Hortalis du 30 juin 2015 pour un montant de 12 000 euros émane d'une société tierce créée par le même gérant, La réalité des prestations prévue par cette facture n'est pas établie.

15. En troisième lieu, s'agissant des acquisitions intracommunautaires au cours de l'exercice 2015, qui justifieraient par la même occasion d'une TVA déductible supplémentaire de 3 520 euros hors prestations de services et acquisitions intracommunautaires, la société requérante renvoie à des documents établis par le nouvel expert-comptable pour les besoins de l'instance, qui n'établissent pas l'existence d'un tel droit à déduction.

16. En quatrième lieu, s'agissant des prestations de services intracommunautaires au cours de l'exercice 2016, le paiement des factures restant en litige n'est pas justifié. La facture Hortalis du 30 septembre 2016 pour un montant de 5 140 euros doit être écartée pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 14.

17. En cinquième lieu, s'agissant de la taxe déductible hors prestations de services et acquisitions intracommunautaires pour l'exercice 2016, les montants de TVA ne correspondent pas à ceux initialement déclarés par la SARL DLV Invest. Les factures Orange sont libellées au nom du gérant. La société renvoie à une pièce " 15 GFC " qui correspond à une liste de commissions bancaires.

18. Il suit de là que le droit à déduction de la SARL DLV Invest pour les montants restant en litige n'est pas établi.

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

19. Pour reconstituer le chiffre d'affaires de la SARL DLV Invest, et compte tenu de la situation d'opposition à contrôle fiscal précédemment évoquée, le service s'est fondé sur les déclarations de chiffres d'affaires déposées par la société au cours des exercices vérifiés, sur les crédits bancaires figurant aux comptes BNP Paribas n° 30004 01025 00010112839 81 et CIC Lyonnaise de banque n° 10096 18312 00089607201, et enfin sur les acquisitions intracommunautaires et achats et prestations de services intracommunautaires, réalisées par la SARL et déclarées au service des douanes. Pour l'année 2015 le chiffre d'affaires hors taxe cumulé s'élevait, selon les crédits bancaires, à 246 120 euros excédant de plus de 50 000 euros la base hors taxe déclarée par la société dans ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée. Au titre de 2016 le chiffre d'affaires hors taxe cumulé s'élevait à 288 092,74 euros, excédant de plus de 10 % la base hors taxe déclarée par la société dans ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée, mais l'administration fiscale a retenu la base imposable déclarée par la société de 266 429 euros.

20. D'une part, s'agissant des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés restant en litige au titre de l'année 2015, il résulte de ce qui a été dit au point 13 que la société ne rapporte pas la preuve de la nature et de l'origine des versements d'un montant total de 83 000 euros retenus par l'administration fiscale.

21. D'autre part, pour contester les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés restant en litige pour l'exercice 2016, la société requérante rappelle les montants du chiffre d'affaires hors taxe, du bénéfice, du résultat fiscal, de l'impôt sur les sociétés et des crédits d'impôt au titre des exercices 2015 et 2016 qui figurent dans des documents comptables établis rétrospectivement par le nouvel expert-comptable en 2019. En l'absence d'autres éléments probants, la société requérante ne conteste pas utilement les charges écartées par l'administration au titre de l'exercice 2016.

Sur l'amende prononcée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts :

22. Aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759. "

23. En premier lieu, la proposition de rectification du 15 octobre 2018, qui invite la SARL DLV Invest à fournir les informations sur les bénéficiaires des distributions sur le fondement de l'article 117 du code général des impôts, a été régulièrement notifiée le 18 octobre 2018 à l'adresse du siège social de la société, le pli étant revenu comme avisé et non réclamé.

24. En deuxième lieu, la procédure prévue à l'article 117 du code général des impôts est applicable à l'ensemble des revenus distribués non déclarés. Contrairement à ce que soutient la société requérante, l'administration fiscale peut la mettre en œuvre pour les bénéfices qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital, visés au 1° du 1 de l'article 109 du même code, et qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés à l'issue d'une évaluation d'office conduite sur le fondement de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales. En outre, l'administration fiscale, tenant compte des justificatifs produits en cours d'instance, a dégrevé partiellement l'amende prononcée au titre de chacun des exercices en litige.

25. En troisième lieu, la société requérante ne peut utilement se prévaloir des documents comptables établis en 2019, qui ne font plus apparaître de revenus distribués au profit de ses associés, dès lors que les bénéfices qui résultent de l'évaluation de l'assiette de l'impôt sur les sociétés, dans les conditions vues ci-dessus, sont regardés comme distribués à la date de clôture des exercices contrôlés. Elle ne peut pas, en tout cas en ce qui concerne les comptes de tiers, qui doivent exprimer la situation débitrice ou créditrice de ces derniers telle qu'elle résultait, à la date du bilan, des opérations de l'exercice écoulé, modifier rétroactivement cette situation.

26. Enfin, il résulte de ce qui a été dit que la société requérante n'est pas fondée à contester l'assiette de l'amende par voie de conséquence de sa contestation de l'assiette de l'impôt sur les sociétés pour les exercices en litige.

Sur les majorations :

27. En premier lieu, le moyen tiré de l'absence de caractère intentionnel de l'infraction fiscale prévue au a. de l'article 1732 du code général des impôts doit être écarté par les mêmes motifs que ceux vus aux points 4 à 6.

28. En deuxième lieu, il résulte de qui a été vu aux points 9 à 12 que la SARL DLV Invest n'est pas fondée à soutenir que l'assiette des majorations devrait être limitée à la somme de 9 667 euros correspondant à un rappel de la TVA collectée pour la période du 1er avril au 31 décembre 2015.

29. En troisième lieu, la société requérante fait valoir qu'en appliquant à la fois la majoration pour opposition à contrôle fiscal et l'amende pour absence de désignation des bénéficiaires des distributions, l'administration a procédé à une " multiplication déraisonnée des pénalités ", représentant " par différence une ''pénalisation'' de 409 673 €, soit de 4 238 % ! ". Les chiffres repris dans le mémoire récapitulatif sont erronés, compte tenu, notamment des dégrèvements intervenus en cours d'instance. En se bornant à rappeler les montants en litige et à invoquer le " bon sens le plus élémentaire ", la société requérante n'établit pas que l'administration aurait fait une inexacte application des articles 1732 et 1759 du code général des impôts.

30. En dernier lieu, le premier alinéa de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel dispose que : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office. "

31. La société requérante fait valoir que l'application combinée des articles 1732 et 1759 du code général des impôts présente un caractère confiscatoire qui méconnaît l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Elle soutient que le tribunal administratif aurait du soulever cette question d'office. Toutefois, il résulte des dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 citées ci-dessus qu'un tel moyen ne peut être relevé d'office par le juge. En outre, le moyen invoqué en appel est irrecevable, faute d'être présenté dans un écrit distinct et motivé.

32. Enfin, la requérante n'est fondée à invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ni la doctrine référencée BOI-RPPM-RCM-10-20-20-50 n° 170 du 20 décembre 2019, ni la doctrine référencée BOI-RPPM-RCM-10-20-10, n° 110 du 12 septembre 2012, qui ne donnent pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle retenue ci-dessus.

Sur les frais liés au litige :

33. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la SARL DLV Invest sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens.

34. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, la SARL DLV Invest n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande pour les impositions, majorations et amendes restant en litige.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer à concurrence des dégrèvements prononcés en cours d'instance.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la SARL DLV Invest est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL DLV Invest et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée pour information à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 5 juin 2025, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président-assesseur,

- M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juin 2025.

2

No 23MA01929


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01929
Date de la décision : 19/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-01 Contributions et taxes. - Généralités. - Règles générales d'établissement de l'impôt. - Contrôle fiscal.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : CABINET PATRICK HERROU

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-19;23ma01929 ?
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