Vu 1°/ la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel le 29 décembre 1989 sous le n° 89NC01603, présentée pour l'entreprise LAMY dont le siège est 20 Bd Eugène Déruelle à 69003 LYON, représentée par ses dirigeants en exercice ;
L'entreprise LAMY demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 24 octobre 1989 par lequel le tribunal administratif de DIJON l'a condamnée solidairement avec la société SADE-C.G.H.T. et l'Etat à verser à la chambre de commerce et d'industrie de Nevers et de la Nièvre la somme de 301 971 F à valoir sur le coût définitif de la réparation du réseau d'assainissement de la zone industrielle de VARENNES-VAUZELLES (NIEVRE) et à supporter les frais d'expertise ;
2°) de rejeter la demande de la chambre de commerce et d'industrie de Nevers et de la Nièvre ;
3°) subsidiairement, de constater qu'en l'état des investigations de l'expert, il n'y a pas lieu à sa condamnation et ordonner un complément d'expertise aux frais avancés de la chambre de commerce et d'industrie de Nevers et de la Nièvre ;
4°) de condamner celle-ci aux dépens ;
Vu 2°/ le recours enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel le 29 décembre 1989 sous le N° 89NC01604, présenté au nom de l'Etat par le ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer ;
Le ministre demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 24 octobre 1989 par lequel le tribunal administratif de DIJON a condamné l'Etat à verser à la chambre de commerce et d'industrie de Nevers et de la Nièvre, d'une part, la somme de 91 913 F correspondant à la réparation du réseau d'éclairage public de la zone industrielle de VARENNES-VAUZELLES (NIEVRE), d'autre part, solidairement avec la société SADE-C.G.H.T. et l'entreprise LAMY, la somme de 301 971 F à valoir sur le coût définitif de la remise en état du réseau d'assainissement de celle-ci et à supporter solidairement avec elles les frais d'expertise ;
2°) de rejeter la demande de la chambre de commerce et d'industrie de Nevers et de la Nièvre ;
3°) subsidiairement, de laisser à la charge de la chambre de commerce et d'industrie une part substantielle du coût des réparations du réseau d'éclairage public et de condamner les sociétés Jean LEFEBVRE, SADE-C.G.H.T. et LAMY à le garantir des condamnations susceptibles d'être mises à sa charge ;
4°) de dire qu'il n'y a pas lieu à complément d'expertise ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 avril 1991, présenté pour la société SADE ;
La société SADE demande à la Cour :
- d'une part, de la mettre hors de cause ;
- d'autre part, par la voie du recours incident, d'ordonner un complément d'expertise aux frais avancés de la chambre de commerce et d'industrie de Nevers et de la Nièvre et de la condamner aux dépens ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 novembre 1991 :
- le rapport de M. FONTAINE, Conseiller ,
- et les conclusions de Mme FRAYSSE, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant que le recours du ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer est relatif à deux marchés de travaux publics portant respectivement sur le réseau d'éclairage et le réseau d'assainissement de la zone industrielle située à VARENNES-VAUZELLES dont la chambre de commerce et d'industrie de Nevers et de la Nièvre est le maître d'ouvrage ; que la requête de l'entreprise LAMY concerne ce même réseau d'assainissement qu'elle a réalisé sous la maîtrise d'oeuvre de la direction départementale de l'équipement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
En ce qui concerne le réseau d'éclairage public :
Sur la responsabilité :
Considérant que si le réseau d'éclairage public de la zone industrielle située sur le territoire de la commune de VARENNES-VAUZELLES a fait l'objet d'une réception provisoire prononcée le 5 décembre 1975 sous réserve d'ailleurs "d'essai de l'éclairage", la réception définitive de celui-ci n'a pas été prononcée à raison des malfaçons constatées ; que la prise de possession des ouvrages par la chambre de commerce et d'industrie n'a emporté en elle-même aucune conséquence en ce qui concerne la réception définitive du réseau d'éclairage qui n'était pas en état d'être reçu ; qu'ainsi, celle-ci ne pouvant être regardée comme acquise tacitement, l'Etat n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a retenu sa responsabilité contractuelle ;
Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise que les désordres affectant le réseau d'éclairage sont dus à des fautes dans la conception du projet qui ne prévoyait qu'une seule armoire de commande pour un réseau de 2 150 mètres linéaires de câbles eux-mêmes enterrés en terrain humide sans aucune protection spéciale, ne précisait ni le type de candélabres à installer ni le type et la puissance des lampes devant équiper les luminaires et ne comportait pas de note de calcul des chutes de tension des câbles ; qu'ils sont également imputables à une surveillance insuffisante des travaux par la direction départementale de l'équipement, maître d'oeuvre ; que toutefois, le maître de l'ouvrage a commis une faute en laissant le réseau électrique hors tension pendant une longue durée, favorisant l'action nocive de l'humidité ; que les premiers juges ont fait une juste appréciation de sa part de responsabilité en laissant à sa charge le tiers du coût des travaux de remise en état du réseau ; que, par suite, l'Etat n'est pas fondé à remettre en cause sur ce point le jugement attaqué ;
Sur les appels en garantie :
Considérant que s'il résulte du rapport d'expertise que des câbles enterrés du réseau électrique ont été détériorés lors du remblaiement des tranchées par l'entreprise CHAMBON et de la réalisation de la voirie par l'entreprise Jean LEFEBVRE, il n'est pas établi que ces désordres soient le fait de ces entreprises ; qu'au surplus, ils auraient pu être évités par une surveillance plus stricte de ces travaux par la direction départementale de l'équipement ; que, dès lors, le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté ses appels en garantie dirigés contre les entreprises LAMY et LEFEBVRE ;
En ce qui concerne le réseau d'assainissement :
Sur le délai de garantie décennale :
Considérant qu'à supposer même, comme le soutient l'entreprise LAMY, que le délai de garantie décennale ait couru à partir de la réception provisoire, celle-ci a été prononcée le 5 décembre 1975 avec des réserves portant uniquement sur la réfection de certaines chaussées ; que la chambre de commerce et d'industrie a saisi le tribunal administratif d'une demande au fond enregistrée le 4 décembre 1985 soit en tout état de cause dans le délai de dix ans à compter de la date de la réception provisoire ; que, par suite, l'entreprise LAMY n'est pas fondée à soutenir que ladite demande n'était pas recevable ; Sur la responsabilité des constructeurs :
Considérant qu'il n'est pas contesté que les désordres affectant le réseau d'assainissement le rendaient impropre à sa destination et étaient, par suite, de nature à engager la responsabilité des constructeurs sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ;
Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise que ces désordres sont imputables à un défaut de conception, compte-tenu de l'étendue de la zone industrielle en terrain plat ne permettant pas de construire un réseau avec des pentes suffisantes, de l'instabilité du sol et de la proximité de la nappe phréatique ; que le ministre ne démontre pas le caractère erroné des conclusions de l'expert et reconnaît, par ailleurs, que les essais d'étanchéité à l'eau du réseau n'ont pas été réalisés avant la réception des travaux, ce qui constitue un manquement de la part du maître d'oeuvre dans le contrôle des travaux ; que les désordres sont également dûs à des défauts d'exécution imputables à l'entreprise LAMY venant aux droits de la société CHAMBON ; que, dès lors, ni l'Etat, ni l'entreprise LAMY ne sont fondés à demander leur mise hors de cause ;
Considérant, en revanche, que si l'entreprise CHAMBON et l'entreprise SADE se sont engagées conjointement et solidairement envers la chambre de commerce et d'industrie à réaliser les réseaux d'assainissement et d'alimentation en eau potable, tant l'acte de soumission qu'elles ont signé le 26 juillet 1974 que le cahier des prescriptions spéciales incorporé au marché permettent d'identifier les travaux à réaliser par chacune des entreprises et effectuent une répartition du coût de ceux-ci ; que, dès lors, l'entreprise SADE est fondée à faire valoir qu'elle n'a pris aucune part aux travaux concernant la réalisation du réseau d'assainissement et, par suite, à demander sa mise hors de cause ; que le jugement attaqué doit être réformé sur ce point ;
Considérant, enfin, que si le maître de l'ouvrage a négligé l'entretien du réseau, cette carence ne peut être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme constitutive d'une faute de nature à atténuer la responsabilité des constructeurs, eu égard à la mauvaise disposition des regards et aux pénétrations intempestives d'eau dans les canalisations à pente trop faible ou même à contre-pente et disjointes ; que, par suite, l'Etat n'est pas fondé à demander qu'une part de responsabilité soit laissée à la chambre de commerce et d'industrie ;
Sur la réparation :
Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a condamné les constructeurs à verser à la chambre de commerce et d'industrie de Nevers et de la Nièvre la somme de 301 971 F à valoir sur le coût définitif de la réparation du réseau d'assainissement, a mis à leur charge les frais d'expertise et a ordonné une expertise complémentaire aux fins notamment de préciser le coût de la remise en état du réseau d'assainissement ;
Considérant, en premier lieu, que la somme susmentionnée de 301 971 F, qui ressort du rapport déposé par l'expert le 29 juillet 1988, correspond uniquement au coût des investigations déjà menées par celui-ci comprenant en particulier les honoraires versés au géomètre et au coût de celles qu'il convient, d'après lui, de mettre en oeuvre afin qu'il soit en mesure d'apprécier la nature et l'ampleur des travaux de réfection à réaliser et de chiffrer leur montant ; que, dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné les constructeurs responsables à verser ladite somme à la chambre de commerce et d'industrie et ordonné un complément d'expertise ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter tant les conclusions de l'Etat tendant à l'annulation de cette expertise complémentaire que celles des entreprises LAMY et SADE demandant que la Cour ordonne une telle expertise aux frais avancés par le maître de l'ouvrage ;
Considérant, en deuxième lieu, que le ministre soutient que c'est à tort que le tribunal a demandé à l'expert, dans le cadre de la mission complémentaire qui lui a été confiée, de lui donner tous éléments de fait de nature à apprécier les responsabilités alors que son premier rapport donnait au juge les éléments lui permettant de se prononcer sur ce point ; que, toutefois, la répartition des responsabilités encourues par chacun des constructeurs pourrait être modifiée au vu des investigations qui doivent encore être menées ; que, par suite, il n'y a pas lieu de modifier la nouvelle mission confiée à l'expert par le tribunal administratif ;
Considérant enfin que celui-ci n'a pas, contrairement à ce que prétend le ministre, omis de statuer sur les appels en garantie de l'Etat, ayant expressément réservé jusqu'en fin de cause tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'a pas été statué par le jugement attaqué ;
En ce qui concerne les dépens :
Considérant que si les entreprises LAMY et SADE demandent la condamnation de la chambre de commerce et d'industrie de Nevers et de la Nièvre aux dépens, la présente instance n'a pas compris de dépens au sens de l'article R.217 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que, dès lors, leurs conclusions ne sauraient être accueillies ;
Article 1 : La société SADE est mise hors de cause.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de DIJON en date du 24 octobre 1989 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le recours de ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer, la requête de l'entreprise LAMY et l'appel incident de la société SADE sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'équipement, du logement, des transports et de l'espace, à l'entreprise LAMY, à la Chambre de Commerce et d'Industrie de NEVERS et de la NIEVRE, à la société SADE et à la société Jean LEFEBVRE.