(Troisième Chambre)
I/ VU la requête, enregistrée le 25 mlars 1994 sous le N 94NC00368, présentée pour le Centre Hospitalier de Creil ayant son siège ... (Oise), représentée par son directeur ;
Le Centre Hospitalier demande à la Cour :
1 / d'annuler le jugement en date du 24 janvier 1994 par lequel le tribunal administratif d'Amiens l'a déclaré entièrement responsable des préjudices subis par M. Claude Y... des suites d'une embolisation de l'artère bronchique gauche, pratiquée en 1984 ;
2 / de rejeter les demandes présentées par M. Y... et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Oise ;
VU, enregistré au greffe le 17 juin 1994, le mémoire en réponse, présenté pour la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (C.P.A.M.) de Creil, concluant au rejet de cette requête ;
VU, enregistré au greffe le 1er juillet 1994, le mémoire en réponse présenté pour M. Claude Y... concluant :
- à la confirmation du jugement attaqué ;
- à ce que le Centre Hospitalier de Creil soit condamné à lui payer une somme de 10 000F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU, enregistré au greffe le 11 juillet 1994, le mémoire présenté, au nom de l'Etat, par le ministre de l'éducation nationale, confirmant la créance de l'Etat envers le Centre Hospitalier, telle que présentée devant les premiers juges ;
VU, enregisgtré au greffe le 8 juillet 1994, le mémoire complémentaire, par lequel la Caisse Primaire d'Assurance Maladie demande que le Centre Hospitalier soit condamné à lui rembourser une somme de 324 325F, avec intérêts légaux à compter de l'enregistrement de son mémoire ;
VU, enregistré au greffe le 25 juillet 1994, le mémoire complémentaire, par lequel le Centre Hospitalier de Creil, confirme les conclusions et moyens de son mémoire d'appel ;
VU, enregistré au greffe le 7 septembre 1994, le mémoire présenté, au nom de l'Etat, par le ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville, confirmant les observations formulées par le Centre Hospitalier de Creil ;
II/ VU la requête, enregistrée le 23 mars 1995, sous le N 95NC00488, présentée pour le Centre Hospitalier de Creil ayant son siège : Boulevard Laennec à Creil (Oise), représentée par son directeur ;
Le Centre Hospitalier de Creil demande à la Cour :
1 / de réformer le jugement en date du 31 janvier 1995 par lequel le tribunal administratif d'Amiens l'a condamné à verser respectivement les sommes de :
- 520 000F à M. Claude Y... ainsi que 6 000F pour les frais irrépétibles ; - 104 622F à l'Etat ; - 324 325F à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Creil ; - 3 000F pour frais d'expertise ;
VU, enregistré au greffe le 24 mai 1995, le mémoire en réponse présenté pour la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Creil, concluant à la confirmation du jugement attaqué en ce qui la concerne ;
VU, enregistré au greffe le 21 juin 1995, le mémoire en réponse présenté pour M. Claude Y..., concluan :
- au rejet de la requête du Centre Hospitalier ;
- à ce que le Centre Hospitalier lui verse une somme de 10 000F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU le jugement attaqué ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 mars 1997 :
- le rapport de M. BATHIE, Conseiller ;
- les observations de Me DERMIE substituant Me CASSEL, avocat du Centre Hospitalier de Creil et les observations de Me ROBINET, avocat de M. Y... ;
- et les conclusions de M. COMMENVILLE, Commissaire du Gouvernement ;
Sur la jonction des requêtes :
Considérant que les deux requêtes sus-analysées du Centre Hospitalier de Creil sont relatives au même litige, consécutif à la mise en jeu de sa responsabilité par M. Y... ; qu'il y a lieu de joindre ces deux requêtes pour statuer par un même arrêt ;
Sur la recevabilité de la requête introductive d'instance de M. Y... :
Considérant que la requête introductie d'instance, d éposée au greffe du tribunal administratif d'Amiens le 8 août 1990, au nom de M. Claude Y... concluait expressément à ce que le Centre Hospitalier de Creil soit déclaré responsable des conséquences dommageables de soins fournis à l'intéressé dans cet établissement, tout en réservant l'évaluation du préjudice, en fonction du rapport d'expertise prescrit par une ordonnance judiciaire du 9 mars 1990 ; que, comme l'a à bon droit relevé le tribunal, dans son jugement du 11 janvier 1994, la requête sus-évoquée, d'après sa teneur, avait valablement lié le contentieux, et ne devait pas nécessairement chiffrer immédiatement le préjudice allégué, pouvu que le montant en soit toutefois précisé avant clôture de l'instruction, condition qui a été respectée en l'espèce ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la fin de non-recevoir opposée à la requête initiale de M. X... au motif qu'elle ne précisait pas immédiatement le montant de l'indemnisation sollicitée, doit être écartée ;
Sur la responsabilité du Centre Hospitalier envers M. Y... :
Considérant qu'il résulte de l'instuction que, venu en consultation au Centre Hospitalier de Creil, pour une hémoptysie, avec récidive, M. X..., à l'issue des examens pratiqués, a subi un traitement consistant en emboliser l'artère brochique gauche avec de l'Isobutyl ; que e traitement a entraîné chez le patient de graves doubleurs thoraciques, et une infection prolongée sur trois semaines ; que les troubles ont persisté plusieurs années, et que des examens ultérieurs ont révélé une atélectasie du poumon gauche puis une nécrose de la b ronche lombaire ; que, en définitive, M Y... a dû subir une pneumonectomie en 1988 ; qu'il ressort du dossier, et notamment du rapport d'experie prescrit par le tribunal, que l'embolisation de l'artère bronchique gauche sus-évoquée doit être regardée comme l'origine des troubles respiratoires persistants de l'intéressé ayant abouti à l'exérèse d'un poumon ; que cette opération, dont les risques, liés en particulier à l'emploi d'un produit dangereux, l'ISOBUTYL, étaient mal connus à l'époque, ne se justifiait pas sur cette artère bronchique gauche, en dépit d'un léger aspect angiomateux, pour traiter des troubles apparus au poumon droit ; que ces derniers n'ont, au demeurant, entraîné aucune complication ultérieure ; que ces éléments permettent de caractériser des erreurs médicales, dans le choix et la mise en oeuvre du traitement subi par le patient, de nature à engager la responsabilité du Centre Hospitalier comme l'a, à bon droit, estimé le tribunal dans son jugement du 24 janvier 1994 ;
Considérant enfin que la seule circonstance que M. Y... ait différé certaines interventions qui lui étaient proposées afin de pallier les conséquences du traitement subi ne peut, dans les circonstances sus-évoquées, caractériser une faute de la victime, de nature à atténuer la responsabilité du Centre Hospitalier ; qu'il résulte de ce qui précède que le Centre Hospitalier de Creil n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par on jugement du 24 janvier 1994, le tribunal administratif d'Amiens l'a déclaré entièrement responsable des préjudices subis par M. Claude Y... ;
Sur le montant des indemnisations accordées à M. Y... :
En ce qui concerne les troubles de toute nature subis par M. Y... :
Considérant que ce chef de préjudice, estimé à 430 000F correspond, dans le mémoire dépose pour le requérant, auprès du tribunal le 14 mars 1991, à deux demandes, basées sur son incapacité permanente partielle et sur son préjudice d'agrément et portant sur des sommes respectives de 450 000F et 70 000F ;
Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe général du droit, ne s'opposent à ce qu'un tribunal fixe globalement l'indemnité due pour deux ou plusieurs chefs de préjudice, alors même qu'ils auraient été évalués de manière séparée par la victime, à condition de ne pas dépasser le total des sommes sollicitées ; qu'il suit de là que le Centre Hospitalier n'est fondé à soutenir, ni que les premiers juges ne pouvaient estimer cumulativement l'incapacité physique et le préjudice d'agrément de la victime, ni qu'ils auraient statué ultra petita, du seul fait que l'indemnité susmentionnée de 430 000F excédait la demande propre au préjudice d'agrément ;
Considérant, en deuxième lieu, que la réparation sollicité par le patient au titre de son incapacité physique, ne recouvrait pas de pertes de revenus, lesquelles ne sont d'ailleurs nullement alléguées ; que le moyen tiré de ce que, en l'absence de telles pertes de revenus, ce chef de préjudice n'ouvrirait pas droit à réparation, doit être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort du dossier que l'incapacité physique permanente dont demeure atteint M. Y..., peut être fixée à 40 % ; qu'elle fait suite à une longue série d'examens et de traitements qui n'ont en outre pas permis d'éviter une pneumonectomie, que ces traitements et l'infirmité à laquelle ils ont en définitive abouti, ont fortement perturbé la vie professionnelle et familiale et les loisirs de l'intéressé ; que les premiers juges ont fait une juste estimation du préjudice né de ces troubles de toute nature subis par la victime en le fixant à 430 000F ;
En ce qui concerne le pretium doloris et le préjudice esthétique :
Considérant, d'une part que, en raéison des interventions qu'il a subies et notamment à la suite de l'embolisation de l'artère bronchique susévoquée, il est établi que le patient a subi de graves douleurs, que l'expert a évalué à cinq sur une échelle de sept ; que d'autre part, ces mêmes interventions et singulièrement la pneumonectomie ont provoqué un préjudice esthétique, que le même expert qualifie de moyen ; qu'en fixant ces deux chefs de préjudice respectivement à 60 000F et 30 000F, le tribunal en a fait une juste appréciation, qu'il y a lieu de confirmer ;
Sur les droits de l'Etat :
Considérant que, à la suite de sa mise en cause par le jugement susvisé du 24 janvier 1994, l'Etat (Ministère de l'Education Nationale) a sollicité, en tant qu'employeur de M. X..., le remboursement par le Centre Hospitalier, des salaires versés durant les périodes de non activité de son agent ; que sa demande est étayée par un état de cespériodes de congé de l'agent, fournissant le calcul et le d écompte des salaires correspondants ; que le Centre Hospitalier, qui a eu ainsi la possibilité d'examiner ces données, et qui pouvait au besoin se les faire préciser, n'établit pas que des erruers déterminées seraient de nature à remettre en cause l'indeminisation totale fixée à 104 622F, en faveur de l'Etat, par je jugement attaqué du 31 jnvier 1995 ;
Sur les droits de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Creil :
Considérant que la créance de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie, fixée à 324 325F par le tribunal, n'est contesté ni dans son principe, ni dans son montant, par le Centre Hospitalier ; qu'en appel, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie demande que le remboursement de cette créance soit assorti d'intérêts au taux légal à compter du dépôt de son mémoire, soit le 8 juillet 1994 ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le jugement attaqué du 31 janvier 1995, qui a fixé les droits des créanciers du Centre Hospitalier de Creil, doit être confirmé en toutes ses dispositions ; que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie a droit également à des intérêts sur le montant de sa créance fixée par les premiers juges ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant qu'il y a lieu, en application de ces dispositions de condamner le Centre Hospitalier de Creil à verser à M. Claude Y... une somme de 10 000F pour compenser les frais qu'il a dû engager dans la présente procédure d'appel ;
Article 1 : Les deux requêts N s 94NC00368 et 95NC00488 du Centre Hospitalier de Creil sont jointes.
Article 2 : Les deux requêtes visées à l'article 1 sont rejetées.
Article 3 : Le Centre Hospitalier de Creil versera à M. Claude Y... une somme de 10 000F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : La somme que le Centre Hospitalier de Creil a été condamné à verser à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Creil, d'un montant de 324 325F, portera intérêts au taux légal à compter du 8 juillet 1994.
Article 5: Le présent arrêt sera notifié au Centre Hospitalier de Creil, à M. Claude Y..., au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, au ministre du trav ail et des affaires sociales et à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Creil.