(Troisième Chambre)
Vu I ) sous le n 97NC00095 la requête et le mémoire enregistrés au greffe de la Cour le 13 janvier 1997, et 18 juin 1999, présentés pour L'OFFICE NATIONAL DES FORETS pris en la personne de son directeur général domicilié en son siège ..., par Me Z..., avocat associé ;
L'OFFICE NATIONAL DES FORETS demande à la Cour :
1°) - d'annuler le jugement n 92-722 et 95-559 du 12 novembre 1996 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, l'a condamné à procéder au calcul et à la liquidation de l'indemnité représentative de perte d'émoluments due à M. X... avec intérêts au taux légal à compter du 7 septembre 1994 et capitalisation de ceux-ci au 7 juin 1996, d'autre part à lui verser la somme de 110 000 F au titre du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence, avec intérêts au taux légal à compter du 7 septembre 1994 et capitalisation de ceux-ci au 7 juin 1996 et, enfin, au paiement d'une somme de 2 000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ;
2°) - de réformer ce jugement, d'une part, en rejetant la demande non fondée de dommages et intérêts de M. X... et, d'autre part, quant à l'indemnité représentative des salaires non perçus en l'absence de services faits ;
3 ) - de condamner M. X... à lui verser la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ;
Vu II ) sous le n 97NC00198 la requête et le mémoire enregistrés au greffe de la Cour les 27 janvier, 15 mai et 17 mai 1999 présentés pour M. Thierry X... demeurant ... (Moselle), par la société civile professionnelle d'avocats Jean-Jacques Y..., avocat aux conseils ;
M. X... demande à la Cour :
1°) - d'annuler l'article 2 du jugement susmentionné n 92-722 et 95-559 du 12 novembre 1996 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) - de condamner L'OFFICE NATIONAL DES FORETS à lui verser, d'une part, en réparation de sa radiation des cadres irrégulière, une indemnité de 7 158 342,42 F avec intérêts de droit à compter du 7 septembre 1994 et capitalisation de ceux échus aux 7 juin 1996, 27 janvier 1997, et 17 mai 1999 ainsi que, d'autre part, en réparation de sa mutation d'office irrégulière à Verzy, une indemnité de 2 800 000 F assorti des intérêts capitalisés au 27 janvier 1997, et 17 mai 1999 ;
3 ) - de condamner L'OFFICE NATIONAL DES FORETS à lui verser la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ;
Vu les ordonnances du Président de la 3 Chambre, portant clôture
de l'instruction des deux présentes affaires au 2 juillet 1999 16 heures, et en vertu desquelles, en application de l'article R-156 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, les mémoires produits après cette date n'ont pas été examinés par la Cour ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu l'article 1er de la loi n 64-1278 du 23 décembre 1964 créant L'OFFICE NATIONAL DES FORETS ;
Vu la loi n 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu la loi n 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n 74-1001 du 14 novembre 1974, relatif au statut particulier du corps des agents techniques forestiers de L'OFFICE NATIONAL DES FORETS ;
Vu le code forestier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 modifiée ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 septembre 1999 :
- le rapport de M. LION, premier conseiller ;
- les observations de Me MARCHEGAY, avocat de la SCP BECKER, pour l'OFFICE NATIONAL DES FORETS ;
- et les conclusions de M. VINCENT, Commissaire du Gouvernement ;
Sur la jonction :
Considérant que L'OFFICE NATIONAL DES FORETS et M. X... forment respectivement appel du jugement du 12 novembre 1996 du tribunal administratif de Strasbourg, qui a, d'une part, condamné cet office, à calculer et liquider l'indemnité représentative de perte d'émoluments due à M. X... et à lui verser, d'autre part, la somme de 110 000 F en réparation de son préjudice moral et des troubles subis dans ses conditions d'existence, assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 septembre 1994, capitalisés au 7 juin 1996 ; que ces deux requêtes relatives à la situation du même agent public, doivent en conséquence être jointes pour qu'il soit statué par un seul arrêt ;
Sur la régularité du jugement attaqué
Considérant, en premier lieu, que si L'OFFICE NATIONAL DES FORETS critique la jonction des deux requêtes de M. X..., relatives à l'indemnisation de sa mutation d'office et de sa radiation des cadres irrégulières, la jonction de deux requêtes pendantes devant une même juridiction ne peut avoir d'influence sur le sens des décisions à prendre sur chacune d'entre elles, et constitue une faculté offerte au juge qui s'avère sans incidence utile sur la régularité du jugement attaqué ;
Considérant, en deuxième lieu, que les premiers juges, d'une part, en constatant que M. X... n'avait été réintégré qu'en août 1994, soit près de quatorze mois après l'intervention des jugements d'annulation du 22 juin 1993, ont en conséquence suffisamment justifié le caractère fautif du retard de réintégration de M. X... ; que, d'autre part, c'est également à tort que L'OFFICE NATIONAL DES FORETS soutient également que le jugement attaqué ne précise pas la nature des sommes à déduire de l'indemnité représentative de la perte d'émoluments mise à sa charge au titre de l'éviction illégale de M. X... ; que par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation manque en fait et ne peut qu'être rejeté ;
Considérant en troisième lieu, que dès lors que ne sont pas indemnisables les congés annuels non pris, ni les préjudices futurs et pertes de chance d'avancement invoqués par M. X... qui ne présentaient pas de caractère certain, il résulte des articles 1er, 2 et 4 du dispositif du jugement attaqué, éclairés par la lecture des motifs qui en constituent le support nécessaire, que les premiers juges ont, contrairement à ce que soutient M. X..., statué sur l'intégralité des chefs de préjudices énumérés dans ses demandes préalables en dates des 7 et 14 septembre 1994, en décidant, que l'indemnité réparant son éviction irrégulière du service serait diminuée d'une somme de 152 766 F déjà versée ainsi que des prélèvements susceptibles d'être retenus à la source au cours de la période de référence et exclurait les primes et indemnités liées à l'exercice effectif des fonctions ; que, par suite, le moyen tiré de l'omission à statuer manque en fait et ne peut qu'être rejeté ;
Sur le préjudice :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X..., chargé des fonctions de chef de triage à Sarreguemines, a été muté d'office par L'OFFICE NATIONAL DES FORETS le 2 juillet 1990 au triage de Verzy (Marne) où il devait prendre ses fonctions le 1er août suivant ; qu'ayant été placé en position de congé de maladie et s'étant, selon son employeur, soustrait aux contrôles d'usage, le directeur général de L'OFFICE NATIONAL DES FORETS, l'a radié des cadres par arrêté du 27 septembre 1990 ; que par deux jugements en date du 22 juin 1993, le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a annulé les deux arrêtés susvisés des 2 juillet et 27 septembre 1990 ; qu'en application de ces jugements, M. X... a effectivement été réintégré dans les cadres de l'office par arrêté en date du 18 août 1994 ; que par décision en date du 12 avril 1995, le Conseil d'Etat a annulé la décision de mutation d'office de M. X... à Verzy, en substituant au motif de fond retenu par le tribunal celui de la composition irrégulière de la commission administrative paritaire, et, a confirmé l'autre jugement du 22 juin 1993 qui avait annulé l'arrêté du 27 septembre 1990 prononçant radiation des cadres ;
Considérant en premier lieu, que, d'une part, la mutation d'office de M. X... à Verzy a été décidée, non pour des motifs disciplinaires, mais en raison de ses relations de travail difficiles et de nature à porter atteinte au bon fonctionnement du service avec ses supérieurs hiérarchiques, ses collègues et les usagers et qui était ainsi justifiée au fond ; que, d'autre part, le détournement de pouvoir allégué par M. X... n'est pas établi par la seule circonstance que sa mutation d'office n'aurait pas eu pour objet de pourvoir d'urgence un poste vacant ; que, par suite, L'OFFICE NATIONAL DES FORETS est fondé à soutenir qu'il n'y avait pas lieu d'allouer, en l'espèce à M. X... une somme de 5 000 F en réparation de l'irrégularité procédurale entachant la composition de la commission administrative paritaire du 14 juin 1990 ; qu'il y a donc lieu de réformer le jugement attaqué sur ce point en rejetant ce chef de demande ;
Considérant, en deuxième lieu, que, si L'OFFICE NATIONAL DES FORETS soutient que M. X... a déjà été entièrement indemnisé en cours de procédure par le versement d'une somme de 152 766 F, ces allégations sont cependant contredites par ses propres lettres en date des 9 juin et 19 août 1994, produites en première instance par M. X..., qui font état, en sus du montant brut correspondant à la somme susmentionnée, "d'un reliquat sur lequel il convenait d'attendre en l'état actuel du dossier" ; que, par suite, le moyen tiré de la double réparation du préjudice de M. X... ne peut qu'être rejeté ;
Considérant, en troisième lieu, que, les premiers juges n'ont pas, en l'espèce, fait une évaluation excessive des chefs de préjudice de M. X... en relation avec sa radiation des cadres irrégulière en lui allouant les sommes de 80 000 F en réparation des troubles causés à ses conditions d'existence et de 25 000 F pour le retard mis à l'indemniser, alors même que, durant sa période d'éviction du service, l'intéressé n'a pu exercer aucune activité salariée, a perdu des avantages en nature et exposé des dépenses en raison de la privation de sa qualité de fonctionnaire ; qu'en outre, si M. X... fait valoir qu'il aura à supporter un assujettissement et/ou un taux plus élevé de cotisations et contributions sociales sur l'indemnité compensatrice à la suite de sa liquidation, ce préjudice n'est toutefois pas indemnisable ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que L'OFFICE NATIONAL DES FORETS n'est pas fondé à demander la réformation du jugement attaqué au-delà de la somme susmentionnée de 5 000 F ;
Sur la demande de capitalisation des intérêts
Considérant que M. X... a demandé les 27 janvier 1997 et 17 mai 1999 la capitalisation des intérêts afférents à l'indemnité que le tribunal administratif de Strasbourg lui a accordée ; qu'à la première de ces deux dates, il n'était pas dû une année d'intérêts dès lors que l'article deux du jugement attaqué a ordonné la capitalisation des intérêts échus à la date du 7 juin 1996 ; qu'en revanche, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté, il était dû au moins une année d'intérêts le 17 mai 1999 ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette dernière demande ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant, d'une part, que la demande à fins d'octroi de frais irrépétibles de M. X..., qui est partie perdante au sens de ces dispositions, ne peut qu'être rejetée ; que, d'autre part, il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions formées aux mêmes fins par L'OFFICE NATIONAL DES FORETS qui doivent, en conséquence, être rejetées ;
Article 1er : La condamnation mise à la charge de L'OFFICE NATIONAL DES FORETS est ramenée à la somme de 105 000 F.
Article 2 : Le jugement n 92-722 et 95-559 du 12 novembre 1996 du tribunal administratif de Strasbourg est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Les intérêts afférents à l'indemnité de 105 000 F mise à la charge de L'OFFICE NATIONAL DES FORETS seront capitalisés aux 7 juin 1996 et 17 mai 1999 pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes de L'OFFICE NATIONAL DES FORETS et de M. X... est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à L'OFFICE NATIONAL DES FORETS, à M. X... et au ministre de l'agriculture et de la pêche.