(Troisième Chambre)
Vu la requête, enregistrée le 12 avril 1996 au greffe de la Cour, présentée pour la COMMUNE D'ESSEY-LES-NANCY, représentée par son maire dûment habilité, par Me Thibaut, avocat ;
Elle demande que la Cour :
1 - réforme le jugement, en date du 21 février 1996, du tribunal administratif de Nancy en tant que celui-ci a limité la condamnation conjointe et solidaire de l'Etat et de la Société Martin-Fourquin au paiement d'une somme de 345 000 F en réparation des désordres ayant affecté un terrain de sports ;
2 - condamne conjointement et solidairement l'Etat et la Société Martin-Fourquin à lui verser une somme de 510 580 F toutes taxes comprises en réparation desdits désordres, une somme de 430 000 F à titre de dommages et intérêts à raison du préjudice résultant de l'impossibilité d'user dudit terrain pendant cinq ans, une somme de 69 144,09 F représentant des dépenses d'entretien d'un terrain de football à Saint-Max, et une somme de 20 000 F au titre des frais irrépétibles :
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu les articles 1792 et 2270 du code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mai 2000 :
- le rapport de M. PIETRI, Président,
- les observations de ME THIBAUT, avocat de la COMMUNE D'ESSEY-LES-NANCY,
- et les conclusions de M. VINCENT, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a condamné conjointement et solidairement l'Etat et la Société Martin-Fourquin à indemniser la commune d'ESSEY-LES-NANCY des désordres ayant affecté le terrain de football n 2 ; que cette dernière fait appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait intégralement droit à sa demande d'indemnisation ; que la Société Martin-Fourquin demande à titre subsidiaire que l'Etat soit condamné à la garantir des deux tiers des condamnations prononcées à son encontre ;
Sur les conclusions de l'appel principal :
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'article 3-12 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché qu'en cas de contradiction ou de différence entre les pièces constitutives du marché, ces pièces prévalent dans l'ordre de priorité mentionné à l'article 3-11, lequel place le cahier des clauses techniques particulières avant le bordereau des prix et le devis estimatif lorsque ces dernières pièces sont mentionnées comme pièces contractuelles ; qu'il est constant que l'article 11-7 du C.C.T.P. stipule que l'amendement de la terre végétale utilisée pour la réalisation du complexe drainant du terrain se fera pas l'apport du sable siliceux non gélif de Meurthe ou de Moselle ; que compte tenu de l'ordre de priorité donné à cette pièce du marché, la circonstance que ni le bordereau des prix ni le devis estimatif n'aient prévu la réalisation de cet amendement ne dégage pas les constructeurs de leur obligation d'assurer cette prestation ; que, par suite, la commune d'ESSEY-LES-NANCY est fondée à soutenir que les travaux de remise en état du terrain, tels qu'ils ont été préconisés par l'expert, englobent également l'amendement de la terre végétale par l'apport de sable estimé à la somme de 140 000 F ; qu'à cette somme, il y a lieu d'ajouter une somme de 370 580 F ; que l'indemnité due au titre des travaux de remise en état du terrain s'élève ainsi à la somme de 510 580 F toutes taxes comprises, dès lors que, d'une part, l'article 2563 du code général des impôts dispose que les personnes morales de droit public ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'activité de leurs services, notamment sportifs, et que, d'autre part, il n'est pas établi que le non assujettissement de la commune d'ESSEY-LES-NANCY, maître de l'ouvrage, entraînerait des distorsions dans les conditions de la concurrence ; qu'à cette somme, il y a également lieu d'ajouter une somme de 15 000 F représentant le coût de l'étude destinée à rechercher les causes du désordre ;
Considérant, d'autre part, que la commune d'ESSEY-LES-NANCY ne démontre pas que les premiers juges ont fait une appréciation erronée du trouble de jouissance qu'elle invoque, pour avoir été dans l'obligation d'utiliser et d'entretenir le terrain de football d'une commune voisine, en l'estimant à 40 000 F ;
Considérant, enfin, que si la commune soutient que le non-paiement des sommes qui lui sont dues l'a privée pendant cinq ans de l'usage du terrain en cause, elle n'établit ni que cette situation serait la conséquence du mauvais vouloir de la Société Martin-Fourquin, ni que son préjudice serait réél ;
Sur les conclusions d'appel provoqué :
Considérant que la Société Martin-Fourquin présente des conclusions tendant à ce que l'Etat la garantisse à hauteur des deux tiers des condamnations éventuellement prononcées à son encontre ; que ces conclusions, présentées après l'expiration du délai d'appel, s'analysent comme des conclusions d'appel provoqué portant sur la répartition de la charge de la responsabilité ; que la société n'établit pas que les premiers juges n'auraient pas fait une juste appréciation des fautes respectives de l'entreprise et du maître d'oeuvre dans la survenance des désordres ; que, par suite, ses conclusions doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de condamner solidairement l'Etat et la Société Martin-Fourquin à payer à la commune d'ESSEY-LES-NANCY une somme de 5 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La somme que l'Etat et la Société Martin-Fourquin ont été condamnés solidairement à verser à la commune d'ESSEY-LES-NANCY par le jugement du tribunal administratif de Nancy du 21 février 1996 est portée à 565 580 F.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 21 février 1991 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune d'ESSEY-LES-NANCY ainsi que les conclusions de la Société Martin-Fourquin sont rejetés.
Article 4 : La Société Martin-Fourquin et l'Etat sont condamnés solidairement à verser à la commune d'ESSEY-LES-NANCY une somme de 5 000 F au titre des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'ESSEY-LES-NANCY, à la Société Martin-Fourquin et au ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.