(Troisième chambre)
I° - Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 30 mai 2001 sous le n° 01NC00593, présentée pour la société des mines SACILOR LORMINES, dont le siège social est, Immeuble Pacific, La Défense 7, 11/13 cours Valmy à Puteaux (Hauts-de Seine) représentée par son liquidateur amiable, M. Jean-Luc Sauvage, par la société d'avocats M. et R. du barreau de Strasbourg ;
Elle demande à la Cour :
1° - de réformer le jugement n° 99-829 du tribunal administratif de Nancy, en date du 29 décembre 2000, en tant qu'il a, par son article 5, rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires ;
2° - de condamner l'Etat à lui verser la somme de 554 238 F (84 493,04 euros), sauf à parfaire, assortie des intérêts légaux à compter du 26 octobre 1998, lesdits intérêts étant capitalisés au 5 décembre 2000 ;
3° - de constater que la renonciation à la concession de Sancy a produit son effet au jour de son abandon effectif, le 20 avril 1994 ;
4° - de condamner l'Etat à lui verser une somme de 20 000 F (3 048,98 euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
II° - Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 5 juin 2001 sous le n° 01NC00633, présenté au nom de l'Etat par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;
Le ministre demande à la Cour :
1° - d'annuler l'article 2 du jugement n° 99-289, en date du 29 décembre 2000, par lequel le tribunal administratif de Nancy a enjoint au secrétaire d'Etat à l'industrie d'accepter la renonciation de la société des mines SACILOR LORMINES à la concession de Sancy dans le mois de la notification du jugement ;
2° - de prononcer le sursis à exécution de l'article 2 du jugement attaqué ;
III° - Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 6 juin 2001 sous le n° 01NC01152, présentée pour la société des mines SACILOR LORMINES, dont le siège social est Immeuble Pacific, La Défense 7, 11/13 cours Valmy à Puteaux (Hauts-de Seine), représentée par son liquidateur amiable, M. Jean-Luc Sauvage, par la société d'avocats M. et R. du barreau de Strasbourg, et tendant à l'exécution du jugement n° 99-289, en date du 29 décembre 2000, par lequel le tribunal administratif de Nancy a annulé les refus implicites du secrétaire d'Etat à l'industrie d'accepter sa renonciation à la concession de Sancy et a enjoint au secrétaire d'Etat d'accepter cette renonciation dans le mois de notification du jugement ;
Elle demande à la Cour d'assortir l'injonction prononcée par le jugement susvisé d'une astreinte définitive de 10 000 F (1 524,49 euros) par jour de retard dans l'acceptation de sa renonciation à la concession de Sancy et de condamner l'Etat à lui payer la somme de 20 000 F (3 048,98 euros) au titre de l'article L.761-1 du code de
justice administrative ;
Vu l'ordonnance en date du 12 novembre 2001 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a décidé l'ouverture d'une procédure
juridictionnelle ; ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la constitution ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le traité du 18 avril 1951 instituant la communauté européenne du charbon et de l'acier ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le décret n° 80-204 du 11 mars 1980 ;
Vu le décret 95-427 du 19 avril 1995 relatif au titres miniers ;
Vu le décret n° 95-696 du 9 mai 1995 relatif à l'ouverture des travaux miniers et à la police des mines ;
Vu le décret n° 2001-209 du 6 mars 2001 modifiant le
décret susvisé ;
Vu le code minier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mai 2002 :
- le rapport de M. QUENCEZ, Président,
- les observations de Me SCHMITT de la SCP M. et R., avocat de la SOCIETE SACILOR LORMINES,
- et les conclusions de M. ADRIEN, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant que la société SACILOR LORMINES demande à la Cour par une première requête n° 01NC00593, d'annuler l'article 5 du jugement du tribunal administratif de Nancy en date du 29 décembre 2000 qui a rejeté le surplus de ses conclusions ; que par un recours n° 01NC00633, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie demande à la Cour d'annuler l'article 2 de ce même jugement qui lui a enjoint d'accepter la renonciation de la société des mines SACILOR LORMINES à la concession de Sancy dans le mois suivant la notification du jugement ; que par une troisième requête n° 01NC01152, la société SACILOR LORMINES demande à la Cour d'assortir l'injonction précitée d'une astreinte définitive de 10 000 F par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à venir ; que ces trois requêtes présentent à juger des questions connexes ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur les conclusions de la requête n° 01NC00593 :
Considérant, en premier lieu, que la société SACILOR LORMINES conteste le rejet par le tribunal administratif de ses conclusions tendant à ce qu'il constate que la renonciation de la concession de Sancy a pris effet le jour de son abandon effectif le 20 avril 1994 ;
Considérant que les conclusions tendant à la constatation de la date d'effet de la renonciation à une concession ne sont pas au nombre de celles qui peuvent être soumises au juge administratif ; qu'ainsi, et dès lors que cette impossibilité de saisir le juge de telles conclusions ne fait pas obstacle à ce que la société le saisisse régulièrement de conclusions contre une décision du ministre rejetant sa demande tendant à ce que la date de l'abandon effectif soit fixée au 20 avril 1994, cette irrecevabilité opposée à bon droit par le premier juge n'empêche pas l'exercice de son droit à un recours effectif prévu par l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, en second lieu, que si la société SACILOR LORMINES conteste le montant de l'indemnisation accordée par le tribunal administratif en soutenant que le montant des frais généraux calculé d'une façon globale entre les différents sites qu'elle exploite et ensuite imputée par quotepart à chaque site minier doit être indemnisée, elle n'apporte pas la preuve, en se bornant à produire un simple tableau récapitulatif des sommes ainsi ventilées, de la réalité du lien direct et certain du montant qu'elle demande avec les frais exposés réellement pour le site de Sancy ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société SACILOR LORMINES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué a, dans son article 5, rejeté le surplus de ses conclusions ;
Sur les conclusions de la requête n° 01NC00633 :
Considérant que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE soutient que le délai d'un mois prescrit par le tribunal dans lequel doit intervenir la renonciation à la concession est insuffisant dès lors, d'une part, que cette renonciation doit être précédée de la consultation du conseil général des mines et, d'autre part, qu'en application des dispositions combinées des articles 93 et 96 II du code minier issus de la loi du 30 mars 1999, le ministre a la faculté, lorsque des risques importants d'affaissement de terrain ou d'accumulation de gaz dangereux ont été identifiés, d'imposer à l'exploitant la mise en place d'équipements nécessaires à leur surveillance et à leur prévention ;
Considérant, en premier lieu, que si le ministre soutient que la consultation du conseil général des mines n'était pas possible dans le délai d'un mois imparti par le jugement attaqué, il n'apporte à l'appui de son affirmation aucun élément de nature à l'étayer ;
Considérant, en second lieu, que l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 93 du code minier, dont les paragraphes ne sont pas dissociables, était subordonnée, ainsi d'ailleurs que le précisait l'article 96, à l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat en précisant les modalités d'application ; qu'à la date à laquelle le jugement a été lu, seule date à prendre en compte pour apprécier le bien-fondé de la position adoptée par le tribunal administratif, le décret d'application n'était pas encore publié ; que dans ces conditions, et dès lors que les dispositions de cet article 93 n'étaient pas applicables, le ministre ne peut utilement se fonder sur elles pour contester le jugement attaqué ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est pas fondé à demander l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué ;
Sur la requête n° 01NC01152 :
Considérant qu'aux termes de l'article L.911-4 du code de justice administrative : "En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. Toutefois en cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel. Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la date du présent arrêt, aucune mesure propre à assurer l'exécution de l'article 2 du jugement attaqué n'a été prise ; qu'il y a lieu, compte tenu des circonstances de l'espèce, de prononcer contre l'Etat (ministre de l'économie, des finances et de l'industrie), à défaut de justifier de cette exécution dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, une astreinte de 1 000 euros par jour jusqu'à la date à laquelle le jugement susmentionné aura reçu exécution ;
Sur les conclusions fondées sur les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que dans le dossier n° 01NC00593, l'Etat n'est pas la partie perdante ; que les conclusions de la société SACILOR LORMINES tendant à ce qu'il soit condamné à lui verser une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent être accueillies ;
Considérant que dans les dossiers n° 01NC00633 et 01NC01152, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire application des dispositions de l'article L.761-1 susvisé et de condamner l'Etat à verser pour ces deux requêtes 2 000 euros à la société SACILOR LORMINES au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête n° 01NC00593 de la société SACILOR LORMINES est rejetée.
Article 2 : Le recours n° 01NC00633 du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.
Article 3 : Une astreinte est prononcée à l'encontre du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, s'il ne justifie pas avoir, dans les deux mois suivant la notification de l'arrêt, exécuté l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Nancy en date du 29 décembre 2000 et jusqu'à la date de cette exécution. Le taux de cette astreinte est fixé à 1 000 euros par jour à compter de l'expiration du délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE communiquera à la Cour la copie des actes justifiant les mesures prises conformément à l'article 3 du présent arrêt.
Article 5 : L'Etat est condamné à verser à la société SACILOR LORMINES une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.7611 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société SACILOR LORMINES, au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et au ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.