(Troisième Chambre)
Vu la requête, enregistrée le 31 juillet 1996, présentée pour M. Robert X..., ;
M. X... demande à la Cour :
- d'annuler le jugement n° 94782 du 9 juillet 1996 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet du district de l'agglomération nancéenne, qui a refusé de le placer en congé de longue maladie à compter du 2 décembre 1991, et de condamner le district de l'agglomération nancéenne à lui verser respectivement les sommes, en premier lieu de 37 385,12 F en réparation du préjudice financier résultant de la non reconnaissance de l'imputation au service de sa maladie du 16 juin 1992 au 17 décembre 1992 avec intérêts moratoires au taux légal et capitalisation des intérêts à compter du 16 juin 1992, en deuxième lieu 169 452,12 F en réparation du préjudice financier résultant de la non-reconnaissance de l'imputation au service de sa maladie du 17 décembre 1992 au 31 mars 1995 avec intérêts moratoires au taux légal et capitalisation des intérêts à compter du 18 décembre 1992, en troisième lieu de 298,89 F par jour en réparation du préjudice financier résultant de la non-reconnaissance de l'imputation au service de sa maladie tant qu'il ouvrira droit au bénéficie d'une pension d'invalidité de première catégorie du régime général de sécurité sociale, et enfin de la somme de 40 000 F en réparation des troubles dans les conditions d'existence ;
- et par voie d'appel, en premier lieu, d'annuler la décision implicite de rejet par laquelle le district urbain de Nancy a refusé de régulariser sa situation administrative et de le placer en congé de longue maladie à compter du 2 décembre 1991 ;
- en deuxième lieu, de condamner le district urbain de Nancy à lui verser une somme de 52 920,67 F avec intérêts moratoires et capitalisation des intérêts correspondant au préjudice subi pendant la période du 2 décembre 1991 au 1er décembre 1992, outre 20 000 F de dommages et intérêts compensatoires en raison dans les troubles dans les conditions d'existence ;
- en troisième lieu, d'annuler la décision implicite de rejet par laquelle le district urbain de Nancy a refusé de le placer en congé de longue durée ; - en quatrième lieu, de condamner le district à lui verser d'abord une somme de 37 385,12 F avec intérêts moratoires et capitalisation des intérêts correspondant à la différence entre le demi-traitement et le plein traitement pour la période du 16 juin 1992 jusqu'au 17 décembre 1992 ; ensuite, une somme de 169 452,12 F avec intérêts moratoires et capitalisation des intérêts à compter du 18 décembre 1992 correspondant à la réparation du préjudice subi entre le 18 décembre 1992 et le 31 mars 1995 relatif au manque à gagner résultant de la différence entre les indemnités journalières dues au titre des prestations en espèces de l'assurance maladie et le salaire qu'il aurait perçu dans le secteur privé dans un emploi similaire si son état de santé imputable à l'administration ne l'avait pas empêché de travailler ; enfin, une
somme de 298,89F par jour à compter du 1 avril 1995 et tant qu'il aura droit au bénéfice d'une pension d'invalidité de première catégorie ;
- enfin, de condamner le district urbain à lui verser une somme de 5 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 juin 2002 :
- le rapport de M. QUENCEZ, Président,
- les observations de Me OTTAVY, avocat de M. X..., - et les conclusions de M. ADRIEN, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant que dans le dernier état de ses conclusions, M. X... demande, en premier lieu, l'annulation de la décision implicite du président du district de Nancy lui refusant le bénéfice d'un congé de longue maladie à compter du 2 décembre 1991 ainsi qu'une indemnisation en raison, d'une part, de la perte de revenu qu'il a subie de ce fait et, d'autre part, des troubles dans ses conditions d'existence que ce refus lui a causés, en deuxième lieu, l'annulation de la décision implicite du président du district ayant refusé de le placer en congé de longue durée, et, en troisième lieu, à l'indemnisation du préjudice qu'il a subi en raison du refus par cette même collectivité de reconnaître l'imputabilité au service de son état de santé ;
Sur les conclusions fondées sur les dispositions de l'article L.741-2 du code de justice administrative :
Considérant que les trois passages du mémoire en défense de la communauté urbaine du Grand Nancy dont M. X... demande la suppression ne présentent pas un caractère injurieux, outrageant ou diffamatoire au sens des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 codifié à l'article L.741-2 du code de justice administrative ; que M. X... n'est en conséquence pas fondé à demander à la Cour d'abord leur suppression, ensuite de réserver son droit à une éventuelle action civile ou publique, et enfin une indemnisation à ce titre ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que, devant le premier juge, pour demander l'annulation de la décision refusant de le placer en congé de longue maladie, M. X... avait invoqué un moyen de légalité externe tiré de l'insuffisance de l'information donnée par le district au comité médical départemental sur la réalité de situation professionnelle en 1990 et 1991 ; que le tribunal a rejeté sa demande sans statuer sur ce moyen ; qu'il y a donc lieu d'annuler le jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions relatives à ses droits à un congé de maladie et de statuer par la voie de l'évocation sur ces conclusions ;
Sur la recevabilité des conclusions de la requête de M. X... devant le tribunal administratif :
Considérant que les décisions attaquées par M. X... devant le tribunal administratif sont relatives aux conséquences des décisions prises par l'administration sur ses demandes tendant à la prise en compte de son état de santé sur sa situation statutaire ; qu'elle présentent entre elles un lien suffisant ; que le district de Nancy n'est en conséquence pas fondé à soutenir que ces conclusions sont irrecevables car elles concernent des décisions distinctes ;
Sur les conclusions de M. X... relatives à son droit à un congé de longue maladie à compter du 2 décembre 1991 :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 : "le fonctionnaire en activité a droit (.) 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée ( ...) " ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X... a produit à l'appui de sa demande tendant à être placé en congé de longue maladie un certificat de son médecin traitant ; que, par ailleurs, le comité médical départemental a émis l'avis favorable le 29 janvier 1993 à un renouvellement de congé de longue maladie jusqu'au 21 mars 1992 et ensuite à une inaptitude totale et définitive à l'issue de ce congé ; que la communauté urbaine du Grand Nancy, qui a succédé au district de Nancy, n'apporte aucun élement d'ordre médical de nature à justifier le refus implicite qu'elle a opposé à la demande de M. X... tendant à son placement rétroactif en congé de longue maladie à compter du 2 décembre 1991; que ce dernier est en conséquence fondé à demander l'annulation de cette décision implicite ;
Considérant, en second lieu, que dès lors que la décision refusant un congé de longue maladie à M. X... a été annulée pour un motif de légalité interne et que l'arrêté intervenu le 12 mars 1999 plaçant M. X... en congé de longue maladie pour la période du 21 mars 1989 au 1er novembre 1990 est confirmatif du refus implicite de le replacer dans cette position après le 1er décembre 1991, M. X... est fondé à demander la condamnation du district au versement d'une indemnisation correspondant au demi traitement qui ne lui a pas été accordé pour la période du 2 décembre 1991 au 1er décembre 1992 soit à la somme non contestée de 52 920,67 F ou 8 067,70 euros ;
Considérant que cette somme portera intérêts à compter du 27 mai 1994, date de la demande présentée à ce titre par M. X... au district de Nancy ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 7 juillet 1994 et le 23 janvier 1995 ; qu'à ces dates, il n'était pas dû une année d'intérêts ; qu'il ne peut en conséquence être fait droit à ces demandes de capitalisation ; que de nouvelles demandes de capitalisation ont été présentées ensuite les 31 juillet 1996 et les 17 mars 2000 ; qu'à ces deux dates, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes ;
Considérant, par ailleurs, que le refus par le district de Nancy de lui accorder le congé de longue maladie sollicité pour la période précitée par M. X... a causé à ce dernier des troubles dans les conditions d'existence dont il sera fait une juste appréciation en les fixant à 500 euros ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'annulation de la décison implicite de rejet du district de Nancy refusant de le placer en congé de longue durée :
Considérant que, par courrier en date du 3 janvier 1994, M. X... a demandé au district de Nancy, en s'appuyant sur un certificat médical, à être placé en congé de longue durée ; qu'à cette date, il avait été licencié par un arrêté du président du district depuis le 17 décembre 1992 et cet arrêté n'avait pas été annulé ; qu'en conséquence, en l'absence de lien de droit entre le district et M. X... pendant cette période, l'absence de réponse du district n'a pu faire naître une décision implicite de refus de placement en congé de longue durée quatre mois après la saisine de l'administration ; que M. X... n'est donc pas recevable à demander au juge son annulation ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à la condamnation de la communauté urbaine du Grand Nancy à l'indemniser en raison de l'imputabilité au service de son état de santé :
Considérant que M. X... soutient que, dès lors que son état de santé est la conséquence de l'attitude de l'administration à son encontre pendant la période où il a été pompier stagiaire, il a droit, conformément aux dispositions de l'article 57 2° deuxième alinéa de la loi du 26 janvier 1984, au versement de son plein traitement pour la période du 16 juin 1992 au 17 décembre 1992 ;
Considérant cependant, qu'outre que l'indemnisation demandée à ce titre par M. X... couvre la même période que celle indemnisée ci-dessus au titre du congé de longue maladie et conduirait, s'il lui était donné satisfaction, à lui accorder une somme supérieure au montant de son plein traitement pour cette période, il résulte de l'instruction, et notamment d'un jugement du tribunal de grande instance de Toulouse du 23 juin 1999, de l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 14 février 2000 et du rapport du docteur Y... devant la commission de réforme, que les troubles dont souffre M. X... et qui se rattachent à un "syndrome de Ménière", ne sont pas la conséquence d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions au sens de l'article 57 susvisé ; qu'il suit de là que M. X... n'est pas fondé à demander, en tout état de cause, une indemnisation à ce titre ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner la communauté urbaine du Grand Nancy à verser à M. X... une somme au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens ;
Considérant que M. X... n'étant pas partie perdante dans la présente instance, la communauté urbaine du Grand Nancy n'est pas fondée à demander sa condamnation à lui verser une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy en date du 9 juillet 1996 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. X... relatives à l'octroi de congé de longue maladie à compter du 2 décembre 1991.
Article 2 : La décision implicite du président du district de Nancy refusant à M. X... le bénéfice d'un congé de longue maladie à compter du 2 décembre 1991 est annulée.
Article 3 : La communauté urbaine du Grand Nancy, qui a succédé au district de Nancy, est condamnée à verser une somme de 8 067,70 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 mai 1994 ; les intérêts échus les 31 juillet 1996 et 17 mars 2000 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : La communauté urbaine du Grand Nancy est condamnée à verser une somme de 500 euros à M. X... au titre de la réparation des troubles dans ses conditions d'existence.
Article 5 : Le surplus des conclusions de M. X... et les conclusions de la communauté urbaine du Grand Nancy fondées sur les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. X..., à la communauté urbaine du Grand Nancy et au ministre de l'intérieur.