(Troisième chambre)
Vu la requête, enregistrée le 16 Août 1996, présentée par M. et Mme X... demeurant ... ;
M. et Mme X... demandent à la Cour :
- de se désister en faveur d'une autre cour notamment celle de Paris ;
- de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 92119-923610 en date du 28 mai 1996 qui a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions des 30 octobre 1991 et 4 juin 1992 par lesquelles le maire de la commune de Strasbourg a refusé de faire droit à leur demande de dérogation scolaire concernant leur fils Constantin en vue de l'inscrire dans les écoles Camille Hirtz et Schoepflin ;
- d'annuler ledit jugement ;
- d'annuler les décisions des 30 octobre 1991, 2 décembre 1991 et 4 juin 1992 ;
- de condamner le service à un franc de dommages et intérêts ;
- de condamner le service municipal pour avoir demandé leur condamnation au titre des frais irrépétibles, demande qui est gravement abusive ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi du 28 mars 1882 sur l'enseignement primaire ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 juin 2002 :
- le rapport de M. QUENCEZ, Président,
- et les conclusions de M. ADRIEN, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant que M. et Mme X... contestent un jugement qui a rejeté leur demande tendant à l'annulation de plusieurs décisions successives prises par le maire de Strasbourg ayant refusé de faire droit à leur demande de dérogation à la carte scolaire en faveur de leur fils ;
Sur les conclusions de M. et Mme X... demandant à la cour de " se désister " au profit d'une autre cour :
Considérant que tout justiciable est recevable à demander à la juridiction immédiatement supérieure qu'une affaire dont est saisie la juridiction compétente soit renvoyée devant une juridiction du même ordre si, pour des causes dont il appartient à l'intéressé de justifier, la juridiction normalement compétente est suspecte de partialité ; qu'ainsi, il appartenait aux époux X... de saisir la juridiction supérieure à la cour administrative d'appel afin qu'elle puisse statuer sur une telle demande ; que, par ailleurs, compte tenu des éléments indiqués par le requérant, ces conclusions n'entrent pas dans le champ d'application de l'article L. 322-3 du code de justice administrative ; qu'elles ne peuvent en conséquence être accueillies ;
Sur la recevabilité de la requête des époux X... :
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que le jugement du tribunal administratif de Strasbourg a été notifié aux époux X... le 15 juin 1996 ; qu'ils ont fait appel par une télécopie enregistrée le 16 août à la cour, confirmée par une requête signée de leurs mains enregistrée le 19 août 1996 ; qu'il suit de là que contrairement à ce que soutient la commune de Strasbourg, la requête n'était pas tardive ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il résulte du dossier de première instance que le jugement attaqué n'a pas statué sur certains des moyens invoqués par les époux X... devant le tribunal administratif qui ne sont pas inopérants et qui portent sur l'absence d'examen particulier des circonstances de l'affaire, l'inexactitude matérielle des faits, la violation du principe d'égalité et le détournement de pouvoir ; qu'ainsi, le jugement du 28 mai 1996 est irrégulier et doit, pour ce motif, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par les époux X... devant le tribunal administratif ;
Sur la légalité des décisions attaquées :
En ce qui concerne la légalité de la décision du 30 octobre 1991 :
Considérant que par la décision du 30 octobre 1991, le maire de Strasbourg a indiqué à M. et Mme X... qu'il n'était pas possible de donner une suite favorable à leur demande de dérogation de secteur scolaire pour leur fils âgé de cinq ans au motif que l'admission anticipée d'un élève dans une classe primaire ne pouvait en aucune manière faire l'objet d'une telle dérogation ; qu'en ayant ainsi opposé une règle qu'elle s'était elle-même fixée, sans examiner si compte tenu des circonstances particulières invoquées par les parents, il n'était pas possible d'y déroger, la commune de Strasbourg a commis une erreur de droit ; que M. et Mme X... sont en conséquence fondés à soutenir que la décision du 30 octobre 1991 était, pour ce motif, illégale ;
En ce qui concerne la légalité des décisions des 2 décembre 1991 et 4 juin 1992 :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des pièces du dossier qu'à la suite d'un recours gracieux, l'adjoint au maire de Strasbourg a reçu, au cours du mois de novembre 1991, M. X... afin de s'entretenir avec lui de sa demande de dérogation à la carte scolaire et qu'à la suite de cet entretien, la commune de Strasbourg a proposé à M. et Mme X... d'inscrire leur enfant dans une autre école offrant des possibilités de restauration scolaire et d'études ; que ces derniers ne sont en conséquence pas fondés à soutenir que ces nouvelles décisions ont été prises sans que la commune a procédé à un examen particulier de leur demande ;
Considérant, en deuxième lieu, que contrairement à ce que soutiennent les requérants, il n'appartient qu'au maire qui fixe, en application des dispositions de l'article 7 de la loi du 28 mars 1882 modifiée, le ressort territorial de chaque école, d'autoriser les dérogations à cette sectorisation ;
Considérant, en troisième lieu, que dès lors que l'établissement scolaire proposé par la commune comportait des possibilités d'accès à une cantine et offrait des possibilités de garde de l'enfant en études après les heures d'enseignement, les circonstances que la cantine ne se trouvait pas à l'intérieur de l'établissement et que les heures d'études étaient d'une amplitude moindre que celles d'une autre école ne permet pas de regarder ces décisions de la commune comme reposant sur des faits matériellement inexacts ;
Considérant, en quatrième lieu, que si les requérants invoquent la violation du principe d'égalité, ils n'apportent, à l'appui de leur affirmation, aucun élément permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant, en cinquième lieu, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant, en sixième lieu, que la circonstance, à la supposer établie, que le délai mis par le tribunal administratif pour juger le présent litige ait été excessif au regard des dispositions de l'article 6 Ô 1 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est sans incidence sur la légalité desdites décisions ;
Considérant, en septième lieu, que dès lors que la commune de Strasbourg, en refusant d'autoriser l'enfant de M. et Mme X... à s'inscrire par dérogation à la sectorisation décidée par le maire dans l'école choisie par ses parents, n'a pas empêché cet enfant de suivre une scolarité à proximité de son domicile, elle ne peut être regardée comme ayant méconnu l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 2 du protocole additionnel à cette convention ;
Considérant, en huitième lieu, que les décisions du maire de Strasbourg ne peuvent, compte tenu de leur portée, être regardées comme ayant violé l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui prohibe tout traitement inhumain et dégradant ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les époux X... ne sont pas fondés à demander l'annulation des décisions des 2 décembre 1991 et 4 juin 1992 ;
Sur les conclusions de M. et Mme X... tendant à la condamnation de la commune de Strasbourg à leur verser un franc de dommages et intérêts :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que dès lors que les décisions des 2 décembre 1991 et 4 juin 1992 ne sont pas annulées et que M. et Mme X... n'avaient aucun droit à l'obtention de la dérogation sollicitée, les conclusions de M. et Mme X... tendant à la condamnation de la commune de Strasbourg à un franc de dommages et intérêts en raison des difficultés rencontrées doivent être rejetées ;
Sur les conclusions de M. et Mme X... tendant à la condamantion de la commune de Strasbourg pour avoir demandé au premier juge leur condamnation sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que l'exercice par la commune d'un droit prévu par les dispositions du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors applicable ne peut revêtir le caractère d'une demande abusive ; que les conclusions de M. et Mme X... tendant à la condamnation de la commune pour ce motif ne peuvent en conséquence qu'être rejetées ;
Sur les conclusions fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que M. et Mme X... ne pouvant, dans les circonstances de l'espèce, être regardés comme partie perdante, la commune de Strasbourg n'est pas fondée à demander à la cour de les condamner à lui verser une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 28 mai 1996 est annulé.
Article 2 : La décision du 30 octobre 1991 du maire de la commune de Strasbourg est annulée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande de M. et Mme X... est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Strasbourg fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme X..., à la commune de Strasbourg et au ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.