(Première chambre)
Vu le recours du ministre de l'intérieur enregistré au greffe de la Cour le 23 août 2001 ;
Il demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement du 19 juillet 2001 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté en date du 29 mars 2000 prononçant l'expulsion de M. El X... ;
2°/ de rejeter la demande présentée par M. El X... devant le tribunal administratif administratif de Strasbourg ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nancy, section administrative d'appel, en date du 22 avril 2002, maintenant M. El X... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale et indiquant qu'il sera représenté par Me Rudloff ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance portant clôture de l'instruction au 31 mai 2002 à 16 heures ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 octobre 2002 :
- le rapport de M. SAGE, Président,
- les observations de Me RUDLOFF, représentant M. EL X...,
- et les conclusions de Mme ROUSSELLE, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant que M. El X..., ressortissant marocain, né en France en 1973, a commis de 1994 à 1998 des infractions de gravité croissante, allant de vols avec effraction à une agression sexuelle avec violences sur une personne de cinquante- six ans ; qu'il est atteint de troubles mentaux chroniques qui rendent son comportement imprévisible ; que même si ses parents et ses frères et sours résident en France, l'intéressé est célibataire sans enfant et n'allègue pas subvenir à l'entretien de sa famille ; qu'ainsi le ministre de l'intérieur justifie en appel que la mesure d'expulsion prise à son encontre le 19 avril 2000 n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, alors qu'il ne ressort nullement des pièces du dossier que l'intéressé ayant été sans domicile pendant trois mois avant d'être logé dans un foyer pour étrangers ne puisse être soigné au Maroc et que sa famille présenterait une importance particulière comme milieu d'accueil et d'aide en vue de prévenir sa délinquance, une atteinte excédant ce qui était nécessaire à la défense de l'ordre public et, par suite, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et notamment de son 2°) ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg s'est fondé sur la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler l'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 19 avril 2000 ;
Considérant toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. El X... devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur n'a pas fondé sa décision sur les seules condamnations pénales subies par M. El X..., mais sur l'ensemble de son comportement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : " L'expulsion peut être prononcée : .. / b) Lorsqu'elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique, par dérogation à l'article 25 " ; qu'eu égard à la gravité des faits ci-dessus rappelés et à l'ensemble du comportement de l'intéressé, le ministre de l'intérieur n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que l'expulsion de M. El X... constituait une nécessité impérieuse pour la sécurité publique ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le recours aux dispositions de l'article 26, b) constituerait une erreur de droit et un détournement de procédure ne saurait être utilement invoqué ;
Considérant que la circonstance que l'état de M. El X... nécessite des soins psychiatriques particuliers dont il bénéficie en France n'est pas, en elle-même de nature à l'exposer hors de France à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni à entacher ainsi l'arrêté du ministre de l'intérieur d'une méconnaissance de ses stipulations ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a fait droit à la demande de M. El X... ;
Article 1ER : Le jugement n° 002233 du tribunal administratif de Strasbourg en date du 19 juillet 2001 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. Kalid El X... devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et à M. Kalid El X....