Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 7 août 2003 sous le n° 03NC00813, complété par mémoires enregistrés les 8 et 16 juillet et le 13 août 2004, présenté par le MINISTRE DE LA JEUNESSE, DE L'EDUCATION, ET DE LA RECHERCHE ;
Il demande à la Cour :
1°) - d'annuler le jugement en date du 11 juin 2003 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé, à la demande de Mme X, d'une part, l'arrêté du recteur de l'académie de Reims en date du 26 août 2002 prononçant la suspension de l'intéressée de ses fonctions de professeur certifié de documentation à compter du 1er septembre 2002 et d'autre part, l'arrêté du recteur de l'académie de Reims en date du 31 décembre 2002 prononçant la suspension de l'agent à demi-traitement à compter du 1er janvier 2003 ;
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'erreur de droit dès lors que le recteur, à qui a été délégué une partie du pouvoir disciplinaire, était bien compétent pour prononcer les décisions portant suspension de l'agent ; c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que le pouvoir de suspension était réservé à la seule autorité investie du pouvoir de nomination, nonobstant la délégation du pouvoir disciplinaire ; s'agissant du corps des professeurs certifiés, la compétence partagée entre le ministre et le recteur en matière disciplinaire confère à ces deux autorités le pouvoir de suspension ;
- au surplus, l'urgence autorisait en l'espèce le recteur à agir jusqu'à ce que le juge pénal statue sur le cas de l'intéressée ;
- les conditions de notification des décisions attaquées sont sans influence sur leur légalité ;
- les décisions de suspension n'ont pas à être motivées ;
- la saisine du conseil de discipline n'est pas enfermée dans un délai déterminé ;
- les conclusions indemnitaires de la requérante ne sont pas recevables car elles sont nouvelles en appel et soulèvent un litige distinct de celui de l'appel principal et enfin n'ont pas été précédée d'un demande d'indemnité préalable ; ces conclusions ne sont pas davantage fondées ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les mémoires en défense, enregistrés les 26 novembre 2003, 21 juillet et 12 août 2004 présentés par Mme X, représentée initialement par Me Devarenne, avocat au barreau de Châlons-en-Champagne ;
Mme X conclut, d'une part, au rejet du recours ; à cet effet, elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ;
Elle conclut, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 8 000 euros au titre des préjudices qu'elle aurait subis du fait des décisions attaquées ; à cet effet, elle soutient que les décisions de suspension illégales ont occasionné un préjudice financier et des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence ;
Elle conclut, enfin, à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu le décret n° 72-581 du 4 juillet 1972 ;
Vu le code de l'éducation ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 septembre 2004 :
; le rapport de M. MARTINEZ, Premier conseiller,
; et les conclusions de M. TREAND, Commissaire du gouvernement ;
Sur le recours du MINISTRE DE LA JEUNESSE, DE L'EDUCATION, ET DE LA RECHERCHE :
Considérant qu'aux termes de l'article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 : « En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions. » ; qu'aux termes de l'article 67 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 : « Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination... Le pouvoir de prononcer les sanctions du premier et du deuxième groupe peut être délégué indépendamment du pouvoir de nomination. » ; qu'aux termes de l'article 2 du décret du 4 juillet 1972 portant statut particulier des professeurs certifiés, les membres du corps des professeurs certifiés sont nommés par arrêté du ministre de l'éducation nationale ; qu'enfin, aux termes de l'article 37 du même décret, dans sa rédaction issue du décret n° 92-811 du 18 août 1992 : « Pour les professeurs certifiés affectés dans des établissements ou services placés sous l'autorité du recteur d'académie, les sanctions disciplinaires définies à l'article 66 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 sont prononcées... par le recteur, s'agissant des sanctions des premier et deuxième groupes... » ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions susmentionnées des lois des 13 juillet 1983 et 11 janvier 1984 que la seule délégation du pouvoir de prononcer les sanctions disciplinaires des premier et deuxième groupes à l'égard des membres d'un corps de fonctionnaire n'a pas pour effet de transférer à l'autorité bénéficiaire de cette délégation le pouvoir de prononcer la suspension de l'un de ceux-ci, le pouvoir de suspension demeurant, dans ce cas, sauf à ce qu'il soit établi que la mesure était nécessitée par l'urgence, de la compétence de l'autorité investie du pouvoir de nomination dans le corps ; que, s'agissant des membres du corps des professeurs certifiés, les dispositions ci-dessus rappelées du décret du 4 juillet 1972, en vigueur à la date des décisions attaquées du recteur de l'académie de Reims, n'autorisaient, ainsi, que le ministre de l'éducation nationale, titulaire du pouvoir de nomination, à prononcer la suspension de l'un des membres de ce corps ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, professeur certifié de documentation au collège Scaramoni de Charleville-Mézières, a fait l'objet le 26 août 2002 d'une décision de suspension de ses fonctions à compter du 1er septembre 2002 ainsi que d'une décision en date du 31 décembre 2002 prolongeant la suspension de l'agent et réduisant de moitié sa rémunération à compter du 1er janvier 2003 ; que ces deux décisions ont été prises par le recteur de l'académie de Reims ; qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, s'il est compétent pour prononcer les sanctions disciplinaires des premiers et deuxième groupes, le recteur n'est pas habilité à prononcer une mesure de suspension à l'égard des professeurs certifiés ; qu'il suit de là que, dès lors qu'il n'est pas établi, en l'espèce, que la mesure de suspension aurait répondu à une situation d'urgence, les arrêtés du recteur de l'académie de Reims en date des 26 août et 31 décembre 2002 ont été pris par une autorité incompétente pour ce faire ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE LA JEUNESSE, DE L'EDUCATION, ET DE LA RECHERCHE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé les décisions susvisées du recteur de l'académie de Reims ;
Sur les conclusions incidentes de Mme X :
Considérant que la demande incidente de Mme X tendant à ce que soit indemnisé le préjudice qu'elle aurait subi du fait de l'illégalité des décisions susvisées est présentée pour la première fois en appel ; qu'elle doit, dès lors, être rejetée comme irrecevable ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à Mme X une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le recours susvisé du MINISTRE DE LA JEUNESSE, DE L'EDUCATION, ET DE LA RECHERCHE et les conclusions incidentes de Mme X sont rejetés.
Article 2 : Le MINISTRE DE LA JEUNESSE, DE L'EDUCATION, ET DE LA RECHERCHE versera à Mme X une somme de 1 000 € (mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE et à Mme X.
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