La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/03/2005 | FRANCE | N°01NC00001

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2eme chambre - formation a 3, 10 mars 2005, 01NC00001


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 2 janvier 2001, complétée par un mémoire enregistré le 2 octobre 2001, présentée pour la société COBRA, dont le siège est situé ... (25044), représentée par son gérant en exercice par Me X..., avocat ;

La société COBRA demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 981479 du 9 novembre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en

1991, 1992 et 1993 et des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge demandé...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 2 janvier 2001, complétée par un mémoire enregistré le 2 octobre 2001, présentée pour la société COBRA, dont le siège est situé ... (25044), représentée par son gérant en exercice par Me X..., avocat ;

La société COBRA demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 981479 du 9 novembre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1991, 1992 et 1993 et des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 24 120 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Elle soutient que la prise en charge des frais de transport des matières premières vendues à sa filiale Filao trouve sa contrepartie sous la forme d'une remise de 10 % consentie par Filao par rapport au prix de libre concurrence ; que la réponse aux observations du contribuable n'est pas motivée en ce qui concerne la reprise des provisions ; que les stocks de matières premières sont dépréciés de 50 % en raison de l'effet de mode ; que les produits et matières premières qui n'ont pas de certificat d'origine ne peuvent plus être commercialisés et subissent une dépréciation de 100 % ; que les stocks ont été intégralement détruits en 1995 et 1996 ; que les pénalités de mauvaise foi ne sont pas justifiées ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 mai 2001 ainsi que le mémoire enregistré le 14 janvier 2002, présentés par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens ne sont pas fondés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 février 2005 :

- le rapport de Mme Richer, président,

- et les conclusions de Mme Rousselle, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une décision en date du 8 mars 1999, postérieure à l'enregistrement de la demande devant le tribunal administratif, le directeur des services fiscaux de la région Franche-Comté a prononcé le dégrèvement des pénalités afférentes aux provisions pour dépréciation de stocks pour un montant de 24 109 F au titre de l'exercice clos en 1991, de 807 250 F au titre de l'exercice clos en 1992 et de 38 977 F au titre de l'exercice clos en 1993 ; qu'à concurrence de ces sommes, la demande de la société COBRA était devenue sans objet ; qu'il suit de là que le jugement attaqué doit être annulé, en tant qu'il a omis de prononcer un non-lieu à statuer sur la demande de la société COBRA, à concurrence des pénalités ainsi dégrevées ;

Considérant qu'il y a lieu d'annuler sur ce point le jugement attaqué, d'évoquer les conclusions de la demande ainsi devenues sans objet au cours de la procédure de première instance et de décider qu'il n'y a pas lieu d'y statuer ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L.57 du livre des procédures fiscales : Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit être également motivée ; qu'il résulte de ces dispositions que si l'administration n'est pas tenue de répondre à tous les arguments du contribuable, elle doit toutefois répondre, même succinctement, à ses principales observations ;

Considérant que, le service a, dans sa réponse, repris les motifs avancés par la société COBRA pour justifier la dépréciation de ses stocks, puis précisé que ces arguments, tirés de l'effet de mode et de l'interdiction de commercialiser certaines peaux ne suffisaient pas à justifier l'écart constaté par rapport aux prix de revient et les taux forfaitaires utilisés ; que, dans ces conditions, il a, contrairement à ce que soutient la société requérante, répondu à l'argumentation que cette dernière avait développée et doit être regardé comme ayant suffisamment motivé sa réponse ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la prise en charge des frais de transport par la société COBRA :

Considérant qu'aux termes de l'article 57 du code général des impôts, rendu applicable en matière d'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises... qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités... ; que, lorsque l'administration établit l'existence de faits ou d'écritures comptables qui révèlent un transfert de bénéfices d'une entreprise imposable en France à une entreprise située hors de France, ces dispositions instituent une présomption à l'encontre du contribuable qui, par suite, supporte la charge de prouver, quel que soit le déroulement de la procédure d'imposition, que ces faits ou ces écritures sont justifiés par une gestion normale des intérêts propres à l'entreprise imposable en France ;

Considérant qu'il est constant que la société COBRA qui fabrique des bracelets de montres confiait à sa filiale mauricienne, la société Filao la fabrication de produits semi-finis en lui fournissant la matière première et en lui rachetant les bracelets dont la finition était assurée en France par la pose des boucles notamment ; que l'administration a établi que la société COBRA avait pris en charge le coût du transport entre la France et l'île Maurice au cours des exercices clos en 1991, 1992 et 1993 ; que ces faits révèlent que la société COBRA avait pris en compte, pour le calcul de ses bénéfices imposables en France, des sommes qui, normalement, constituent des charges de la société mauricienne ; que la société COBRA est ainsi présumée avoir réalisé, au sens des dispositions précitées de l'article 57, un transfert de bénéfices à une entreprise située hors de France ; qu'il lui incombe, dès lors, de prouver que ce transfert comportait pour elle une contrepartie suffisante et avait ainsi le caractère d'un acte de gestion commerciale normal ;

Considérant que la société requérante fait valoir que les avantages ainsi consentis à la société Filao avaient pour contrepartie une baisse des prix de vente pratiqués par la société Filao de 10 % en moyenne ; qu'à l'appui de ses allégations, elle produit des tableaux comparant le prix de vente unitaire de la société Filao et le prix de vente unitaire de deux entreprises mauriciennes qui établissaient chaque année des devis à sa demande ; que si ces tableaux font apparaître des écarts égaux ou supérieurs à 10 % sur certains produits, il n'est toutefois pas établi qu'ils ont été élaborés à partir de données comparables ; que les conditions économiques et les volumes n'étant pas identiques, les tableaux produits ne permettent pas de justifier l'existence d'une contrepartie suffisante à l'avantage consenti par la société COBRA à sa filiale ; que, par suite, la société requérante n'apporte pas la preuve que la prise en charge des frais de transport a constitué un acte de gestion normal ;

En ce qui concerne les provisions pour dépréciation des stocks :

Considérant qu'aux termes de l'article 39-1 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209-1 du même code : Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant... notamment : 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice ; qu'aux termes de l'article 38 sexies de l'annexe III au même code : La dépréciation des immobilisations qui ne se déprécient pas de manière irréversible, notamment les terrains, les fonds de commerce, les titres de participation, donne lieu à la constitution de provisions dans les conditions prévues au 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice, des sommes correspondant à des pertes qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées, à cette date, par l'entreprise ; qu'il appartient à celle-ci de justifier, dans leur principe comme dans leur montant, les écritures comptables par lesquelles elle constate une telle provision ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la provision globale de 1 113 197 F, 465 841 F, 4 214 109 F et 262 297 F constituée à la clôture des exercices 1990 à 1993, correspond d'une part à la dépréciation à hauteur de 50 % de matières premières répondant aux exigences de la mode à une période donnée, d'autre part, à la dépréciation à hauteur de 100 % des peaux provenant d'espèces menacées et qui ont été acquises sans certificat d'origine ;

Considérant que si l'intervention de la directive du 18 novembre 1991 rendant applicable dans les Etats membres de l'Union Européenne la convention de Washington relative à la protection des espèces menacées a constitué un événement ayant pu rendre probable au cours des années suivantes la dépréciation des peaux de caïman acquises sous l'empire de la réglementation antérieure sans certificat d'origine et justifiant, dans son principe, la constitution de provisions destinées à faire face à cette dépréciation, la société COBRA qui a constaté, à ce titre dans ses écritures des provisions, sans toutefois indiquer les modalités de détermination de leurs montants n'a pas justifié du bien-fondé de l'évaluation des provisions ainsi constituées ; qu'elle n'a pas justifié du taux de dépréciation retenu pour les articles démodés ; que, dès lors, l'administration a pu, à bon droit, réintégrer les sommes en cause dans ses résultats ;

Sur les pénalités restant en litige :

Considérant que les rappels d'impositions résultant du redressement concernant la prise en charge de frais de transport ont été assortis de la majoration prévue en cas de mauvaise foi du contribuable ; que si la société COBRA a consenti un avantage à sa filiale en prenant en charge les frais de transport des matières premières sans une réelle contrepartie, il n'est pas établi que cet avantage a été consenti dans le seul but d'éluder l'impôt ; qu'il y a donc lieu de faire droit, sur ce point, aux conclusions de la société appelante ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société COBRA est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge des pénalités de mauvaise foi procédant du redressement relatif à la prise en charge des frais de transport ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il n'y a pas lieu, dans les circonstance de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la société COBRA tendant au remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 9 novembre 2000 est annulé en tant qu'il statue à concurrence, respectivement, de 24 109 F au titre de l'exercice clos en 1991, de 807 250 F au titre de l'exercice clos en 1992 et de 38 977 F au titre de l'exercice clos en 1993 sur les conclusions de la demande de la société COBRA tendant à la décharge des pénalités afférentes aux cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1991, 1992 et 1993.

Article 2 : A concurrence des sommes mentionnées à l'article 1er ci-dessus, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la société COBRA devant le tribunal administratif.

Article 3 : La société COBRA est déchargée des majorations pour mauvaise foi appliquées aux cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1991, 1992 et 1993.

Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Besançon du 9 novembre 2000 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 3 ci-dessus.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la société COBRA est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société COBRA et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

2

01NC00001


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 01NC00001
Date de la décision : 10/03/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. LUZI
Rapporteur ?: Mme Michèle RICHER
Rapporteur public ?: Mme ROUSSELLE
Avocat(s) : BOUDRIOT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2005-03-10;01nc00001 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award