Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 7 juin 2000, complétée par mémoires enregistrés les 11 décembre 2000 et 9 mars 2001, présentée pour M. Henri X, élisant domicile ..., par Me Garnon, avocat ;
M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 25 avril 2000 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à condamner Electricité de France (EDF) à lui verser la contre valeur en francs de la somme de 292 822 francs belges, en réparation du préjudice matériel subi du fait de l'avarie ayant affecté le navire automoteur Pascal dont il est propriétaire ;
2°) de condamner EDF à lui verser la somme susvisée, majorée d'une somme de 25 000 francs au titre de la taxe sur la valeur ajoutée, avec les intérêts à compter du 8 septembre 1995 et les intérêts des intérêts ;
3°) de condamner EDF à lui verser une somme de 25 000 francs sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- c'est à juste titre que le tribunal a considéré, d'une part, que l'absence d'un niveau d'eau suffisant pour les usagers du port de Huningue, qui est à l'origine du dommage subi par le bateau de M. X, est constitutif d'un défaut d'entretien normal imputable à EDF et, d'autre part, qu'EDF n'apporte aucune preuve au soutien de son allégation selon laquelle l'accident serait lié à la présence d'un corps étranger qui se serait bloqué sous la coque du navire ; enfin, c'est également à juste titre que le tribunal a écarté toute faute de la part M. X ,
- en revanche, c'est à tort que le tribunal a estimé que les pièces produites aux débats étaient insuffisantes pour justifier son préjudice indemnisable ; le tribunal a ainsi méconnu le principe du contradictoire et l'article R. 151-3 du code des tribunaux administratifs alors en vigueur en soulevant d'office ce moyen sans inviter les parties à s'en expliquer ;
- le préjudice subi par M. X, propriétaire du bateau endommagé, est incontestable dès lors qu'aucun élément du dossier ne permet d'établir que ce préjudice a été réparé par un tiers ; le fait que le bureau d'assurances soit intervenu au nom du propriétaire pour réclamer le paiement du dommage ne constitue pas la preuve d'une subrogation légale en vertu du code des assurances ; l'intervention du bureau d'assurances est celle d'un mandataire qui, au nom des bateliers en déplacement permanent, gère les sinistres ;
- l'évaluation du préjudice résulte de l'expertise contradictoire établie en présence du service de la navigation de Strasbourg ;
- en vertu de l'article 358 du traité de Versailles, EDF doit, en sa qualité de concessionnaire, répondre des dommages causés aux bateaux par l'abaissement du niveau du plan d'eau ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistrés le 11 décembre 2000 et les 9 mars 2001 et 14 janvier 2002, les mémoires présentés pour les compagnies d'assurance dénommées ci-après, représentées par le courtier ADW VERZEKERINGSKANTOOR :
- ADW VERZEKERINGSKANTOOR, ayant son siège Ringlaan 135 à 2170- Merksem (Belgique),
- MUTUELLES DU MANS, ayant leur siège avenue Louise 222 à 1150-Bruxelles 1050 (Belgique),
- GERLING KONZEERN BELGE NV, ayant son siège Tervurenlaan à 1150-Bruxelles (Belgique),
- WUERTTEMBERGISCHE A.G, ayant son siège Johannestra(e 1 - 7 à Stuttgart (Allemagne),
- ROYAL et SUN ALLIANCE, ayant son siège Schadeverzekering NV - Amsteldijk 166 à 10070-Amsterdam (Pays-Bas),
- CHUBB INSURANCE COMPANY OF EUROPE N.V, ayant son siège Neervejd à 107-Bruxelles (Belgique),
- ASSITALIA SPA, ayant son siège Corso ditalia à 33-Rome (Italie),
- EAGLE STAR Reinsaurance Cy Limited, ayant son siège Ste Mary Axe 60 à Londres EC3A7XN (Angleterre),
- COMMERCIAL UNION Assurances Company Pic, ayant son siège Ste Helen -s, 1 Undershaft à Londres EC3P3DQ (Angleterre),
- AGF M.A.T., ayant son siège 23-27 rue Notre-Dame-des-Victoires à Paris (75002),
- UAP NIEUW ROTTERDAM SCHADE, ayant son siège Blaak 16 30011 TA à Rotterdam (Pays-Bas),
- AGF BELGUIM, ayant son siège rue de Laeken 35 à Bruxelles (Belgique),
- SIAT SOC.ITAL.ASSICUR TRANSP, ayant son siège Via V Dicembre 3 - 16121 à Genève (Suisse),
- ASCO CONTINENTALE VERZEKERINGEN N.V., ayant son siège Langnieuwstraat 17 à Anvers (Belgique),
- ALPINA Insurrance Company, ayant son siège Seefeldstrasse 123 à Zurich (Suisse),
- AGRIPPINA VERSICHERUNG AG, ayant son siège Rieleerstra(e 90 - 5000 à Cologne (Allemagne),
- ACE Insurrance N.V, ayant son siège Belliardstraat 9-11 à Bruxelles (Belgique),
- MITSUI MARINE AND FIRE Insurance C.o, ayant son siège 2 Minsterkurt à Londres EC3R7FH (Angleterre),
par Me Garnon, avocat ;
Les compagnies d'assurance ci-dessus désignées se présentent comme venant au soutien de la requête et soulèvent les mêmes moyens que ceux précédemment exposés par M. X ;
Les assureurs susmentionnés et ADW concluent en outre à la condamnation d'EDF à leur payer la somme de 223 162 francs belges avec les intérêts à compter du 6 juillet 1998 et les intérêts des intérêts ;
Ils soutiennent à cet effet que :
- l'appelant principal, M. X, ayant été indemnisé par ADW VERZEKERINGSKANTOOR Bureau d'assurances le 6 juillet 1998 conformément à la police d'assurances, celui-ci est légalement subrogé à due concurrence dans lesdits et entend intervenir à la procédure ; il en est de même des assureurs au nom desquels ADW en sa qualité de courtier d'assurances a assuré en leur nom le règlement du sinistre par virement au compte bancaire de M. X ;
- les assureurs du Pascal , dont l'identité est précisée dans les écritures, sont légalement subrogés dans les droits de l'assuré propriétaire du bateau en vertu de l'article 1251 du code civil ; cette subrogation légale emportant transfert des droits, l'intimée ne saurait se prévaloir d'une prétendue privation du double degré de juridiction ;
Vu les mémoires en défense, enregistrés les 3 août et 23 octobre 2000, 11 janvier et 16 mai 2001, présentés pour Electricité de France par Me Bouton, avocat ;
EDF conclut :
- au rejet de la requête de M. X ;
- par la voie d'un recours incident, à l'annulation du jugement en ce qu'il l'a déclarée responsable de l'avarie subie par le Pascal ;
- au rejet des conclusions en intervention présentées par ADW et les compagnies d'assurances susmentionnées ;
- à la condamnation des requérants et intervenants conjointement et in solidum à lui payer une somme de 25 000 francs au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Electricité de France soutient à cet effet que :
( la requête de M. X est mal fondée :
- le requérant n'a pas prouvé avoir supporté personnellement la charge de l'avarie ; ayant été semble-t-il indemnisé par son assureur, l'intéressé a été rempli de ses droits et ne peut plus agir en justice aux fins d'obtenir un double paiement ;
- la responsabilité d'EDF n'est pas engagée dès lors que les consignes en matière de régulation du débit du Rhin sont données par le centre d'annonces régionales d'information nautiques (Caring) de Gambsheim, qui a pris la décision d'abaisser le niveau de l'eau ; en outre, dans la mesure où le dommage est vraisemblablement lié à la présence d'un corps étranger, dérivant, gisant au fond de l'eau, seule la chambre de commerce et d'industrie de Mulhouse, concessionnaire du silo de Huningue, peut en être tenue pour responsable ;
( l'intervention des assureurs ci-dessus dénommés est irrecevable :
- l'intervention des assureurs est irrecevable faute d'avoir respecté le double degré de juridiction ;
- ADW, qui n'a pas la qualité d'assureur du bateau concerné, n'est pas recevable à intervenir et n'est pas davantage habilité à agir au nom des assureurs concernés ;
- l'intervention est irrecevable et mal fondée en l'absence de fondement légal justifiant la subrogation ; cette intervention ne se fonde sur aucune subrogation légale dans la mesure où l'article L 121-12 du code des assurances n'est pas applicable aux assurances fluviales ; en outre, aucun acte de subrogation conventionnelle n'est produit ; l'article 1251 du code civil n'est pas non plus invocable dès lors que le sinistre en cause n'entre pas dans les cas envisagés par la loi ;
- en tout état de cause, les assureurs ne justifient pas précisément de leur identité ;
- enfin, les intervenants ne peuvent se prévaloir d'une subrogation faute d'établir un quelconque paiement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention de Mannheim du 17 octobre 1868 et notamment son article 28 ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 juin 2005 :
- le rapport de M. Martinez, premier conseiller,
- les observations de Me Bouton de la SCP. Bouton, Lacour, Stiebert, avocat d'E.D.F,
- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X demande l'annulation du jugement en date du 25 avril 2000 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à condamner EDF à lui verser la contre valeur en francs de la somme de 292 822 francs belges en réparation du préjudice matériel consécutif à l'avarie subie le 31 mai 1995 par le navire automoteur Pascal dont il est propriétaire et qui se trouvait alors au poste de déchargement du silo portuaire de Huningue (68330) ; que, par la voie d'un appel incident, EDF conclut à l'annulation du jugement en ce qu'il l'a déclaré responsable des dommages causés au navire Pascal ; que par des mémoires dits en intervention , les compagnies d'assurances ci-dessus énumérées, qui ont assuré conjointement ledit navire, représentées par le courtier d'assurance ADW VERZEKERINGSKANTOOR, demandent l'annulation dudit jugement en tant qu'il a rejeté la demande de M. X et concluent au remboursement de l'indemnité d'assurance versée à l'intéressé ;
Sur les conclusions présentées par M. X et par les compagnies d'assurances susmentionnées :
Considérant que dans le dernier état de ses écritures, tout en maintenant ses propres conclusions à fin d'indemnité, M. X fait valoir, pour la première fois en appel, que le courtier en assurances ADW VERZEKERINGSKANTOOR bureau d'assurances lui aurait le 6 juillet 1998 versé une indemnité correspondant à la somme litigieuse conformément à la police d'assurances souscrite en sa faveur ;
Considérant, en premier lieu, ainsi qu'il vient d'être dit, que M. X ne prétend plus avoir supporté personnellement la charge des frais de réparation consécutifs à l'avarie ; que l'intéressé n'est par suite pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a écarté ses prétentions ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 111-1 du code des assurances Les titres Ier, II et III du présent livre ne concernent que les assurances terrestres. A l'exception des articles L. 111-6, L. 112-2, L. 112-4 et L. 112-7, ils ne sont applicables ni aux assurances maritimes et fluviales (...) ; qu'aux termes de l'article L 174-1 du code des assurances, inséré dans le chapitre IV consacré aux règles particulières aux diverses assurances de navigation fluviale et lacustre, L'assureur sur corps garantit les pertes et dommages matériels atteignant le bateau et ses dépendances assurées et résultant de tous accidents de navigation ou événements de fore majeure sauf exclusions formelles et limitées prévues au contrat d'assurance ; qu'aux termes de l'article L. 172-29 du code des assurances, applicable aux contrats d'assurance de navigation fluviale en vertu de l'article L. 171-1 dudit code : L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance acquiert, à concurrence de son paiement, tous les droits de l'assuré nés des dommages qui ont donné lieu à garantie ; qu'enfin aux termes de l'article 1251 du code civil : La subrogation a lieu de plein droit : (...) - 3º Au profit de celui qui, étant tenu avec d'autres ou pour d'autres au paiement de la dette, avait intérêt de l'acquitter ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du code des assurances que le versement par l'assureur de l'indemnité à laquelle il est tenu en vertu du contrat d'assurance le liant à son assuré le subroge, dès cet instant et à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de son assuré contre le tiers responsable du dommage et que l'assureur a seul qualité pour agir et obtenir, s'il l'estime opportun, la réparation du préjudice qu'il a indemnisé ; que, toutefois, si les compagnies d'assurance sont susceptibles, même pour la première fois en appel, d'exercer l'action subrogatoire prévue à l'article L 172-29 susmentionné du code des assurances, cette action n'est toutefois recevable que dans la limite de la quittance subrogative, ou de tout document suffisamment probant pour en tenir lieu, produite devant le juge aux fins d'attester la date et l'effectivité du paiement de l'indemnité d'assurance ;
Considérant que les compagnies d'assurance intéressées ne se prévalent d'aucune quittance subrogative, remise par l'assuré ; qu'elles se bornent à produire une télécopie transmise le 5 janvier 2001 par le bureau d'assurances ADW au cabinet d'avocats chargé des intérêts de M. X et qui retranscrit une télécopie précédente datée du 6 juillet 1998, indiquant l'approbation des assureurs et annonçant un prochain versement en vue du règlement du sinistre ; que, toutefois, ce document ne saurait être regardé comme suffisamment probant pour établir la date et l'effectivité du paiement de l'indemnité d'assurance et tenir ainsi lieu d'une quittance subrogatoire ; que dès lors, les conclusions desdites compagnies d'assurance, lesquelles ne peuvent ainsi être considérés comme s'étant substituées à M. X, s'analysent comme des conclusions nouvelles en appel ; qu'il suit de là , et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres fins de non-recevoir opposées par EDF, que les conclusions à fin de remboursement présentées par les compagnies d'assurances, représentées par le courtier d'assurance ADW, doivent être rejetées comme irrecevables ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que ni M. X ni les compagnies d'assurance ci-dessus désignées ne sont fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg, qui pouvait pour écarter le droit à réparation de l'intéressé se fonder sur l'absence de préjudice personnellement subi par celui-ci sans être tenu d'en informer les parties en vertu des dispositions de l'article R. 153-1 de l'ancien code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, a rejeté la demande en indemnité de M. X ;
Sur les conclusions incidentes d'EDF :
Considérant que la présente décision rejetant comme irrecevables les conclusions indemnitaires présentées par M. X et par les sociétés d'assurances susvisées, les conclusions incidentes présentées par EDF ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. X et par les compagnies d'assurance ci-dessus désignées doivent dès lors être rejetées ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions susmentionnées d'EDF.
D E C I D E :
Article 1er : La requête susvisée de M. X, les conclusions des compagnies d'assurances MUTUELLES DU MANS et autres et les conclusions du recours incident d'Electricité de France sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions d'Electricité de France tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Henri X , à Electricité de France, à ADW VERZEKERINGSKANTOOR et aux compagnies d'assurance MUTUELLES DU MANS, GERLING KONZEERN BELGE NV, WUERTTEMBERGISCHE A.G, ROYAL et SUN ALLIANCE, CHUBB INSURANCE COMPANY OF EUROPE N.V,- ASSITALIA SPA, EAGLE STAR Reinsaurance Cy Limited, COMMERCIAL UNION Assurances Company Pic, AGF M.A.T., UAP NIEUW ROTTERDAM SCHADE, AGF BELGUIM, SIAT SOC.ITAL.ASSICUR TRANSP, ASCO CONTINENTALE VERZEKERINGEN N.V., ALPINA Insurrance Company, AGRIPPINA VERSICHERUNG AG, ACE Insurrance N.V et MITSUI MARINE AND FIRE Insurrance C.o.
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N° 00NC00727