Vu la requête, enregistrée le 9 mai 2005, complétée par mémoires enregistrés les 8 juillet et 17 octobre 2005, présentée par le PREFET DE L'AUBE ; le PREFET DE L'AUBE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0500651 du 4 avril 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé son arrêté en date du 22 mars 2005 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle Y... konegoe ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mlle konegoe devant le Tribunal ;
Le PREFET DE L'AUBE soutient que :
- c'est à tort que le Tribunal s'est fondé sur le fait que Mlle konegoe était victime de sévices dans son pays d'origine alors qu'elle n'a produit aucun élément nouveau permettant d'établir la réalité de ces menaces,
- il n'a pas commis d'erreur dans l'appréciation de la situation personnelle de l'intéressée dans la mesure où l'état de santé de sa fille ne nécessite pas sa présence sur le territoire et alors qu'elle avait d'ailleurs déclaré lors du dépôt de sa demande d'asile que son enfant était resté dans son pays d'origine ;
- c'est à tort que le Tribunal a estimé qu'il avait méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 juin 2005, complété par mémoires enregistrés les 15 septembre 2005 et 26 janvier 2006, présenté pour Mlle Y... konegoe, élisant domicile chez M. X... , ..., par Me Bilendo ;
Mlle konegoe conclut :
- au rejet de la requête
- à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour « vie privée et familiale » ;
- à la condamnation du PREFET DE L'AUBE à lui verser une somme de 1500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle fait valoir que la mesure de reconduite à la frontière méconnaît les stipulations des articles 3-1 et 16 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 janvier 2006 :
- le rapport de M. Giltard, président ;
- les observations de Me Bilendo, avocat de Mlle konegoe ;
- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;
Vu la note en délibéré enregistrée le 31 janvier 2005, présentée pour Mlle konegoe par Me Bilendo ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant qu'au soutien de sa demande d'annulation de l'arrêté du 22 mars 2005 par lequel le PREFET DE L'AUBE a prononcé sa reconduite à la frontière, Mlle konegoe, de nationalité centrafricaine, faisait état de la situation dans son pays d'origine, des sévices qu'elle y avait subis et des risques qu'elle-même et sa fille mineure encourraient en cas de retour dans son pays d'origine ; que le premier juge, après avoir analysé cette argumentation comme un moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a annulé l'arrêté de reconduite à la frontière au motif qu'il méconnaissait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 publiée par décret du 8 octobre 1990 : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
Considérant que si Mlle konegoe est mère d'une enfant née en 1997 et scolarisée en France depuis le 1er septembre 2003, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que l'arrêté de reconduite à la frontière, qui n'implique par lui-même aucune séparation entre l'intéressée et son enfant, ait méconnu les stipulations précitées ; que c'est à tort que le premier juge s'est fondé sur le motif tiré de la violation de ces stipulations pour annuler l'arrêté préfectoral du 22 mars 2005 ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mlle konegoe devant le Tribunal administratif et devant la Cour ;
Considérant que le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant au soutien d'un recours contre un arrêté de reconduite à la frontière ; qu'en tout état de cause, Mlle konegoe ne fournit pas d'éléments de nature à établir la réalité des risques auxquels elle serait personnellement exposée en cas de retour dans son pays d'origine ;
Considérant que la requérante fait valoir qu'elle n'a plus de contact avec le père de son enfant et que sa fille a toutes ses attaches en France où résident ses trois oncles qui participent à ses frais de scolarité ; que ces circonstances ne sont pas de nature à établir que la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 16 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE L'AUBE est fondé à soutenir que c'est à tort, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé son arrêté du 22 mars 2005 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant que la présente décision n'appelle aucune mesure d'exécution ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le PREFET DE L'AUBE, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Mlle konegoe la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par celle-ci en appel et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0500651 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 4 avril 2005 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mlle konegoe devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de Mlle konegoe tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et à Mlle Y... konegoe.
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N° 05NC00559