Vu la requête, enregistrée le 15 mars 2002, complétée par des mémoires enregistrés les 28 mars 2003, 24 novembre 2003 et 6 février 2006, présentée pour M. François X, élisant domicile ..., par Me Demaizières, de la S.A.R.L. d'avocats Demaizières et Pierreton ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 990430 - 990465, en date du 27 décembre 2001, par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 1992, 1993 et 1994 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et pénalités y afférentes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1992 au 31 décembre 1994 ;
2°) de prononcer les décharges demandées ;
Il soutient que :
- la réponse à ses observations n'était pas suffisamment motivée, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- l'administration ne lui a pas communiqué la méthode de calcul mise en oeuvre suite à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
- sa comptabilité ne pouvait être regardée comme dépourvue de caractère probant au seul motif que les recettes étaient enregistrées globalement en fin de journée ;
- il peut se prévaloir de ce point de vue, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 du livre des procédures fiscales, de la doctrine contenue dans la documentation administrative de base sous le n° 4 G-3334 ;
- l'administration ne s'est pas entièrement conformée à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
- la charge de la preuve ne saurait dès lors lui incomber ;
- le chiffre d'affaires reconstitué est excessif en ce qui concerne les porcs, du fait notamment de l'application d'un pourcentage d'os et déchets insuffisant ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les mémoires en défense, enregistrés le 26 juin 2002 et le 30 octobre 2003, présentés pour le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, tendant au rejet de la requête, par le motif qu'aucun des moyens présentés par M. X n'est fondé ;
Vu le mémoire enregistré le 16 décembre 2003, présenté pour le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 juin 2006 :
- le rapport de M. Montsec, rapporteur ;
- et les conclusions de Mme Rousselle, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. François X exploite à titre individuel une entreprise de boucherie-charcuterie, avec ventes en magasin et vente ambulante, à Salins-les-Bains (Jura) ; que, suite à une vérification de sa comptabilité portant sur la période du 1er janvier 1992 au 31 décembre 1994, le vérificateur a rejeté sa comptabilité comme non probante et reconstitué son chiffre d'affaires pour les trois années en cause ; que M. X a fait l'objet en conséquence de redressements en matière d'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, au titre des années 1992, 1993 et 1994, et en matière de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 1992 au 31 décembre 1994 ; qu'il fait régulièrement appel du jugement en date du 27 décembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté ses demandes tendant à la décharge de ces impositions ;
Sur la régularité de la procédure :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : « L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (…) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée » ; qu'il résulte de ces dispositions que, si l'administration n'est pas tenue de répondre à tous les arguments du contribuable, elle doit toutefois répondre, même succinctement, à ses principales observations ;
Considérant que si, dans sa lettre d'observations en date du 18 janvier 1996, M. X faisait part de son désaccord concernant la reconstitution des ventes de viande de porc et charcuterie, il a demandé la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, laquelle, en sa séance du 2 décembre 1997, a proposé l'application d'un taux de 5 % pour la prise en compte des os et déchets et de la dessiccation, en lieu et place du taux de 0,76 % retenu par le vérificateur ; que l'administration s'est conformée à cet avis et a procédé, le 15 juin 1998, à une nouvelle notification de redressement tenant compte de cette correction ; que, dans ces conditions, M. X ne peut utilement faire valoir que la réponse apportée sur ce point par l'administration était insuffisante au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
Considérant, en second lieu, que M. X ne peut utilement faire valoir que l'administration a attendu la phase contentieuse pour s'expliquer sur la méthode mise en oeuvre pour intégrer dans le calcul de son chiffre d'affaires reconstitué le nouveau taux de 5 %, proposé par la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires, s'agissant de la prise en compte des os et déchets et de la dessiccation ;
Sur le bien-fondé des redressements :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : « Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge. (…) » ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. X, qui, au titre de chaque exercice vérifié, enregistrait globalement ses recettes en fin de journée sur un cahier manuscrit, n'a produit aucun justificatif du détail de ces recettes ; que, pour soutenir que l'enregistrement global des recettes en fin de journée ne suffit pas, à lui seul, à faire écarter une comptabilité, M. X ne peut utilement se prévaloir de la possibilité de regrouper les écritures comptables en fin de journée lorsque les ventes au détail et les services rendus ne dépassent pas 500 F, cette possibilité n'étant offerte que pour autant que les pièces justificatives des opérations effectuées puissent être produites ; que M. X ne peut davantage utilement invoquer, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le contenu de la doctrine référencée dans la documentation administrative de base, sous le n° 4 G-3334, prévoyant qu'à titre exceptionnel l'enregistrement global des recettes en fin de journée ne suffit pas à faire écarter la comptabilité « lorsque la multiplicité et le rythme élevé des ventes de faible montant font pratiquement obstacle à la tenue d'une main courante », dans les prévisions de laquelle il n'entre pas eu égard aux conditions d'exercice de son activité ; qu'en outre, le vérificateur a observé que des apports en espèces fictifs sont venus crédibiliser le compte caisse qui aurait présenté sans cela un solde créditeur anormal ; qu'ainsi, l'administration doit être regardée comme apportant en l'espèce la preuve qui lui incombe des graves irrégularités dont était entachée la comptabilité présentée et a pu à bon droit écarter celle-ci comme non probante et procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires de l'entreprise de M. X ;
Considérant, en second lieu, qu'ainsi qu'il est dit ci-dessus, l'administration s'est conformée à l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires en sa séance du 2 décembre 1997, portant à 5 % le pourcentage à prendre en compte pour tenir compte des os et déchets et de la dessiccation, s'agissant de la viande de porc ; que, contrairement à ce que soutient à l'instance M. X, la circonstance que l'administration a décidé de répartir ce taux de 5 % du poids total des animaux en l'appliquant en priorité sur les six morceaux pour lesquels il existait le plus d'écart entre l'évaluation du chiffre d'affaires faite dans un premier temps par le vérificateur et celle revendiquée par le contribuable, n'est pas contraire à l'avis rendu par la commission ;
Considérant que, dans ces conditions et en application des dispositions susmentionnées de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, la charge incombe à M. X soit d'établir que la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires a été en l'espèce excessivement sommaire ou radicalement viciée dans son principe, soit de proposer lui-même une méthode de reconstitution plus précise que celle mise en oeuvre par l'administration ;
S'agissant de la critique de la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires pour ce qui concerne la seule viande de porc et charcuterie :
Considérant que, pour reconstituer le chiffre d'affaires de l'entreprise de M. X, le vérificateur s'est fondé sur le poids total des carcasses d'animaux achetés ou abattus, en distinguant les quatre catégories constituées par les viandes de boeuf, de veau, de mouton et de porc, en tenant compte dans ce dernier cas de ce qu'une partie des morceaux est convertie en produits de charcuterie ; qu'il a ajouté le chiffre d'affaires relatif à la catégorie des volailles et gibiers et à une dernière rubrique regroupant les produits « traiteur » ; que M. X ne conteste la reconstitution de son chiffre d'affaires pour les années en cause qu'en ce qui concerne les ventes de viande de porc et de charcuterie, sans en chiffrer les incidences sur l'évaluation globale du chiffre d'affaires ; que les critiques ponctuelles qu'il formule à l'encontre de la méthode de reconstitution utilisée par l'administration ne sont pas de nature à établir que cette méthode, telle que corrigée après avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, serait excessivement sommaire ou radicalement viciée dans son principe ; qu'en particulier, si M. X critique le taux global de 5 % finalement retenu et la répartition de ce taux entre les différents morceaux, il n'apporte pas sur ces points d'éléments probants de nature à contredire la pertinence tant du taux lui-même, qui correspond aux données des monographies professionnelles évoquées, que la méthode de calcul utilisée par l'administration pour sa prise en compte ; qu'enfin, la méthode de calcul de son chiffre d'affaires que propose M. X ne présente pas une précision meilleure que celle de l'administration, alors d'ailleurs que, pour ce qui concerne l'exercice 1992, elle aboutit globalement à un résultat inférieur à celui qu'il avait lui-même déclaré ; qu'ainsi, M. X n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'exagération des bases d'imposition qui ont été retenues par l'administration ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de procéder à la mesure d'instruction sollicitée en dernier lieu par M. X, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 27 décembre 2001, le Tribunal administratif de Besançon a rejeté ses demandes ;
DECIDE
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. François X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
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N°02NC00301