La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/10/2006 | FRANCE | N°03NC01261

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2eme chambre - formation a 3, 05 octobre 2006, 03NC01261


Vu le recours, enregistré le 18 décembre 2003, complété par des mémoires enregistrés le

2 septembre 2005 et le 10 juillet 2006, présenté pour le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 97-1759, en date du 26 juin 2003, par lesquels le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a :

- à l'article 2, déclaré que la valeur locative servant de base à la taxe foncière sur les propriétés bâties due au titre de l'année 1996 par la société civile

de la rue Thévenet, pour un immeuble sis ... à Magenta (Marne), devait être celle ressortant ...

Vu le recours, enregistré le 18 décembre 2003, complété par des mémoires enregistrés le

2 septembre 2005 et le 10 juillet 2006, présenté pour le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 97-1759, en date du 26 juin 2003, par lesquels le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a :

- à l'article 2, déclaré que la valeur locative servant de base à la taxe foncière sur les propriétés bâties due au titre de l'année 1996 par la société civile de la rue Thévenet, pour un immeuble sis ... à Magenta (Marne), devait être celle ressortant de la location de ces biens, conformément aux prescriptions de l'article 1498-1° du code général des impôts ;

- à l'article 3, accordé à ladite société la décharge de la taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1996 excédant celles résultant des bases d'imposition décidées à l'article 2 ;

- à l'article 4, condamné l'Etat à verser à la société civile de la rue Thévenet une somme de 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rétablir la société civile de la rue Thévenet au rôle de la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre de l'année 1996, à raison de la cotisation dont la décharge partielle a été ordonnée par le Tribunal administratif ;

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a appliqué la méthode d'évaluation de la valeur locative par référence au bail en vigueur, telle que prévue à l'article 1498-1° du code général des impôts, dans la mesure où les locaux n'étaient pas loués au 1er janvier 1970 ;

- l'évaluation de cette valeur locative par comparaison, telle que prévue à l'article 1498-2° du code général des impôts, n'était pas non plus possible en l'absence de local de référence ;

- l'administration a en conséquence procédé à bon droit à l'évaluation de cette valeur locative par voie d'appréciation directe, selon la méthode prévue à l'article 1498-3° du code général des impôts ;

- la valeur vénale a pu être établie à partir du prix de revient des locaux, ramené à la valeur au 1er janvier 1970 par application de la variation de l'indice du coût de la construction ;

- un taux d'intérêt de 8 % doit être appliqué à cette valeur vénale, correspondant au taux des placements immobiliers constatés dans la région au 1er janvier 1970 ;

- un taux d'abattement de 25 % doit être appliqué pour tenir compte de la dépréciation et de la spécialisation des locaux ;

- la condamnation de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative n'est pas justifiée ;

Vu les jugements attaqués ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 18 mai 2004, 21 novembre 2005 et 1er septembre 2006, présentés pour la société Plyrosol S.A.S., venant aux droits de la société civile de la rue Thévenet, par Me Frédéric X..., de l'association Vandel-Schermann-Masselin, avocat, tendant au rejet du recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, par les moyens que :

- ce recours est irrecevable pour tardiveté ;

- la méthode particulière prévue à l'article 1498-1° du code général des impôts était applicable, dès lors que le loyer présentait un caractère normal ;

- subsidiairement, le calcul mis en oeuvre par l'administration est erroné dans la mesure où le taux d'intérêt appliqué aurait dû être de 7 % et non 8 % ;

- les dispositions de l'article 1508 du code général des impôts n'étaient pas applicables en l'espèce dès lors que l'administration fiscale avait été informée de l'apport intervenu en 1988 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 septembre 2006 :

- le rapport de M. Montsec, président,

- et les conclusions de Mme Rousselle, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société civile de la rue Thévenet est devenue en 1988 propriétaire, par voie d'apport partiel d'actifs de la part de la société Isoroy Contreplaqués, de locaux à usage industriel, sis ... à Magenta (Marne), qu'elle a ensuite donnés en location ; que l'administration fiscale, ayant considéré que la société civile de la rue Thévenet avait manqué à son obligation de déclaration, dans le délai de 90 jours, du changement de consistance du bien auprès du bureau du cadastre, prévue par les dispositions de l'article 1406 du code général des impôts, a procédé à une nouvelle évaluation de la valeur locative de ces locaux, en dernier lieu selon la méthode dite d'évaluation directe définie à l'article 1498-3° du code général des impôts, et a émis à son encontre un rôle particulier de la taxe foncière sur les propriétés bâties, au titre de l'année 1996, en vertu des dispositions de l'article 1508 du code général des impôts ; que le jugement attaqué du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, en date du 26 juin 2003, a déclaré, en son article 2, que la valeur locative servant de base à la taxe foncière sur les propriétés bâties due par la société au titre de l'année 1996 devait être celle ressortant de la location de ces biens, conformément aux prescriptions de l'article 1498-1° du code général des impôts, a accordé à ladite société, en son article 3, la décharge de la taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1996 excédant celles résultant des bases d'imposition décidées à l'article 2 et a enfin condamné l'Etat, en son article 4, à verser à la société une somme de 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE fait appel de ce jugement en demandant l'annulation de ses articles 2, 3 et 4 et le rétablissement de la société au rôle de la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre de l'année 1996, à raison de la cotisation dont la décharge partielle a été ordonnée par le Tribunal administratif ;

Sur la fin de non recevoir opposée par la société Plyrosol S.A.S., venant aux droits de la société civile de la rue Thévenet, au recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales : « A compter de la notification du jugement du tribunal administratif qui a été faite au directeur du service de l'administration des impôts ou de l'administration des douanes et droits indirects qui a suivi l'affaire, celui-ci dispose d'un délai de deux mois pour transmettre, s'il y a lieu, le jugement et le dossier au ministre chargé du budget. Le délai imparti pour saisir la cour administrative d'appel court, pour le ministre, de la date à laquelle expire le délai de transmission prévu à l'alinéa précédent ou de la date de la signification faite au ministre » ;

Considérant que le jugement attaqué du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a été notifié au directeur des services fiscaux de la Marne le 27 août 2003 ; que le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE a été enregistré au greffe de la cour le 18 décembre 2003, dans le délai de deux mois ayant commencé à courir à l'issu du délai de deux mois dont disposait le directeur des services fiscaux, en vertu des dispositions susmentionnées de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales, pour transmettre au ministre le jugement et le dossier correspondant ; que la fin de non recevoir tirée d'une prétendue tardiveté de ce recours, doit, dès lors, être écartée ;

Sur le bien-fondé des redressements :

Considérant qu'aux termes de l'article 1494 du code général des impôts : « La valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties (…) est déterminée, conformément aux règles définies par les articles 1495 à 1508, pour chaque propriété ou fraction de propriété normalement destinée à une utilisation distincte » ; qu'aux termes de l'article 1498 du même code, dans sa rédaction alors applicable : « La valeur locative de tous les biens autres que les locaux d'habitation ou à usage professionnel visés à l'article 1496-I et que les établissements industriels visés à l'article 1499 est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après : / 1° Pour les biens donnés en location à des conditions de prix normales, la valeur locative est celle qui ressort de cette location ; / 2° a) Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. / Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l'évaluation des immeubles d'un caractère particulier ou exceptionnel ; / b) La valeur locative des termes de comparaison est arrêtée : / Soit en partant du bail en cours à la date de référence de la révision lorsque l'immeuble type était loué normalement à cette date ; / Soit, dans le cas contraire, par comparaison avec des immeubles similaires situés dans la commune ou dans une localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune en cause et qui faisaient l'objet à cette date de locations consenties à des conditions de prix normales ; / 3° A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe » ;

Considérant que la méthode d'évaluation de la valeur locative d'un bien passible de la taxe foncière sur les propriétés bâties prévue au 1° de l'article 1498 du code général des impôts ne peut être utilisée que si les locaux existaient et étaient effectivement loués à la date légale de référence du 1er septembre 1970 ; qu'il résulte de l'instruction que les biens en litige n'étaient pas donnés en location à cette date du 1er septembre 1970 ; qu'il n'est pas établi, ni même allégué, par la société contribuable que des locaux situés sur le territoire de la commune ou dans des communes voisines présentant une situation économique analogue remplissaient les conditions pour servir d'éléments de comparaison en vue de l'application de la méthode d'évaluation définie au 2° de l'article 1498 du code général des impôts ; qu'ainsi, c'est à bon droit que l'administration a mis en oeuvre la méthode dite d'appréciation directe prévue au 3° de ce même article 1498 ;

Considérant que, dès lors, c'est à tort que, pour accorder une décharge partielle des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle a été assujettie la société civile de la Rue Thévenet au titre de l'année 1996, le Tribunal administratif a remis en cause l'évaluation de la valeur locative de ces biens à laquelle avait procédé l'administration et a considéré que cette évaluation devait être déterminée d'après le bail de location existant au 1er janvier de l'année d'imposition, sur le fondement des dispositions du 1° de l'article 1498 ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société civile de la Rue Thévenet devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, à l'exception de ceux qui ont été expressément rejetés par le jugement attaqué et qui ne sont pas repris en appel, et les moyens soulevés en appel par la société Plyrosol S.A.S., venant aux droits de la société civile de la Rue Thévenet ;

En ce qui concerne la mise en oeuvre de la procédure d'émission d'un rôle particulier, en application des dispositions de l'article 1508 du code général des impôts :

Considérant qu'aux termes de l'article 1406 du code général des impôts : « I. Les constructions nouvelles, ainsi que les changements de consistance ou d'affectation des propriétés bâties et non bâties, sont portées par les propriétaires à la connaissance de l'administration, dans les quatre-vingt-dix jours de leur réalisation définitive et selon les modalités fixées par décret (…) » ; qu'aux termes de l'article 1508 du même code : « Les redressements pour insuffisances d'évaluation résultant du défaut ou de l'inexactitude des déclarations des propriétés bâties prévues aux articles 1406 et 1502 font l'objet de rôles particuliers jusqu'à ce que les bases rectifiées soient prises en compte dans les rôles généraux (…) » ; qu'aux termes de l'article 321 E de l'annexe III au même code : « Les constructions nouvelles ainsi que les changements de consistance ou d'affectation des propriétés bâties et non bâties sont déclarés par les propriétaires sur des imprimés établis par l'administration conformément aux modèles fixés par le ministre de l'économie et des finances » ;

Considérant que le jugement du Tribunal administratif a considéré que la société requérante, devenue propriétaire de l'ensemble immobilier dont s'agit en 1988, ainsi qu'il est dit ci-dessus, n'avait pas porté à la connaissance de l'administration les changements de consistance ainsi intervenus dans les 90 jours de leur réalisation, conformément aux dispositions de l'article 1406 du code général des impôts, et que l'administration était, en conséquence, en droit d'opérer des redressements pour insuffisance de déclarations et les mettre en recouvrement par voie de rôle particulier, jusqu'à ce que les bases rectifiées soient prises en compte dans les rôles généraux, conformément aux dispositions de l'article 1508 du code général des impôts ; que, pour contester l'application de cette procédure, la société Plyrosol S.A.S. se borne à faire valoir en appel que des courriers auraient été adressés à l'administration par la société civile de la Rue Thévenet, valant selon elle déclaration du changement de consistance ; que cependant, ni le courrier adressé le 2 mars 1988 à la direction générale des impôts concernant une question d'exonération à l'impôt sur les sociétés, ni l'acte constitutif de la société civile enregistré à la recette de Lisieux ne peuvent être regardés comme valant déclaration du changement de consistance du bien, au sens et dans les conditions susmentionnées ; que c'est, par suite, à bon droit que l'administration a appliqué en l'espèce cette procédure ;

En ce qui concerne la mise en oeuvre par l'administration de la méthode d'évaluation de la valeur locative des biens par appréciation directe :

Considérant qu'aux termes de l'article 324 AB de l'annexe III au code général des impôts : « Lorsque les autres moyens font défaut, il est procédé à l'évaluation directe de l'immeuble en appliquant un taux d'intérêts à sa valeur vénale, telle qu'elle serait constatée à la date de référence si l'immeuble était libre de toute location ou occupation. / Le taux d'intérêt susvisé est fixé en fonction du taux des placements immobiliers constatés dans la région à la date de référence pour des immeubles similaires » ;

Considérant que, si la société Plysorol S.A.S. soutient, à titre subsidiaire, qu'en cas de mise en oeuvre de la méthode par voie d'appréciation directe, un taux d'intérêt de 7 % aurait dû être appliqué, elle ne fournit aucun élément de nature à justifier l'application de ce taux plutôt que celui de 8 % retenu par l'administration et dont celle-ci établit à l'instance qu'il correspond au taux moyen des placements immobiliers constatés dans la région au 1er septembre 1970 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à demander l'annulation des articles 2 et 3 du jugement du 26 juin 2003 par lesquels le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a accordé à la société civile de la Rue Thévenet une décharge partielle de la taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1996 et que cette imposition soit remise à la charge de cette société ; que le ministre est, par ailleurs, fondé, par voie de conséquence, à demander l'annulation de l'article 4 dudit jugement condamnant l'Etat à payer la somme de 600 euros à la société civile de la rue Thévenet en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 26 juin 2003 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par la société civile de la Rue Thévenet devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rejetée.

Article 3 : La société civile de la rue Thévenet, aux droits de laquelle vient la société Plyrosol S.A.S., est rétablie au rôle de la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre de l'année 1996, à raison de la cotisation dont la décharge partielle a été ordonnée par le Tribunal administratif.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à la société Plyrosol S.A.S.

4

03NC01261


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 03NC01261
Date de la décision : 05/10/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Pierre MONTSEC
Rapporteur public ?: Mme ROUSSELLE
Avocat(s) : VANDEL SCHEEERMANN MASSELIN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-10-05;03nc01261 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award