Vu la requête, enregistrée le 15 mars 2005, présentée pour le COMITE DE DEFENSE DES TRAVAILLEURS FRONTALIERS DE LA MOSELLE, élisant domicile 3 rue de la Paix à Sarreguemines (57203), M. Jean-Claude X, élisant domicile ..., M. Georges Y, élisant domicile ..., M. Seiler Z, élisant domicile ..., M. Joseph A, élisant domicile ..., Mme Chantal B, élisant domicile ..., M. Henry C, élisant domicile ..., M. Roamin D, élisant domicile ..., M. Herresthal E, élisant domicile ..., M. Gérard F, élisant domicile ..., M. Bertrand G, élisant domicile ..., M. Jean-René H, élisant domicile ..., M. Francesco I, élisant domicile ..., M. René J, élisant domicile ..., M. Antoine K, élisant domicile ... et M. Raoul L, élisant domicile ..., par Me Blindauer, avocat ;
Les requérants demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 30 novembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les conséquences dommageables résultant de la méconnaissance de l'annexe IV du règlement communautaire du 14 juin 1971 par la loi du 14 avril 1998 codifiée à l'article L. 325 du code de la santé publique ;
2°) de condamner l'Etat à prendre en charge à titre de dommages et intérêts le surcoût annuel du montant des cotisations versées par les requérants à leurs mutuelles privées ;
3°) de condamner l'Etat à leur payer une somme de 2 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- l'Etat a commis une faute, d'inattention notamment, dans l'exercice de son activité législative dès lors que la loi du 14 avril 1998 codifiée à l'article L. 325-1 du code de la sécurité sociale est contraire à l'article VI de l'annexe du règlement communautaire du 14 juin 1971 ; en effet, l'article L. 325-1 fixe des conditions d'affiliation au régime local d'assurance maladie d'Alsace-Moselle qui n'ont pas permis d'affilier au régime local les retraités anciens travailleurs frontaliers alors que selon le règlement communautaire, les travailleurs frontaliers bénéficient des prestations en nature prévues par le régime local ;
- cette loi fait l'impasse sur les travailleurs frontaliers ayant cotisé au régime allemand de sécurité sociale ; or, étant obligatoirement affiliés à l'institution compétente en Allemagne, les travailleurs frontaliers bénéficient des prestations en nature obligatoire servies par l'institution de pays de résidence pour le compte de l'institution du pays d'emploi, lesquelles sont nécessairement celles du régime local ; par conséquent, lors de leur retraite, ces salariés doivent également continuer d'en bénéficier ;
- la loi de 1998 introduit une discrimination entre les retraités anciens travailleurs frontaliers et les retraités qui occupaient leur emploi en France et étaient affiliées au régime local ;
- les requérants ont été contraints jusqu'à l'intervention de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 de supporter une cotisation d'assurance maladie complémentaire dès lors qu'ils souhaitaient disposer d'une telle couverture ;
- un compromis a été trouvé avec l'instance de gestion du régime local dans la mesure où les anciens travailleurs frontaliers se sont vu accorder le droit de bénéficier à titre exceptionnel du régime complémentaire d'Alsace-Moselle moyennant une cotisation particulière ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2005, présenté par le ministre des solidarités, de la santé et de la famille ;
Le ministre conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- l'Etat n'a commis aucune faute car la loi de 1998 est conforme au droit communautaire ;
- les conditions d'affiliation au régime local posées par la loi de 1998 ne placent pas les anciens travailleurs frontaliers dans une situation défavorable par rapport aux anciens travailleurs nationaux résidant sur le territoire français, d'autant que les périodes de cotisation au régime d'assurance vieillesse d'un Etat membres sont assimilées à celles versées au titre du régime de l'Etat de résidence ;
- l'annexe VI du règlement communautaire de 1971 n'a pas pour conséquence d'affilier ou de faire relever du régime d'Alsace-Moselle les frontaliers ou anciens frontaliers occupés en Allemagne et résidant en France ; il permet seulement à ceux-ci, qui relèvent du seul régime allemand d'assurance maladie, de bénéficier des prestations en nature françaises (base et complémentaire) servies pour le compte du régime allemand ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le règlement n° 1408/71 du conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté ;
Vu le code de la sécurité sociale et notamment l'article L. 325-1 du code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 janvier 2007 :
; le rapport de M. Martinez, premier conseiller,
et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;
Considérant que le COMITE DE DEFENSE DES TRAVAILLEURS FRONTALIERS, M. X et autres demandent l'annulation du jugement en date du 30 novembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les conséquences dommageables résultant de la méconnaissance par l'article L. 325 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi du 14 avril 1998 des règles du droit communautaire et en particulier de l'annexe VI du règlement n° 1408/71 du conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté ;
Considérant que les requérants, qui résident dans les départements de la Moselle ou du Bas-Rhin et qui se présentent comme d'anciens travailleurs frontaliers ayant exercé en Allemagne et désormais admis à la retraite, demandent la condamnation de l'Etat à prendre en charge à titre de dommages et intérêts le surcoût annuel du montant des cotisations versées par les intéressés à leurs mutuelles privées au titre de leur assurance complémentaire santé à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 14 avril 1998 jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 17 janvier 2002, prévoyant, sous certaines conditions, l'accès au régime local d'assurance maladie complémentaire obligatoire d'Alsace-Moselle des titulaires d'un avantage de vieillesse ayant bénéficié en qualité de travailleurs frontaliers de prestations équivalentes à celles servies par le régime général et le régime local d'assurance maladie ; que, cependant, à l'appui de leur demande d'indemnité, les requérants se bornent à se prévaloir des déclarations des sociétés d'assurances et mutualistes privées auxquelles ils étaient adhérents les informant que du fait qu'ils relevaient du régime général de sécurité sociale et ne bénéficiaient plus du régime local complémentaire en raison des conditions d'affiliation posées par la loi du 14 avril 1998, il serait procédé à des augmentations de leurs cotisations respectives en raison du renchérissement de la prise en charge des prestations d'assurance maladie ; qu'ainsi, le préjudice allégué se limite aux augmentations de cotisation décidées par les sociétés d'assurances au regard de leur politique tarifaire en fonction des conditions d'affiliation de leurs clients et dans le cadre de rapports contractuels négociés avec les intéressés ; que, dans ces circonstances, le lien de causalité direct entre la faute imputée à l'Etat du fait de son activité législative et le préjudice financier qu'auraient subi les requérants ne saurait être regardé comme établi ; qu'en outre, à la seule exception de M. K, les requérants n'apportent aucun élément chiffré précis de nature à déterminer si et dans quelle mesure ils auraient effectivement et personnellement subi un préjudice financier au titre de chacun des contrats d'assurance concernés ; que, dans ces conditions, les conclusions des requérants tendant à la condamnation de l'Etat pour violation du droit communautaire ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser aux requérants la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête susvisée du COMITE DE DEFENSE DES TRAVAILLEURS FRONTALIERS, de M. X et autres est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au COMITE DE DEFENSE DES TRAVAILLEURS FRONTALIERS DE LA MOSELLE, à Mme Chantal B, à MM. Jean-Claude X, Georges Y, Seiler Z, Joseph A, Henry C, Roamin D, Herresthal E, Gérard F, Bertrand G, Jean-René H, Francesco I, René J, Antoine K et M. Raoul L, au ministre de la santé et des solidarités et au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.
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N° 05NC00306