Vu la requête, enregistrée le 4 avril 2005, complétée par un mémoire enregistré le 21 novembre 2006, présentée pour la COMPAGNIE D'ASSURANCES FILIA-MAIF, dont le siège est 200 Avenue Salvador Allende à Niort Cedex 9 (79076), par Me Schreckenberg, avocat ;
La COMPAGNIE D'ASSURANCES FILIA-MAIF demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0204554 en date du 8 février 2005 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme totale de 45 159,56 € au titre du remboursement des indemnités versées à son sociétaire, M. X, ainsi qu'à plusieurs automobilistes impliqués dans un carambolage survenu le 10 mars 1998 sur l'autoroute A 31, territoire de la commune de Guénange ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 45 159,56 € ;
3°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 3 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le tribunal a fait une inexacte appréciation des faits et commis une erreur matérielle ;
- c'est à tort qu'il a rejeté sa demande d'expertise qui aurait permis de confirmer les conclusions de l'expert, M. Y, produit par la requérante, et de déterminer de façon contradictoire les caractéristiques techniques et les capacités géothermiques du viaduc, ainsi que le mécanisme ayant conduit à la formation du verglas ;
- le défaut d'entretien normal est avéré ;
- les précautions en matière de surveillance de la formation de givre n'ont pas été suffisantes car, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, qui a dénaturé les pièces du dossier, la seconde patrouille évoquée par le tribunal n'a pas emprunté le viaduc en cause ;
- compte tenu de la conjonction de certains éléments liés à la présence de brouillard, aux températures négatives et aux caractéristiques géothermiques du viaduc, la formation de givre était inéluctable et imposait aux services de prendre des mesures particulières pour assurer la sécurité de la circulation ; le phénomène n'est pas apparu en l'espace de 25 minutes mais a persisté jusqu'aux alentours de 10 heures ;
- les services auraient ainsi dû prendre des mesures élémentaires de prévention des accidents causés par le brouillard et le verglas en mettant en place une signalisation spécifique avant le viaduc, notamment sous la forme d'un véhicule de patrouille comportant des signaux lumineux imposant un ralentissement ; les services auraient dû également procéder de manière préventive au salage ou au sablage de la chaussée, eu égard notamment à son caractère dangereux ;
- la présence du givre n'était localisée que sur la seule portion de la voie constituée du viaduc métallique ;
- au surplus, l'ouvrage présente un caractère exceptionnellement dangereux et entraîne par conséquent la responsabilité sans faute du maître d'ouvrage ; d'ailleurs, compte tenu de son caractère dangereux, les services de la direction départementale de l'équipement ont décidé de procéder à sa destruction dans le courant de l'année 2005 ; en l'espace d'un an et demi, pas moins de cinq carambolages y sont survenus ;
- la requérante, subrogée dans les droits des bénéficiaires des prestations, est fondée à demander le remboursement d'une somme totale de 45 159,56 € dont le montant est attesté par les justificatifs versés au dossier ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2005, présenté par le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer ;
Le ministre conclut au rejet de la requête de la COMPAGNIE D'ASSURANCES FILIA-MAIF ;
Il soutient que :
- le défaut d'entretien normal n'est absolument pas établi ; la présence d'une pellicule de givre était tout à fait inopinée car limitée exclusivement à un ouvrage public et dans un seul sens de circulation ; la formation de verglas est survenue 25 minutes après le passage effectif sur le viaduc d'une deuxième patrouille de surveillance ; compte tenu des informations de Météo France, les services de la direction départementale de l'équipement ne pouvaient pas prévoir un risque de formation de givre au sol et ne disposaient pas d'un délai suffisant pour saler ou sabler la chaussée avant l'apparition du phénomène de glissance ;
- en tout état de cause, les usagers étaient avertis de la possibilité de verglas par la signalisation en place comportant des panneaux de type A 4 «chaussée glissante» complétés par des pannonceaux M 9 «verglas fréquent» ; la signalisation est conforme aux instructions applicables aux sections où une formation de verglas peut se produire en l'absence de formation généralisée ; en outre, ce phénomène, apparaissant début mars très tôt dans la matinée, n'excède pas les risques ordinaires de la circulation auxquels doivent s'attendre les usagers de la route en période hivernale ;
- la présence de brouillard n'a pas à faire l'objet d'une signalisation particulière ;
- la requérante n'établit en aucune façon le caractère exceptionnellement dangereux de l'ouvrage ; la demande d'expertise pour évaluer les capacités géothermiques du pont est tardive alors que les faits sont survenus en 1998 ; le fait que l'ouvrage incriminé ait été détruit durant 2005 lors d'une politique de modernisation du réseau national de rénovation est sans lien avec le carambolage survenu en 1998 lié à un phénomène de glissance ;
- subsidiairement, le manque de maîtrise dont ont fait preuve les victimes dans la conduite de leurs véhicules doit exonérer le maître d'ouvrage de sa responsabilité ; eu égard à la signalisation et aux conditions hivernales, il leur appartenait de réduire leur vitesse sur un pont qu'ils utilisaient en outre quotidiennement ;
Vu l'ordonnance du président de la 3ème chambre en date du 10 novembre 2006 fixant la clôture de l'instruction au 30 novembre 2006 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse An VIII ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative et notamment l'article R 613-3 selon lequel les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 janvier 2007 :
- le rapport de M. Martinez, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;
Considérant que sur l'autoroute A 31 dans le sens Metz-Thionville, territoire de la commune de Guénange, s'est produite, le 10 mars 1998, une collision en chaîne impliquant soixante-deux véhicules dont celui appartenant à M. X, assuré par la COMPAGNIE D'ASSURANCES FILIA-MAIF ; que ladite société a demandé la condamnation de l'Etat, en sa qualité de maître d'ouvrage, à réparer les conséquences dommageables de cet accident survenu à l'aval du viaduc de Richemont, ouvrage d'art surplombant la Moselle, et qu'elle impute à la fois à une chaussée rendue glissante par la présence de givre et à une visibilité atténuée par la persistance du brouillard ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les bulletins météorologiques adressés aux services de la direction départementale de l'équipement se bornaient à annoncer pour la nuit du 9 au 10 mars un ciel clair avec des températures, certes négatives, mais avec une masse d'air sèche ; que le responsable d'astreinte, qui a patrouillé de 4 heures 30 à 5 heures 25, a relevé l'existence de bancs de brouillard dans le secteur de Richemont mais a confirmé que la chaussée était sèche ; qu'une seconde patrouille, qui contrairement à ce que soutient la requérante, avait effectivement emprunté le pont litigieux, n'a relevé vers 6 heures 35 aucune présence de givre ni de déficit d'adhérence ; qu'ainsi, en admettant que la collision en chaîne intervenue à la suite d'une première collision survenue vers 7 heures soit liée à la glissance de la chaussée due à la formation d'une pellicule de givre au sol, cette couche de givre, qui se limitait à une portion de la voie, n'est apparue que postérieurement à l'intervention du service de surveillance ; que s'il est vrai que le risque de formation de givre dans un contexte de températures négatives ne pouvait être écarté, compte tenu de la structure métallique d'une partie du pont et de sa localisation au-dessus d'un cours d'eau, il ne résulte pas cependant de l'instruction que l'administration devait mettre en oeuvre des mesures préventives de salage ou de sablage de la voie ou de signalisation particulière, alors qu'il est constant que les usagers étaient avertis du risque de glissance lié notamment au verglas et au givre par une signalisation permanente consistant en des panneaux de type A 4 «chaussée glissante» complétés par des pannonceaux M 9 «verglas fréquent» et qui, compte tenu du caractère très localisé de la couche de givre, était appropriée au danger considéré ; que, par ailleurs, la pellicule de givre s'étant ainsi formée très peu de temps avant l'accident, l'administration n'avait pas eu la possibilité matérielle de procéder au salage ou sablage de la voie ou de signaler le danger par une signalisation particulière complémentaire à celle existante ; qu'enfin, si la requérante soutient qu'il eût été nécessaire de mettre en place un dispositif de ralentissement, notamment sous la forme d'un véhicule muni d'un dispositif lumineux, la présence de nappes de brouillard, d'ailleurs ponctuelles, n'excédait pas les risques ordinaires de la circulation en période hivernale dans le département de la Moselle contre lesquels les usagers de la voie publique doivent se prémunir en prenant toutes les précautions utiles et dont ils sont tenus de supporter les conséquences ; que, dans ces conditions, l'Etat doit être regardé comme apportant la preuve de l'entretien normal de la voie publique ;
Considérant, en second lieu, que si la requérante fait valoir que le pont métallique en cause est, pendant la période hivernale, exposé à des risques de givre, que plusieurs accidents se sont produits de 1999 à 2001 sur l'autoroute considérée, et qu'enfin le pont métallique a été remplacé à compter de 2005 par une structure en béton, ces circonstances ne sont pas de nature à conférer audit ouvrage le caractère d'un ouvrage exceptionnellement dangereux susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat envers les usagers, même en l'absence d'un vice de conception ou d'un défaut d'entretien normal ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que COMPAGNIE D'ASSURANCES FILIA-MAIF n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la requérante la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête susvisée de la COMPAGNIE D'ASSURANCES FILIA-MAIF est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la COMPAGNIE D'ASSURANCES FILIA-MAIF et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
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N° 05NC00409