Vu la requête, enregistrée le 2 mai 2006, présentée pour la COMMUNE DE LORRY- LES-METZ, par la SCP Colbus Born-Colbus Fittant, avocats ; la COMMUNE DE LORRY-LES-METZ demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0303113 en date du 7 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à déclarer les sociétés Acte et Bour responsables des désordres affectant le crépi de l'église de la commune et à leur condamnation à lui verser le montant des frais d'expertise et la somme de 8 227 € afférents à la réalisation de l'étude effectuée par le LERM ;
2°) de déclarer la société AC Ingénérie Est, qui vient aux droits de la société Acte, et la société Bour solidairement responsables des malfaçons affectant le crépi de l'église communale ;
3°) de condamner solidairement la société AC Ingénierie Est, qui vient aux droits de la société Acte, et la société Bour à lui verser une somme de 175 000 €, indexée sur l'indice BT 01 valeur juillet 2004 ;
4°) de condamner solidairement la société AC Ingénérie Est, qui vient aux droits de la société Acte, et la société Bour à lui verser le montant des frais d'expertise ainsi que la somme de 8 227 € afférents à la réalisation de l'étude effectuée par le LERM ;
5°) de dire que les intérêts seront capitalisés dès qu'ils seront dus sur plus d'une année ;
6°) de condamner solidairement la société AC Ingénierie Est, qui vient aux droits de la société Acte, et la société Bour à lui verser une somme de 7 500 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La COMMUNE DE LORRY-LES-METZ soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a écarté la responsabilité décennale des constructeurs, en se fondant sur le seul fait qu'il n'existe aujourd'hui aucune infiltration à l'intérieur de l'église, dès lors que l'expert a conclu de manière formelle que l'enduit ne remplit pas son rôle et qu'il est irrémédiablement affecté en sa solidité, l'ouvrage étant impropre à sa destination ;
- s'agissant d'un ouvrage de prestige, les désordres esthétiques relèvent de la garantie décennale ;
- subsidiairement, elle est fondée à rechercher la responsabilité contractuelle des entreprises tant en ce qui concerne la garantie de parfait achèvement, la réclamation ayant été présentée moins d'un an après la réception, qu'en raison des fautes commises lors de la réalisation des enduits, qui n'a pas été conforme aux prescriptions techniques ;
- c'est à tort que le tribunal a cru devoir retenir qu'elle ne recherchait pas la garantie de parfait achèvement ;
- le coût de remise en état de l'ouvrage chiffré à 175 000 € n'est pas contesté ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 août 2006, présenté pour les Mutuelles du Mans assurances IARD par la SCP d'avocats Robert Hemmedinger, qui concluent au rejet de la requête et à la condamnation de la COMMUNE DE LORRY-LES-METZ à prendre en charge les dépens et frais d'expertise et à lui verser une somme de 4 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative,
Les Mutuelles du Mans assurances IARD soutiennent que :
- malgré les dires contraires des parties formulés à l'occasion du pré-rapport, l'expert a maintenu son analyse sur le non respect par la société Bour de l'avis technique, alors même que cet avis est postérieur de près d'un an à la mise en oeuvre effectuée par la société ;
- le produit livré à la société, qui a été présenté comme un produit identique à celui prévu, était en réalité un produit différent et qui n'avait d'ailleurs pas été soumis à l'approbation de la commission du CSTB ;
- le constat de l'expert sur le taux de gâchage n'a pas fait l'objet d'une discussion contradictoire en cours d'expertise ;
- alors que les conditions de pose ont été distinctes, l'expert ne s'explique pas sur le fait que l'enduit en partie basse et en partie haute présente les mêmes micro-fissurations ;
- il est constant que les micro-fissurations observées, dont la plus importante a une largeur de 0,8 mm, ne compromettent pas la solidité de l'ouvrage et n'entrent pas dans le champ des désordres relevant de la garantie décennale ;
- les micro-fissurations ne sont ni infiltrantes, ni traversantes ;
- les désordres observés, qui sont de nature esthétique, n'entrent pas dans le champ d'application de la garantie décennale ;
Vu les mémoires en défense, enregistrés les 31 août 2006 et 13 avril 2007, présentés pour la société A.C. Ingénierie Est par Me de la Corbière, avocat ;
La société A.C. Ingénierie Est conclut au rejet de la requête, au rejet de l'appel en garantie de la société Eugène Bour, à la condamnation de la COMMUNE DE LORRY-LES- METZ et, subsidiairement, de la société Eugène Bour à lui verser une somme de 4 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et à la condamnation de la société Eugène Bour à prendre en charge les dépens et frais d'expertise ;
La société A.C. Ingénierie Est soutient que :
- le maître d'ouvrage a commis une faute en prononçant la réception sans réserve alors même que les travaux n'étaient pas terminés ;
- les désordres résultent d'un incident généralisé d'exécution lié à la préparation du support et à la mise en oeuvre du PASCALIT R ;
- la société Acte, qui n'avait pas de mission de contrôleur technique ni de BET, ne peut qu'être mise hors de cause ;
- la solidarité ne se présumant pas, il ne peut y avoir lieu à condamnation solidaire avec la société Bour ;
-les désordres en cause sont des désordres non évolutifs, qui ne compromettent pas la solidité de l'ouvrage et ne le rendent pas impropre à sa destination et sont de nature purement esthétiques ;
- les désordres affectant l'enduit des façades de l'église, qui n'est pas un équipement dissociable de l'ouvrage, la commune ne peut fonder son action sur la garantie de bon fonctionnement ;
- la réception sans réserve met fin aux rapports contractuels entre les parties ;
- l'appel en garantie formé par la société Bour à son encontre ne peut qu'être rejeté, aucune faute de surveillance ne lui incombant ;
Vu le mémoire, enregistré le 21 septembre 2006, présenté pour la société Eugène Bour par la SCP d'avocats Gottlich-Laffon ;
La société Eugène Bour conclut au rejet de la requête, subsidiairement à ce que l'indemnisation soit prononcée hors taxes, à la condamnation de la société A.C. Ingénierie Est venant aux droits de la SA Acte à la garantir de toute condamnation en principal, intérêts, frais et dépens, susceptible d'intervenir à son encontre, et à la condamnation de la COMMUNE DE LORRY-LES-METZ et, subsidiairement, de la société A.C. Ingénierie Est à lui verser une somme de 7 500 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative,
La société Eugène Bour soutient que :
- les conclusions de la COMMUNE DE LORRY-LES-METZ sont irrecevables, le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 7 mars 2006 n'existant pas ;
- subsidiairement, c'est à bon droit que les premiers juges, qui ne se sont pas liés par les conclusions de l'expert, ont considéré que l'ouvrage n'était pas impropre à sa destination ;
- il n'est nullement établi que l'église relèverait de la catégorie des ouvrages de prestige ;
- la loi exclut clairement de l'application de la garantie décennale les désordres qui ne relèvent que d'un aspect esthétique ;
- la commune n'ayant pas invoqué la garantie de parfait achèvement, c'est à bon droit que le tribunal a écarté toute responsabilité sur le fondement de la responsabilité contractuelle ;
- la demande présentée sur ce fondement est nouvelle et, par suite, irrecevable ;
- s'agissant des désordres intermédiaires, aucune faute n'est établie à l'encontre de l'exposante ;
- à supposer même qu'il y ait condamnation, celle-ci doit être prononcée hors taxes, la commune ne démontrant pas être dans une situation fiscale lui interdisant de déduire la taxe sur la valeur ajoutée ;
- la société Acte aurait dû exiger la production de l'avis technique de l'enduit mis en oeuvre par elle et déconseiller une finition talochée ;
- la faute s'entend également d'un défaut de surveillance de l'exécution des travaux de dégarnissage des joints et de bonne préparation des supports ;
Vu le mémoire en défense, enregistré les 13 et 18 avril 2007, présenté pour la Compagnie AXA France IARD par Me Lutz-Sorg, avocat, tendant au rejet de la requête et à la condamnation de la COMMUNE DE LORRY-LES-METZ à lui verser une somme de 6 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La Compagnie AXA France IARD soutient que :
- le maître d'ouvrage a commis une faute en prononçant la réception sans réserve alors même que les travaux n'étaient pas terminés ;
- les désordres résultent d'un incident généralisé d'exécution ;
- la société Acte, qui n'avait pas de mission de contrôleur technique ni de BET, ne peut qu'être mise hors de cause ;
- seule la société Bour, qui a la responsabilité exclusive du choix des fournitures, est responsable ;
- les désordres en cause sont des désordres non évolutifs qui ne compromettent pas la solidité de l'ouvrage et ne le rendent pas impropre à sa destination et sont de nature purement esthétiques ;
Vu le mémoire, enregistré le 19 avril 2007, présenté pour la COMMUNE DE LORRY- LES-METZ, tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures et, au surplus, que subsidiairement la Cour ordonne une expertise à l'effet de dire si les désordres se sont aggravés depuis le 21 juin 2004 et donner à la juridiction tous éléments permettant de dire si les désordres vont aller en s'aggravant et si, dans le délai de garantie, l'immeuble sera affecté en sa solidité ou rendu impropre à sa destination par l'existence d'infiltrations ;
La COMMUNE DE LORRY-LES-METZ soutient que :
- sa requête est recevable, étant dirigée contre le jugement produit du Tribunal administratif de Strasbourg du 7 mars 2006 ;
- l'indemnisation des désordres évolutifs sur le fondement décennal est admise dès lors que la menace de préjudice est avérée et que la gravité du désordre se manifeste dans le délai décennal ;
- la menace de préjudice est avérée dès lors que sur les fissurations qui se présentent sur l'intégralité de la façade apparaissent des traces de moisissures et que ces fissurations laissent infiltrer les eaux de pluie, ce qui va provoquer de manière irrémédiable la dégradation de l'enduit compte tenu du cycle gel-dégel ;
- contrairement à ce que prétend la société Bour, le recours du 12 août 2003 était fondé sur les dispositions de l'article 1792 et suivants du code civil, y compris les dispositions de l'article 1792-6 relatives à la garantie de parfait achèvement ;
- la société A.C. Ingénierie Est ayant assisté la commune lors de la réception, elle n'est pas fondée à soutenir que seule la commune aurait commis une faute ;
- en tout état de cause, les désordres sont sans lien avec l'absence de finition des travaux ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2007, présenté pour les Mutuelles du Mans assurances, tendant aux mêmes fins que leurs précédentes écritures par les mêmes moyens et, au surplus, que la notion de désordre évolutif, qui doit se distinguer des désordres futurs, n'a pas de place dans la présente affaire ;
Vu le mémoire, enregistré le 27 avril 2007, présenté pour la Compagnie AXA France IARD, tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens et au surplus que la notion de désordre évolutif, qui doit se distinguer des désordres futurs, n'a pas de place dans la présente affaire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 juin 2007 :
- le rapport de Mme Monchambert, président,
- les observations de Me Beyna, pour la SCP Colbus Born-Colbus Fittant, avocat de la COMMUNE DE LORRY-LES-METZ, de Me Lagarrigue, pour la SCP Gottlich-Laffon, avocat de la société Eugène Bour, de Me Besson, pour la SCP Hemmendinger, avocat des Mutuelles du Mans assurances IARD, et de Me Lutz-Sorg, avocat de la Compagnie AXA France IARD ,
- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'en vue de la restauration de l'église communale, la COMMUNE DE LORRY-LES-METZ a, par un marché en date du 17 juillet 2000, confié à la société Eugène Bour le lot n°1 «ravalement de façades» pour un montant de 1 188 773, 53 Frs TTC ; que la maîtrise d'oeuvre était confiée à la société APS à laquelle s'est ensuite substituée la société Acte ; que les travaux ont été réceptionnés sans réserve le 29 janvier 2001 ; que des fissures sont apparues en juillet 2001 sur les façades de l'ouvrage ; que la COMMUNE DE LORRY-LES- METZ relève appel du jugement en date du 7 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de la société Eugène Bour et de la société Acte ; que la société Eugène Bour forme, pour sa part, un appel en garantie contre la société A.C. Ingénierie Est qui vient aux droits de la société Acte ;
Sur les interventions des Mutuelles du Mans assurances IARD et de la Compagnie AXA France IARD :
Considérant que les Mutuelles du Mans assurances IARD et la Compagnie AXA France IARD assurent respectivement la société Eugène Bour et la société A.C. Ingénierie Est au titre de leur responsabilité décennale ; que, par suite, elles ont intérêt à contester la mise en cause de la garantie décennale de leur assurée ; qu'il s'ensuit que leurs interventions sont recevables ;
Sur la responsabilité décennale des constructeurs :
Considérant que la responsabilité des hommes de l'art ne pourrait être engagée en application des principes dont s'inspirent les articles 1790 et 2270 du code civil, du fait des désordres constatés sur les façades de l'immeuble en cause après la réception des travaux, que si ces désordres avaient pour effet de menacer la solidité dudit immeuble ou de le rendre impropre à sa destination ; qu'il résulte de l'instruction que les façades de l'église présentent des micro-fissurations généralisées de l'enduit dessinant, à certains endroits, un faïençage en mailles larges ; que si une partie des façades est recouverte de mousse, aucune trace d'humidité ni d'infiltration n'a été décelée à l'intérieur de l'église ; que si l'expert a estimé que l'enduit ne remplit pas son rôle et est irrémédiablement affecté en sa solidité, il n'est pas établi que ces désordres, constatés plus de quatre années après la réception des travaux, rendent l'immeuble impropre à sa destination ; que si la COMMUNE DE LORRY-LES-METZ allègue que les désordres en cause auraient un caractère évolutif, elle ne l'établit pas ; que, contrairement à ce qu'elle soutient, la circonstance que les désordres constatés affectent l'esthétique de l'ouvrage n'est pas, par elle même, de nature à engager la responsabilité des constructeurs sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1790 et 2270 du code civil ; que, par suite, la COMMUNE DE LORRY-LES-METZ n'est pas fondée, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise qu'elle sollicite en appel, à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Strasbourg a considéré qu'elle ne pouvait rechercher la responsabilité décennale des constructeurs ;
Sur la responsabilité contractuelle :
Considérant que la COMMUNE DE LORRY-LES-METZ n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a jugé qu'elle ne saurait rechercher la responsabilité contractuelle de la société Bour, dès lors qu'il est constant qu'elle n'invoquait pas la garantie de parfait achèvement ; que si elle invoque devant la Cour les fautes commises par le maître d'oeuvre, les conclusions qu'elle présente en ce sens sont fondées sur une cause juridique distincte de celle de la demande de première instance et constituent une demande nouvelle en appel, qui est irrecevable et doit être rejetée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE LORRY-LES- METZ n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;
Sur l'appel en garantie formé par la société Eugène Bour à l'encontre de la société A.C. Ingénierie Est :
Considérant que le présent arrêt ne prononce aucune condamnation contre la société Eugène Bour ; que, dès lors, les conclusions aux fins d'appel en garantie dirigées contre la société A.C. Ingénierie Est sont dépourvues d'objet ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que, d'une part, la COMMUNE DE LORRY-LES-METZ, partie perdante, et d'autre part, les Mutuelles du Mans assurances IARD et la Compagnie AXA France IARD, qui sont intervenantes en défense et ne sont pas parties à la présente instance, puissent se voir allouer les sommes qu'elles demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner la COMMUNE DE LORRY-LES-METZ à verser respectivement à la société Eugène Bour et la société A.C. Ingénierie Est les sommes qu'elles réclament chacune sur ce fondement ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les interventions des Mutuelles du Mans assurances IARD et de la Compagnie AXA France IARD sont admises.
Article 2 : La requête de la COMMUNE DE LORRY-LES-METZ est rejetée.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions d'appel en garantie présentées par la société Eugène Bour.
Article 4 : Les conclusions de la société Eugène Bour, de la société A.C. Ingénierie Est, des Mutuelles du Mans assurances IARD et de la Compagnie AXA France IARD tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE LORRY-LES-METZ, à la société Eugène Bour, à la société A.C. Ingénierie Est, venant aux droits de la SA Acte - anc. APS, aux Mutuelles du Mans assurances IARD et à la Compagnie AXA France IARD.
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N° 06NC00632