Vu le recours, enregistré le 11 décembre 2006, présenté par le MINISTRE DES TRANSPORTS, DE L'EQUIPEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER ; le ministre demande à la Cour :
1°) l'annulation du jugement n° 0401482 en date du 12 septembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a annulé, à la demande de M. X, l'arrêté du 24 juin 2004 du ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer prononçant le licenciement de M. X et a condamné l'Etat à verser à l'intéressé diverses indemnités en réparation des préjudices résultant de l'illégalité de cette décision ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Nancy ;
Il soutient:
- que le tribunal administratif a commis une erreur de droit en retenant que M. X exerçait ses fonctions de manière bénévole, alors qu'une activité commerciale présente un caractère lucratif même si elle ne procure pas de bénéfices ;
- que, compte tenu de l'échelle de sanctions applicable aux agents non titulaires, des circonstances que M. X a gravement contrevenu au principe d'interdiction de cumul d'activités en exerçant, à titre professionnel, une activité privée lucrative et qu'il a bénéficié de subventions de l'ANAH dont le contrôle entrait dans ses attributions, la sanction contestée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- que, pour le surplus, il se réfère à ses observations de première instance ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2007, présenté pour M. Georges X par Me Moitry, avocat ;
M. X conclut :
- au rejet du recours ;
- à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 3000 € au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;
Il soutient :
- qu'il n'y a pas eu cumul d'emplois prohibé, dès lors que la gestion d'une société civile immobilière ne constitue pas une activité professionnelle, qu'il n'a jamais perçu de rémunérations et que les sociétés dont il assurait la gérance présentaient un caractère familial ; que s'il a créé une SARL en décembre 2002, il y était associé minoritaire, n'a pas perçu de rémunérations et n'en avait accepté provisoirement la gérance que pour permettre à un de ses enfants d'obtenir des financements ;
- que, compte tenu de sa situation familiale, des circonstances qu'il n'a pas été mis en demeure de cesser les activités litigieuses et n'a pas commis de faute grave en refusant d'y déférer, que ses activités étaient bénévoles, qu'il a continué à assurer son service de façon satisfaisante, qu'il n'a pas porté atteinte à l'image du service public et qu'il n'exerçait pas de fonctions de contrôle sur les subventions qu'il a perçues, la sanction contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- qu'en jugeant qu'en l'absence de rémunération, ses activités étaient bénévoles, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit ;
- que les faits antérieurs au 17 mai 2002 étaient couverts par l'amnistie ;
- que l'interdiction de cumul ne s'imposant pas au fonctionnaire suspendu, les faits postérieurs à la décision de suspension ne peuvent être pris en considération ;
- que la décision contestée, dont le véritable motif est l'incapacité de l'administration de le reclasser à la suite des nouvelles dispositions de la loi SRU, est entachée de détournement de pouvoir ;
- qu'il est en droit de prétendre à l'indemnité que le tribunal administratif lui a allouée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret-loi du 29 octobre 1936 relatif aux cumuls de retraites, de rémunérations et de fonctions ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 ;
Vu le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 novembre 2007 :
- le rapport de Mme Stefanski, président,
- les observations de Me Damien, substituant Me Moitry, avocat de M. X,
- et les conclusions de M. Collier, commissaire du gouvernement ;
Sur l'arrêté du 24 juin 2004 prononçant le licenciement de M. X :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : Les fonctionnaires consacrent l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. Ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité lucrative, de quelque nature que ce soit… ; que, selon l'article 2 du décret du 29 octobre 1936 modifié alors en vigueur relatif aux cumuls de retraites, de rémunérations et de fonctions : L'interdiction formulée à l'égard des fonctionnaires par l'article 9 de la loi du 19 octobre 1946 modifiée, auquel s'est substitué l'article 25 précité de la loi du 13 juillet 1983, s'applique à l'ensemble des personnels des collectivités et organismes visés à l'article 1er ci-dessus, qui inclut notamment dans son champ d'application les agents non titulaires de l'Etat ; qu'aux termes de l'article 43 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux agents non titulaires de l'Etat : Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents non titulaires sont les suivantes… 3. L'exclusion temporaire des fonctions avec retenue de traitement pour une durée maximale d'un mois ; 4. Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement ; qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 6 août 2002 portant amnistie : Sont amnistiés les faits commis avant le 17 mai 2002 en tant qu'ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles… Sauf mesures individuelles accordées par décret du Président de la République, sont exceptés du bénéfice de l'amnistie prévue par le présent article les faits constituant des manquements à l'honneur, à la probité et aux bonnes moeurs… ;
Considérant, qu'alors qu'il était assistant vérificateur à la délégation territoriale de la mission interministérielle d'inspection du logement social (MIILOS) de Nancy, M. X a été, à compter du 1er décembre 2002, membre fondateur et gérant d'une société à responsabilité limitée ayant pour objet la gestion de biens immobiliers ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que, contrairement à ce qu'il soutient, l'intéressé n'aurait accepté cette gérance que provisoirement afin de faciliter la création de la société ; que les circonstances qu'il était associé minoritaire et que l'activité ainsi exercée n'aurait pas comporté effectivement de rémunération ne sont pas de nature à lui retirer son caractère lucratif au sens des dispositions précitées du décret du 29 octobre 1936 ; qu'en outre, M. X était membre fondateur et gérant, susceptible d'être rémunéré, de trois sociétés civiles immobilières créées en 1997, 1999 et en 2002 avec des professionnels de l'immobilier et dont il n'est pas établi qu'elles n'auraient eu pour objet que la gestion du patrimoine familial de l'intéressé ; que, dès lors, son activité au sein de ces sociétés présentait également un caractère professionnel et lucratif au sens des dispositions du décret du 29 octobre 1936 ; que ces faits étaient de nature à justifier l'engagement d'une procédure disciplinaire ; qu'un tel comportement étant contraire à l'honneur professionnel, l'administration a pu prendre en compte les faits commis avant le 17 mai 2002 sans méconnaître les dispositions de la loi du 6 août 2002 portant amnistie ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, compte tenu de la gravité et de la durée du comportement fautif de M. X, de ce qu'il a conclu des conventions lui permettant d'obtenir des subventions de l'ANAH alors que son service était chargé de la vérification de ces conventions et qu'il s'est abstenu d'informer l'administration de ces activités, que le MINISTRE DES TRANSPORTS, DE L'EQUIPEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER ait commis une erreur manifeste d'appréciation en le licenciant de ses fonctions ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce que le ministre avait commis une erreur manifeste d'appréciation pour annuler l'arrêté du 24 juin 2004 par lequel il a prononcé le licenciement sans préavis ni indemnité de M. X ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif de Nancy ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient M. X, le MINISTRE DES TRANSPORTS, DE L'EQUIPEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER ne s'est pas fondé, pour prendre la décision contestée, sur des faits commis pendant sa suspension, alors qu'il n'était plus soumis à l'interdiction de cumul de fonctions publiques avec des d'activités lucratives privées ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la décision contestée aurait en réalité eu pour but de remédier aux difficultés de reclassement de M. X, qui n'avait pas été habilité à exercer les fonctions de contrôleur en 2001 ; qu'ainsi, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DES TRANSPORTS, DE L'EQUIPEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a annulé son arrêté du 24 juin 2004 prononçant le licenciement de M. X, et a, en conséquence de l'illégalité relevée, condamné l'Etat à verser à celui-ci une somme de 3 000 € en réparation de ses préjudices ;
Sur l'arrêté du 23 octobre 2003 suspendant M. X :
Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit que les agents non titulaires, faisant l'objet d'une mesure de suspension, continuent à percevoir leur traitement au cours de cette période ; qu'ainsi, le MINISTRE DES TRANSPORTS, DE L'EQUIPEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER est également fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Nancy a condamné l'Etat à verser à M. X une somme de 15 360 €, correspondant aux pertes de traitement subies en raison de sa suspension prononcée le 23 octobre 2003 ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. X la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement en date du 12 septembre 2006 du Tribunal administratif de Nancy est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Nancy et ses conclusions d'appel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au SECRÉTAIRE D'ÉTAT CHARGÉ DES TRANSPORTS et à M. Georges X.
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N° 06NC01565