Vu le recours, enregistré le 13 décembre 2006, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; il demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0302853 en date du 7 septembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a accordé à M. Martial X la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des années 1998, 1999 et 2000 ;
2°) de remettre ces impositions à la charge du contribuable, à concurrence de la décharge prononcée par les premiers juges ;
Le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE soutient que le contribuable est imposable en France, en vertu de l'article 155 A du code général des impôts pour les services rendus à la Société Tag Industrie et facturés par deux sociétés luxembourgeoises qu'il contrôle ; contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, cette application de la loi française ne pouvait être écartée par application de l'article 14 § 1 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise, au motif, erroné, que l'activité personnelle du contribuable devait être située au Luxembourg ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mai 2008 :
- le rapport de M. Bathie, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Lion, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours des années 1998 à 2000, M. X était simultanément président-directeur général de la société Tag Industrie ayant son siège à Belleville (Meurthe-et-Moselle) et dirigeant des deux sociétés domiciliées au Luxembourg Euro Deal et Euro Deal International, (E.D.I.) ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de la société Tag Industrie, l'administration a requalifié en salaires imposables au nom de M. X des sommes versées par la société française aux sociétés luxembourgeoises précitées, et correspondant respectivement pour Euro Deal à des frais administratifs et commerciaux, et pour E.D.I. à une ... participation des frais de salaires et de mission-reception de M. X ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE fait appel du jugement du 7 septembre 2006 du Tribunal administratif de Strasbourg qui a accordé à M. X la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu au titre des années 1998, 1999 et 2000, consécutifs à ce chef de redressement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 155 A du code général des impôts : I. Les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières ... lorsque celles-ci contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ; qu'il n'est pas contesté que M. X était le maître des trois sociétés susmentionnées et avait personnellement assuré la majeure partie des prestations de services confiées par Tag Industrie à ses deux partenaires luxembourgeoises ; que, par suite, l'administration était fondée à imposer, au nom de M. X, la rémunération de ses propres services rendus pour le compte des sociétés luxembourgeoises, conformément aux dispositions précitées de l'article 155 A ; que, toutefois, si le contribuable s'est prévalu, devant les premiers juges, des stipulations de la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 modifiée, tendant à éviter les doubles impositions, laquelle prévoyait dans son article 14-1 que : ... les traitements, salaires et autres rémunérations analogues ne sont imposables que dans l'Etat sur le territoire duquel s'exerce l'activité personnelle source de ces revenus, cette clause de la convention ne fait pas obstacle à ce que les salaires d'un contribuable soient partiellement imposés dans les deux Etats contractants, en proportion de la part respective de ses activités sur le territoire de chacun d'eux, cette éventuelle ventilation des salaires étant d'ailleurs prévue par les dispositions suivantes de l'article 14-1 de la convention précitée ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont accordé à M. X la décharge des impositions en litige, au motif que, par application de l'article 14-1 de cette convention, qu'il convenait de faire prévaloir sur la loi interne, les salaires de l'intéressé étaient entièrement imposables au Luxembourg, dans la mesure où son activité professionnelle devait être regardée comme exercée dans cet Etat ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'ensemble des moyens développés par le contribuable en première instance ;
Considérant, en premier lieu, que si le contribuable alléguait une double imposition des mêmes revenus, il n'apportait aucun élément probant, de nature à établir que les salaires imposés en France auraient été simultanément soumis à l'impôt au Luxembourg ;
Considérant, en second lieu, que les dispositions sus-rappelées de la loi française, conçues pour éviter certaines formes d'évasion fiscale, et qui s'appliquent indifféremment à des prestataires de services domiciliés en France ou à l'étranger, ne peuvent être regardées comme ayant eu pour effet de restreindre l'implantation sur le territoire français d'entreprises étrangères ; qu'elles ne peuvent, par suite, être considérées comme incompatibles avec les stipulations de l'article 52, devenu 43, du traité de Rome instituant la Communauté européenne, prohibant ... les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat-membre dans le territoire d'un autre Etat-membre... ; que le moyen tiré de ce que ces dernières stipulations s'opposaient à la mise en oeuvre de la loi française au cas d'espèce, doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a accordé à M. X la décharge des impositions en litige, et à obtenir qu'elles soient remises à la charge du contribuable ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 7 septembre 2006 du Tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 2 : M. X est rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu, au titre des années 1998, 1999 et 2000, en droits et intérêts de retard, à concurrence des décharges prononcées par les premiers juges.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et à M. Martial X.
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N° 06NC01576