Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 14 janvier 2008, présentée pour M. Issam X, demeurant ..., par Me Jeannot, avocat ;
M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Nancy en date du
13 novembre 2007 en tant qu'il rejette ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 9 juillet 2007 du préfet de Meurthe-et-Moselle lui refusant un titre de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire et fixant le Maroc comme pays de destination ;
2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte d'identité en qualité de commerçant ainsi qu'un titre de séjour vie privée et familiale ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce que le Tribunal n'a pas répondu à la demande avant dire droit de communication de l'avis de la Chambre de commerce et d'industrie de Meurthe-et-Moselle, ni au moyen tiré du défaut de consultation de la commission du titre de séjour ;
- le Tribunal a commis une erreur en ne procédant pas à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination qui sont les mesures accessoires du refus de titre de séjour, lequel a été annulé ;
- c'est à tort que le Tribunal a analysé comme une seule et même décision la décision portant refus de délivrance de la carte de commerçant et l'arrêté préfectoral refusant la délivrance d'un titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire à destination du Maroc ; que le Tribunal a relevé d'office ce moyen sans le mettre en mesure de présenter des observations sur ce point, en méconnaissance du principe du contradictoire ;
- l'arrêté préfectoral du 9 juillet 2007 n'est pas régulièrement motivé ;
- il a été pris au terme d'une procédure irrégulière, faute de consultation de la commission du titre de séjour ;
- le préfet ayant modifié le fondement juridique de sa demande initiale, il devait le mettre en mesure de présenter préalablement à toute décision ses observations ;
- la décision est entachée d'erreurs de droit en ce que le préfet a statué sur un fondement qui n'était pas celui justifiant la demande de titre de séjour et qu'il a ordonné la reconduite à la frontière sans vérifier qu'il n'était pas dans un des cas protégés par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard aux liens personnels qui le lient à la France ;
- elle est fondée sur la décision de refus de carte d'identité de commerçant étranger, elle-même illégale tant au regard de sa légalité externe qu'interne ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2008, présenté par le préfet de Meurthe-et-Moselle ; le préfet conclut :
- à l'annulation du jugement en tant qu'il annule la décision de refus de titre de séjour ;
- au rejet de la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Nancy ;
Il soutient que le jugement s'est prononcé sur l'intégralité des décisions du 9 juillet 2007 refusant tant le renouvellement de la carte de commerçant que la délivrance de tout autre titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français ; que l'arrêté du 9 juillet 2007 est régulièrement motivé ; que le moyen tiré du défaut de consultation de la commission du titre de séjour, qui d'ailleurs venait au soutien de la critique de la décision annulée par le Tribunal, est en tout état de cause à écarter ; que le moyen tiré de ce que le préfet se serait abstenu à tort de vérifier s'il entrait dans les cas protégés par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est non fondé ; que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'a pas été méconnu ; que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision du 9 juillet 2007 portant refus de délivrance de la carte d'identité de commerçant est non fondé ; que l'arrêté attaqué en tant qu'il refuse la délivrance d'une carte de commerçant a été pris par une autorité compétente, au terme d'une procédure régulière et n'est entaché ni d'erreurs de droit, ni d'erreur manifeste d'appréciation ; que c'est à tort que le Tribunal a annulé, pour défaut de contradictoire, l'arrêté du 9 juillet 2007 en tant qu'il décidait de ne pas délivrer à M. X un titre de séjour autre que commerçant ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 décembre 2008 :
- le rapport de Mme Guichaoua, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, commissaire du gouvernement ;
Sur l'appel principal de M. X :
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a annulé, à la demande de M. X et au motif tiré de la méconnaissance de l'article
24 de la loi susvisée du 12 avril 2000, l'arrêté du préfet de la Meurthe-et-Moselle en date du 9 juillet 2007 en tant qu'il a décidé de ne pas accorder à l'intéressé un titre de séjour autre que sur le fondement de l'article L. 310-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ressort des pièces du dossier que le moyen tiré du défaut de consultation de la commission du titre de séjour avait été soulevé à l'appui de la contestation du motif tiré de l'absence d'atteinte à la vie familiale ; que le Tribunal n'a pas commis d'irrégularité en n'examinant pas ledit moyen dès lors qu'il procédait, dans les conditions exposées ci-dessus, à l'annulation de l'arrêté ;
Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient M. X, le Tribunal n'a pas analysé l'arrêté préfectoral du 9 juillet 2007 portant refus d'admission au séjour et la lettre du même jour rejetant la demande de délivrance d'une carte d'identité de commerçant, comme formant une seule et même décision ; que le moyen tiré de ce qu'il aurait soulevé d'office et de manière irrégulière ledit moyen doit être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, que le Tribunal a pu estimer, sans commettre d'irrégularité, que la communication de l'avis de la chambre de commerce et d'industrie ne s'avérant pas nécessaire à la solution du litige, il n'y avait pas lieu de l'ordonner ;
Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour en qualité de commerçant :
En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte attaqué :
Considérant que, par arrêté du 28 mars 2007 régulièrement publié au recueil des actes administratifs du 2 avril 2007, le préfet de Meurthe-et-Moselle a, entre autres dispositions, donné délégation à M. Mohand Y, directeur de la réglementation et des libertés publiques à l'effet de « signer les décisions portant refus de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour ou retrait de récépissé de carte de séjour ou d'autorisation provisoire de séjour assorties de l'obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé » ; que M. Y était, dès lors, compétent pour signer l'acte attaqué ;
En ce qui concerne le moyen tiré du défaut de motivation :
Considérant que la décision susmentionnée comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'elle est ainsi régulièrement motivée ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 :
Considérant que les dispositions de l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000 ne s'appliquent pas dès lors que la décision attaquée a été prise sur demande de M. X ;
En ce qui concerne le moyen tiré d'une erreur de droit :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : « La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : (...) 2° A l'étranger qui vient exercer une profession commerciale, industrielle ou artisanale, à condition notamment qu'il justifie d'une activité économiquement viable et compatible avec la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques et qu'il respecte les obligations imposées aux nationaux pour l'exercice de la profession envisagée. Elle porte la mention de la profession que le titulaire entend exercer. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent. (...) » ;
Considérant que si, pour refuser de délivrer à M. X une carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle, le préfet a pris en considération l'avis réservé émis par la Chambre de commerce et d'industrie de Meurthe-et-Moselle, il s'est également fondé sur d'autres éléments tenant notamment au caractère incomplet des statuts, à leur absence d'enregistrement auprès du service des impôts et à l'imprécision des données financières et économiques ; qu'ainsi, le préfet ne s'est pas estimé lié par ledit avis ; qu'il n'a, dès lors, ni entaché sa décision d'erreur de droit, ni méconnu l'étendue de sa compétence ;
En ce qui concerne le moyen tiré de l'erreur d'appréciation :
Considérant que M. X a sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire en vue d'exercer les fonctions de co-gérant de la SARL VAVNO54, spécialisée dans l'achat et la revente de véhicules neufs et d'occasion ; qu'il ressort des pièces du dossier que le projet, présenté à l'appui de la demande, comportait diverses incohérences ou imprécisions s'agissant notamment des conditions de financement de l'activité ; qu'en refusant dans ces conditions la délivrance de ladite carte, le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation ;
En ce qui concerne le moyen tiré de l'exception d'illégalité :
Considérant que l'arrêté attaqué n'a pas été pris en application de la décision du même jour portant refus de carte d'identité de commerçant ; que l'exception d'illégalité soulevée à l'encontre de cette dernière ne peut, dès lors, qu'être écartée comme irrecevable ; que l'argumentation venant au soutien de l'exception d'illégalité est, par suite, inopérante ;
En ce qui concerne le moyen tiré du défaut de consultation de la commission du titre de séjour :
Considérant que M. X ne peut davantage soutenir que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé serait illégal faute d'avoir été précédé de la consultation, prévue par l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la commission du titre de séjour, que le préfet n'est tenu de saisir que lorsque les étrangers auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité remplissent effectivement les conditions énoncées à l'article
L. 313-10 et non du cas de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ;
En ce qui concerne le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation du préfet quant à sa situation personnelle :
Considérant que si M. X fait état, sans cependant l'établir, d'attaches familiales en France et soutient que son père, décédé, a combattu pour la France, ces circonstances ne sont pas de nature à établir que la décision susmentionnée serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne le moyen tiré de l'atteinte à la vie familiale :
Considérant que le moyen tiré de ce que la décision susmentionnée méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est inopérant pour contester le refus de délivrer une carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle qui résulte seulement d'une appréciation du caractère viable de l'activité et compatible avec la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques ainsi que du respect par le demandeur des obligations imposées aux nationaux pour l'exercice de la profession envisagée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 9 juillet 2007 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité de commerçant ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire et de la décision désignant le pays de renvoi :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction résultant de l'article 52 de la loi du 24 juillet 2006 relative à l'intégration et à l'immigration : I. - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir cette décision d 'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa (...) ; qu'aux termes des dispositions de l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979 : Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ;
Considérant que l'obligation de quitter le territoire français dont le préfet peut, en application de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assortir le refus ou le retrait d'un titre de séjour est une mesure de police qui doit, comme telle, être motivée en application des règles de forme édictées, pour l'ensemble des décisions administratives, par l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que si la motivation de cette mesure, se confondant avec celle du refus ou du retrait de titre de séjour dont elle découle nécessairement, n'appelle pas d'autre mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, c'est toutefois à la condition que le préfet ait rappelé dans sa décision l'article L. 511-1 du même code, qui l'habilite à assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire ;
Considérant que l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle, en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français, se borne à viser globalement le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans mentionner l'article L. 511-1 de ce dernier qui constitue pourtant le seul fondement législatif de sa décision ; que, par suite, il n'a pas satisfait à l'obligation de motivation prescrite par les dispositions de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ; que l'arrêté contesté doit être annulé, en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et, par voie de conséquence, en tant qu'il fixe le Maroc comme pays de renvoi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande en tant qu'elle était dirigée contre l'obligation de quitter le territoire et la décision fixant le pays de destination ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou qu'un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ;
Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation du refus de titre de séjour opposé à M. X, n'implique pas qu'il soit enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un certificat de résidence ; qu'il appartiendra seulement au préfet, en conséquence de l'annulation de la décision par laquelle il a fait obligation à M. X de quitter le territoire français et en application des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il ait à nouveau statué sur son droit au séjour ;
Sur l'appel incident du préfet de Meurthe-et-Moselle :
Considérant que si, saisi par M. X d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de Meurthe-et-Moselle a, alors qu'il n'y était pas tenu, examiné si l'intéressé pouvait prétendre à une autorisation sur le fondement d'une autre disposition de ce code, la décision de rejet qu'il a prise n'emporte que refus de faire droit à la demande dont il était saisi ; que, dès lors, les conclusions de M. X tendant à l'annulation d'une prétendue décision de refus de séjour, sur un fondement autre que celui invoqué dans sa demande étaient sans objet et, par suite, irrecevables ; qu'ainsi le préfet de Meurthe-et-Moselle est fondé à demander, par la voie de l'appel incident, l'annulation de l'article 1er du jugement attaqué annulant son arrêté du 9 juillet 2007 en tant qu'il a décidé de ne pas accorder à M. X un titre de séjour autre que la carte de séjour en qualité de commerçant ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : L'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Nancy en date du
13 novembre 2007 et l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 9 juillet 2007 en tant qu'il fait obligation à M. X de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixe le Maroc comme pays de renvoi, sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la demande de première instance et de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
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08NC00066