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11/06/2009 | FRANCE | N°08NC00599

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 11 juin 2009, 08NC00599


Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 25 avril 2008, complétée par mémoire enregistré le 26 septembre 2008, présentée par le PREFET DU DOUBS ;

Le PREFET demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 3 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 octobre 2007 du maire de la commune d'Audincourt interdisant les coupures d'eau, de gaz et d'électricité à l'encontre des familles en difficultés, sur le territoire communal ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir

, ledit arrêté ;

Il soutient que :

- c'est à tort que le Tribunal a jugé irrecevabl...

Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 25 avril 2008, complétée par mémoire enregistré le 26 septembre 2008, présentée par le PREFET DU DOUBS ;

Le PREFET demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 3 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 octobre 2007 du maire de la commune d'Audincourt interdisant les coupures d'eau, de gaz et d'électricité à l'encontre des familles en difficultés, sur le territoire communal ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté ;

Il soutient que :

- c'est à tort que le Tribunal a jugé irrecevable le déféré ; l'absence de signature sur la minute du recours gracieux ne saurait avoir pour effet de rendre incompétent le sous-préfet de Montbéliard, ni inexistant ledit acte ; la connaissance acquise du recours gracieux par la commune s'opposait à ce qu'elle invoque la tardiveté du déféré ;

- l'arrêté du maire est dépourvu de base légal ;

- il est entaché d'un vice de compétence, le maire étant intervenu dans un domaine où aucune disposition législative ou réglementaire ne l'y autorise ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2008, présenté pour la commune d'Audincourt, représentée par son maire en exercice par la SCP d'avocats Dufay Suissa Corneloup ; la commune conclut au rejet de la requête ;

Elle soutient que la lettre reçue par le maire le 15 novembre 2007 ne comporte pas de signature ; qu'elle n'a pu produire d'effet, ni a fortiori interrompre le délai de recours contentieux ; que la lettre du maire du 23 novembre 2007 est une décision confirmative de celle du 26 octobre 2007 ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'interdit au maire de prendre un arrêté de la nature de celui contesté par le préfet ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités locales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mai 2009 :

- le rapport de Mme Guichaoua, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur public,

- et les observations de Me Suissa, avocat de la commune d'Audincourt ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'il n'est pas contesté que lors de l'exercice du contrôle de légalité, le sous-préfet de Montbéliard a adressé au maire de la commune d'Audincourt une lettre datée du 15 novembre 2007 lui demandant de retirer l'arrêté du 26 octobre 2007, parvenu à la sous-préfecture le 30 octobre 2007, par lequel ont été interdites les coupures d'eau, de gaz et d'électricité à l'encontre des familles en difficultés, sur le territoire de la commune ; que le Tribunal a estimé que ce recours gracieux ne pouvait avoir conservé le délai du déféré préfectoral, au motif que la copie du recours, jointe au déféré, ne comportant pas de signature, l'acte n'avait pas été signé par une autorité compétente ; qu'en accueillant, par ce motif, la fin de non recevoir opposée par le commune, alors qu'il n'était en possession que du double du recours gracieux, non soumis à l'obligation de signature, et qu'il avait, au demeurant, la faculté de demander à la commune de produire l'original du document, le tribunal a méconnu l'office du juge et entaché, par suite, d'irrégularité son jugement ;

Considérant qu'il y a lieu, en conséquence, d'annuler ledit jugement et, par la voie de l'évocation, de statuer immédiatement sur le déféré présenté par le PREFET DU DOUBS devant le Tribunal administratif de Besançon ;

Sur la recevabilité du déféré :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales : Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires dans les deux mois suivant leur transmission. ;

Considérant qu'il est constant que l'acte litigieux a été soumis au contrôle de légalité le 30 octobre 2007 ; que la lettre du 15 novembre 2007 du sous-préfet de Montbéliard, dont la commune d'Audincourt n'établit pas qu'elle n'aurait pas été signée, doit être regardée comme étant parvenue au maire au plus tard le 23 novembre 2007, date de la réponse adressée au sous-préfet ; qu'ainsi le recours gracieux a été formé dans le délai du recours contentieux et l'a interrompu ; que, par suite, le PREFET DU DOUBS disposait d'un nouveau délai de deux mois à compter du 3 décembre 2007, date de la réception en sous-préfecture du refus du maire d'Audincourt de retirer son arrêté, pour saisir le Tribunal administratif ; que le déféré enregistré le 15 janvier 2008 au greffe du Tribunal était, dès lors, recevable ;

Au fond :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : Le maire est chargé ( ... ) de la police municipale ( ... ) et qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du même code : La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique. Elle comprend notamment (...) 5° le soin de prévenir, par des précautions convenables (...) les accidents et fléaux calamiteux (...) tels que les incendies ;

Considérant, en premier lieu, que le risque pour la sécurité des biens et des personnes que constituerait, selon la commune d'Audincourt, l'usage de moyens alternatifs de chauffage et d'éclairage n'est pas de nature, en raison de son caractère éventuel et très imprécis, à justifier que le maire fasse usage des pouvoirs qu'il tient des dispositions précitées pour interdire les coupures de chauffage, d'eau et d'électricité, sur le territoire de la commune ; que, par suite, et alors même qu'aucune disposition n'interdit expressément au maire d'intervenir dans cette matière et que la mesure d'interdiction n'aurait qu'un caractère subsidiaire par rapport à l'application des mesures législatives et réglementaires destinées à permettre la fourniture d'électricité et de gaz aux personnes en difficulté, lesdites dispositions ne pouvaient servir de fondement légal à l'arrêté litigieux ;

Considérant, en deuxième lieu, que ni les dispositions des articles L. 115-2 et L. 115-3 du code de l'action sociale et des familles, consacrant la lutte contre les exclusions comme un impératif national et donnant mission aux collectivités territoriales de poursuivre une politique destinée à prévenir et à supprimer toutes les situations d'exclusions, ni celles des articles L. 1311-1 et L. 311-2 du code de la santé publique prévoyant notamment l'édiction de décrets fixant les règles générales d'hygiène et toutes autres mesures propres à préserver la santé de l'homme, n'ont pour objet, ou pour effet, de permettre aux collectivités territoriales d'interdire sur leur territoire les coupures d'eau, de gaz et d'électricité ;

Considérant, en troisième lieu, que si la commune soutient qu'il appartient au maire de veiller au strict respect des droits fondamentaux que constitue l'accès au logement, elle ne fait état d'aucune disposition législative ou réglementaire autorisant l'exécutif local, qui ne peut utilement invoquer la Déclaration universelle des droits de l'homme, à prendre une mesure prohibant les coupures d'eau, de gaz et d'électricité en faveur des familles en difficultés ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU DOUBS est fondé à demander l'annulation de l'arrêté susvisé du 26 octobre 2007 du maire de la commune d'Audincourt ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 3 avril 2008 et l'arrêté du maire de la commune d'Audincourt en date du 26 octobre 2007 sont annulés.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DU DOUBS et à la commune d'Audincourt.

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08NC00599


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08NC00599
Date de la décision : 11/06/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: Mme Marie GUICHAOUA
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : SCP DUFAY SUISSA CORNELOUP

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2009-06-11;08nc00599 ?
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