Vu la requête, enregistrée le 19 mars 2008, complétée par mémoire enregistré le 17 novembre 2008, présentée pour la SCI SAINT AMAND LE CHENE dont le siège est BP 27 à Saint Dizier (52101), par Me Brancaleoni ; La SCI SAINT AMAND LE CHENE demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 0500975 du 24 janvier 2008 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ne lui a accordé qu'une restitution partielle des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a acquittés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2002 ;
2°) de prononcer la restitution à hauteur de 62 373 euros de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le cout d'acquisition de la parcelle cadastrée DO 113 acquise le 19 décembre 1997 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- l'administration n'était pas en droit de substituer au fondement légal initialement retenu celui tenant au défaut de déclaration de la livraison à soi-même sans lui avoir adressé une nouvelle notification de redressement ;
- en admettant en déduction la taxe ayant grevé le coût des travaux de construction, l'administration a formellement pris position sur une situation de fait au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
- le principe de confiance légitime s'oppose à ce que l'administration justifie un redressement par un autre fondement légal sans mettre le contribuable en mesure de régulariser sa situation ;
- le droit à déduction se rapportant à la fraction du terrain à bâtir correspondant à la parcelle cadastrée DO 113 ne peut être limité en raison d'une utilisation antérieure pour des besoins privés ou dans le cadre d'activités placées hors du champ de la taxe sur la valeur ajoutée ;
- elle n'a jamais exercé d'activité autre que celle prévue par ses statuts et a acquis la qualité de nouveau redevable en conséquence de l'option exercée le 1er mars 2002 à la date d'achèvement de l'immeuble ;
- l'omission de déclarer la livraison à soi-même ainsi que le prévoit l'article 257-7 du code général des impôts, seulement passible de la pénalité de 5 % prévue à l'article 1 788 A- 4° du même code, ne saurait avoir d'influence sur le droit même de déduire la taxe ayant grevé le coût du terrain d'assiette des constructions qui n'étaient pas en cours d'utilisation au sens du 3° de l'article 226 de l'annexe II au code général des impôts à la date à laquelle, ayant exercé l'option, elle est devenue redevable de la taxe ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les mémoires en défense, enregistrés les 2 octobre 2008 et 19 juin 2009 , présentés par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ; le ministre conclut au rejet de la requête ;
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est de nature à entraîner la décharge des impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré présentée le 23 avril 2009 pour la SCI SAINT AMAND LE CHENE ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 juin 2009 :
- le rapport de Mme Le Montagner, président,
- les conclusions de Mme Rousselle, rapporteur public ;
- et les observations de Me Brancaleoni, avocat de la SCI SAINT AMAND LE CHENE,
Sur la substitution de base légale demandée par l'administration :
Considérant que l'administration a entendu, au stade de sa réponse à la réclamation préalable introduite par la SCI SAINT AMAND LE CHENE, justifier son refus de restituer la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'achat de la parcelle de terrain à bâtir cadastrée DO 113 en soutenant que la taxe litigieuse ne pouvait, en application des dispositions de l'article 223 de l'annexe II au code général des impôts, être déduite au titre d'une opération qui n'avait pas donné lieu à une livraison à soi-même ; que ce nouveau fondement ne soulève aucune question susceptible de relever de la compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; qu'ainsi, l'administration, qui a suivi en l'espèce la procédure contradictoire, et n'était pas tenue d'adresser à la société une nouvelle notification de redressement, n'a privé la société requérante d'aucune des garanties attachées au nouveau fondement légal dont elle entend se prévaloir ; que la circonstance que l'administration avait antérieurement fait droit à la demande de la société tendant au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les constructions édifiées sur ladite parcelle et dont le coût avait également vocation à être inclus dans la livraison à soi-même, ne peut à elle seule être regardée comme ayant légitimement convaincu la société requérante de s'abstenir de procéder, dans les délais utiles, aux régularisations auxquelles elle était tenue en vertu de la loi afin d'être ensuite en mesure d'opérer la déduction de la taxe ayant grevé la parcelle en cause à laquelle elle était en droit de prétendre ; que, par suite, la SCI SAINT AMAND LE CHENE n'est pas fondée à soutenir que la substitution de base légale à laquelle a procédé l'administration a méconnu en l'espèce le principe de confiance légitime ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
- Pour ce qui est de la loi fiscale :
Considérant d'une part, qu'aux termes de l'article 257 du code général des impôts : Sont (...) soumis à la TVA : (...) 7° les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles. Sont notamment visés : (...) les livraisons à soi-même d'immeubles (...) , pour lesquelles l'article 266-2-a) du même code prévoit que la taxe est assise sur le prix de revient total des immeubles y compris le coût des terrains ou leur valeur d'apport ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : 1. La TVA qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la TVA applicable à cette opération (...) ; que le 1. de l'article 223 de l'annexe II au même code précise que la taxe dont les entreprises peuvent opérer la déduction est, selon le cas : celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs fournisseurs (...) ; celle qui est acquittée par les entreprises elles-mêmes lors de l'acquisition ou de la livraison à soi-même, des biens ou des services ; qu'ainsi, dans le cas où l'immeuble qu'il a acquis a fait l'objet, avant d'être utilisé pour la réalisation d'opérations soumises à la TVA, d'une livraison à soi-même visée par l'article 257-7° du code, le propriétaire ne peut déduire de la taxe due sur les loyers perçus celle qui lui a été facturée par le vendeur du terrain ou par les entrepreneurs et prestataires de services ayant participé à la construction et à l'aménagement de cet immeuble que par imputation de cette dernière sur la taxe acquittée lors de la livraison à soi-même ; que, dès lors, un contribuable qui n'a pas effectivement déclaré la taxe due sur la livraison qu'il s'est faite à lui-même ne peut se prévaloir du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les éléments du prix de revient de l'immeuble ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SCI SAINT AMAND LE CHENE, dont l'objet consiste en la propriété, la construction, la gestion, l'entretien et la mise en valeur de tout immeuble et droit immobilier a réalisé sur la parcelle de terrain à bâtir cadastrée DO 113 qu'elle avait acquise le 19 décembre 1997 des travaux de construction consistant en la pose d'un enrobé, de luminaires et d'une clôture et qu'elle y a fait implanter un bungalow préfabriqué permettant à son locataire d'y exercer une activité de vente de véhicules d'occasion ; que la société, qui avait sur le fondement des dispositions du 2° de l'article 260 du code général des impôts, expressément exercé le 2 avril 2002 l'option pour l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée de l'opération de location du bien en cause pris à bail avec effet au 1er mars 2002, a porté en déduction de la taxe due au titre du premier trimestre de l'année 2000 la taxe ayant grevé le coût d'acquisition de la parcelle servant d'assiette à la construction ;
Considérant que les constructions ainsi réalisées par la société requérante en vue de les affecter à des opérations de location soumises à la taxe sur la valeur ajoutée en conséquence de l'option exercée sont constitutives d'une livraison à soi-même imposable en application de l'article 257-7 du code général des impôts ; qu'il est constant que la société s'est abstenue de soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée ladite livraison dont la base d'imposition devait inclure le prix du terrain ; que , par suite, c'est à bon droit, et sans que la société puisse utilement faire valoir que le défaut de déclaration d'une livraison à soi-même n'est désormais plus susceptible de donner lieu qu'à l'application de la majoration de 5 % prévue par le 4° de l'article 1 788 A du code général des impôts, dont les dispositions ne sont pas applicables aux faits en litige, que l'administration a refusé, par ce seul motif, la déduction de la taxe ayant grevé le coût du terrain ;
Pour ce qui est de l'interprétation de la loi fiscale :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales : La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable lorsque l'administration : (...) a pris formellement position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ; que le premier alinéa de l'article L. 80 A dispose que : Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration ;
Considérant que l'acceptation par l'administration de la demande présentée par la SCI SAINT AMAND LE CHENE tendant au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le coût des constructions édifiées sur la parcelle DO 113 ne saurait, en tout état de cause, être regardée comme une prise de position formelle sur l'appréciation d'une situation de fait au regard du texte fiscal au sens de l'article L. 8O B du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SCI SAINT AMAND LE CHENE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ne lui a accordé qu'une restitution partielle de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a acquittée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2002 ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat la somme que La SCI SAINT AMAND LE CHENE réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SCI SAINT AMAND LE CHENE est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI SAINT AMAND LE CHENE et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
''
''
''
''
2
08NC00423