Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 3 juillet 2009, présentée pour Mme Isabelle A, demeurant ... par la SCP Schaf- Codognet Verra ;
Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0606402 en date du 1er avril 2009 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du
29 novembre 2002 par laquelle le directeur de la chambre de commerce et d'industrie de la Moselle a prononcé son licenciement et à la condamnation de la chambre de commerce et d'industrie de la Moselle à lui verser une indemnité de 320.000 euros au titre des salaires impayés et du préjudice subi du fait de la perte de son emploi ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) de condamner la chambre de commerce et d'industrie de la Moselle à lui verser une somme de 300.000 euros au titre des salaires et diverses primes non payés, 20.000 euros au titre du préjudice subi du fait de la perte de son emploi et, subsidiairement, si sa réintégration n'était pas possible, une indemnité de 400.000 euros ;
4°) d'enjoindre le directeur de la chambre de commerce et d'industrie de la Moselle de la réintégrer ;
5°) de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de la Moselle en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Mlle A soutient que :
- la chambre de commerce et d'industrie s'était engagée à maintenir son emploi jusqu'au 31 août 2005 en lui accordant, par décision du 11 juillet 2002, le renouvellement de son temps partiel jusqu'à cette date ;
- la rupture du contrat de travail ne pouvait intervenir qu'en cas de non-renouvellement de la convention de cours, conformément à l'article 7 du règlement des conditions de travail et de formation du personnel enseignant permanent du centre de formation des apprentis ;
- la procédure de licenciement a été irrégulièrement conduite, le président de la chambre n'ayant pas communiqué les pièces requises aux membres de la commission paritaire locale au plus tard 15 jours avant la séance, en violation des dispositions de l'article 35-1 du statut du personnel administratif des chambres de commerce ;
- son licenciement n'est pas justifié dans la mesure où son poste de travail n'a pas été supprimé ;
- les raisons économiques, financières et techniques avancées par la chambre du commerce et de l'industrie sont inexactes ; le secteur dans lequel elle exerçait ses fonctions de formateur polyvalent se développait ; la baisse des ressources financières de la chambre du commerce et de l'industrie n'est pas établie ;
- les motifs présentés devant la commission paritaire ne sont pas ceux indiqués dans la lettre de licenciement ;
- le motif réel de son licenciement est le choix de recourir désormais à des vacataires alors que le recours à des contrats à durée déterminée est encadré par l'article 49-1 du statut des chambres de commerce ;
- la chambre du commerce et de l'industrie a manqué à son obligation de rechercher à la reclasser, comme l'article 35-1 du statut du personnel administratif des chambres de commerce l'exigeait ; aucune proposition de reclassement ne lui a été présentée alors qu'il a été procédé à un recrutement sur un poste d'assistante service ressources humaines/affaires juridiques ;
- l'information qui lui a été donnée sur les offres d'emploi de différentes chambre du commerce et de l'industrie ne saurait constituer des offres sérieuses de reclassement ;
- la chambre du commerce et de l'industrie a estimé que le nombre d'heures d'enseignement ne justifiait plus des postes à plein temps alors qu'elle occupait un emploi à temps partiel ;
- les critères qui ont procédé à la suppression de son poste, plutôt que celui de l'autre formateur en droit, n'ont pas été formulés ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2009, présenté pour la chambre de commerce et d'industrie de la Moselle par Me Dechristé ; elle conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de Mme A en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que :
- la lettre du 11 juillet 2002 ne saurait s'analyser comme un engagement de sa part à poursuivre l'exécution du contrat de Mme A jusqu'au 31 août 2005 ;
- la requérante ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article 7 du règlement des conditions de travail du personnel enseignant permanent du centre de formation des apprentis qui ont été remplacées par les dispositions du règlement du personnel de la chambre de commerce et d'industrie de la Moselle ;
- le délai prévu par l'article 35-1 du statut du personnel administratif des chambres de commerce a été respecté et les pièces ont été remises aux membres de la commission paritaire locale par voie de distribution interne ;
- le nombre d'apprentis n'a cessé de diminuer depuis 1999, passant de 524 à 338 en 2002, ce qui a entraîné la réduction des ressources et justifie la suppression de postes ;
- le volume des heures d'enseignement dispensé en matière juridique est passé de 734 heures en 2001 à 557 en 2002, soit une baisse de 30 % ;
- les nouvelles sessions de formation n'ont engendré aucun besoin supplémentaire en matière d'enseignement du droit ;
- les financements publics ont été en baisse constante ;
- la requérante n'a pas été remplacée par un vacataire ;
- l'obligation de reclassement a été respectée ; plus de 20 lettres accompagnant des propositions lui ont été adressées entre 2003 et 2006 et auxquelles Mme A n'a pas donné suite ;
- le recours à des vacataires est légal et prévu par l'article 49-5 du statut ;
- le poste d'assistante service ressources humaines/affaires juridiques a été pourvu avant son licenciement ;
- le second poste de formateur en droit a été pourvu par voie de contrat à durée déterminée ; ce critère a été énoncé dans le dossier remis à la commission paritaire ;
- Mme A n'établit pas la réalité du préjudice financier invoqué et ne justifie pas son chiffrage ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 19 mars 2010, présenté pour Mme A, qui maintient l'ensemble de ses conclusions et fait en outre valoir que la décision porte atteinte au principe de sécurité juridique ; sa situation a été remise en cause alors que la chambre de commerce et d'industrie de la Moselle s'était engagée à la maintenir dans ses fonctions jusqu'au 31 août 2005 par l'autorisation à temps partiel qui lui a été accordée le 11 juillet 2002 ;
Vu le mémoire complémentaire en défense, enregistré le 1er avril 2010, présenté pour la chambre de commerce et d'industrie de la Moselle, qui fait valoir que la notion de sécurité juridique invoquée par la requérante trouve à s'appliquer dans des situations sans rapport avec celle de l'intéressée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers ;
Vu le statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie établi par les commissions paritaires en vertu de la loi du 10 décembre 1952 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 avril 2010 :
- le rapport de M. Brumeaux, président,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de Me Couronne, pour la SCP Schaf-Codognet Verra, avocat de Mme A ;
Considérant que Mme A a été recrutée par la chambre de commerce et d'industrie de la Moselle en qualité de formateur polyvalent au centre de formation des apprentis par contrat à durée déterminée à compter du 27 août 1990, puis a été titularisée, avec un contrat à durée indéterminée, le 1er septembre 1991 ; que, par la décision attaquée du 29 novembre 2002, le président de la chambre de commerce et d'industrie de la Moselle a procédé à son licenciement pour suppression d'emploi sur le fondement des articles 33 et 35-1 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie après avoir recueilli l'avis favorable de la commission paritaire locale au cours de sa séance du 15 octobre 2002 ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Considérant qu'aux termes de l'article 33 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie : La cessation des fonctions de l'agent titulaire ne peut intervenir que dans les conditions suivantes : (...) 5° par suppression d'emploi, après avis de la commission paritaire compétente ; qu'aux termes de l'article 35-1 dudit statut : Lorsqu'une compagnie consulaire décide de prendre des mesures pouvant entraîner un ou plusieurs licenciements par suppression d'emploi, le président, au vu de la délibération prise en assemblée générale, convoque la commission paritaire locale aux fins de l'informer. Un dossier est communiqué, au plus tard quinze jours avant la date de réunion, aux membres de la commission paritaire locale et aux délégués syndicaux. Ce dossier comprend : une information sur les raisons économiques financières et techniques qui sont à l'origine de la suppression d'un ou plusieurs postes de travail ; une information sur les moyens examinés par la compagnie consulaire pour éviter les suppressions d'emplois tels que notamment : les possibilités de création d'activités nouvelles, d'augmentation des ressources ou de diminution des charges, d'aménagement du temps de travail, et/ou de réduction du temps de travail, de reclassement des agents dont l'emploi pourrait être supprimé dans d'autres services de la compagnie consulaire, d'autres compagnies consulaires ou à l'extérieur de l'institution consulaire ainsi que toutes autres mesures alternatives au licenciement ; la liste des emplois susceptibles d'être supprimés et les critères retenus ; le coût et les modalités de mise en oeuvre des mesures annoncées ; les aides et les modalités d'accompagnement apportées aux agents licenciés pour faciliter leur réemploi telles que bilan de compétences ou financement de formations. Au plus tard dans le mois qui suit la réunion de cette commission et au plus tôt après huit jours francs, les agents dont l'emploi est menacé sont convoqués à un entretien individuel avec le président ou son délégataire. Dans le délai d'un mois et au plus tôt dans le délai de huit jours francs qui suit le ou les entretiens individuels, la commission paritaire locale est convoquée de nouveau pour émettre un avis d'une part, sur les démarches, propositions et actions entreprises pour éviter les licenciements et d'autre part, sur les mesures individuelles de licenciement envisagées. Les licenciements sont notifiés aux agents intéressés au plus tôt cinq jours francs après l'avis de la commission paritaire locale (...) ;
Considérant, en premier lieu, que si Mme A réitère ses moyens de première instance tirés de ce que la chambre de commerce et d'industrie de la Moselle se serait engagée à maintenir son poste de travail jusqu'au 31 août 2005 lors du renouvellement de son temps partiel le 11 juillet 2002 et aurait méconnu l'article 35-1 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie en ne respectant pas le délai de 15 jours prévu pour la transmission des pièces avant la séance de la commission locale paritaire, elle n'apporte cependant aucun élément nouveau à son argumentation ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs des premiers juges ; que si l'intéressée fait valoir en appel que la décision attaquée porterait atteinte au principe de sécurité juridique, ce moyen doit en tout état de cause être écarté, dès lors que le renouvellement de l'autorisation de travail à temps partiel qui lui avait été accordée ne saurait être regardé comme impliquant son maintien dans les effectifs de la chambre de commerce et d'industrie de Moselle jusqu'au 31 août 2005;
Considérant, en deuxième lieu, que si Mme A fait valoir les dispositions de l'article 7 du règlement des conditions de travail du personnel enseignant permanent du centre de formation d'apprentis en vigueur lors de son recrutement, en vertu duquel le contrat prendra fin de plein droit en cas de non renouvellement de la convention de fonctionnement des cours , de telles dispositions ne sauraient en tout état de cause être regardées comme excluant tout autre motif de fin de contrat, et notamment le licenciement pour suppression d'emploi, conformément à l'article 33 précité du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie qui lui est applicable ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que les dispositions précitées dudit règlement feraient obstacle à son licenciement pour suppression d'emploi doit être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le centre de formation des apprentis de la chambre de commerce, dans lequel Mme A enseignait le droit en sa qualité de formateur polyvalent, a fait l'objet de restructurations, notamment par la fermeture de plusieurs filières de formation, en raison de la baisse tendancielle du nombre des apprentis, qui est passé de 524 en 1999 à 338 en 2002, et, par voie de conséquence, de la réduction des subventions de fonctionnement du centre de formation des apprentis par la région Lorraine, qui se sont élevées à 307.780 euros en 2000, à 303.720 euros en 2001 puis à 239.345 euros en 2002 ; que si Mme A, qui ne présente aucun élément probant de nature à remettre en cause la réalité de la baisse de près de 30% des heures d'enseignement en droit entre 2001 et 2002 avancée par la chambre de commerce, soutient que les nouvelles filières ouvertes depuis son départ nécessitaient un enseignement en droit, il n'est pas toutefois pas contesté qu'elles n'ont pas été prises en charge par le centre de formation des apprentis ; que la circonstance que les enseignements alors dispensés ont été assurés par des vacataires ne suffit pas à elle seule à établir que l'emploi de Mme A n'aurait pas été supprimé, contrairement à ce qu'elle soutient, compte tenu du caractère aléatoire et variable des besoins en matière de formation professionnelle assurée par la chambre de commerce et d'industrie ; que par suite, même si un emploi du temps lui avait été remis pour l'année 2002-2003 pour son activité d'enseignante, la décision de licenciement qui la concerne, dont les motifs ne diffèrent pas de ceux présentés devant la commission locale paritaire, ne repose pas sur des faits matériellement inexacts et dont il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier l'opportunité, notamment à propos du choix opéré par la chambre de commerce entre les deux formateurs en droit ;
Considérant, en quatrième lieu, que s'il ressort des dispositions précitées de l'article 35-1 du statut du personnel des chambres de commerce et d'industrie que le licenciement pour suppression d'emploi d'un agent soumis à ce statut ne peut légalement être prononcé qu'après examen des possibilités de reclassement de cet agent, il ressort des pièces du dossier que la chambre de commerce et d'industrie de la Moselle n'était pas en mesure de proposer un autre poste à Mme A, en l'état des postes disponibles compte tenu de la réorganisation du centre de formation des apprentis, le procès-verbal de la commission paritaire locale précisant qu'en ce qui concerne les deux formateurs il n'y pas de postes budgétaires vacants au sein de la CCI Formation ; qu'il en est de même, eu égard à sa qualification juridique, pour un emploi de reclassement dans les autres services, le poste d'assistante service ressources humaines/affaires juridiques dont elle fait état ayant été pourvu avant son licenciement ; que, dès lors, le licenciement de la requérante a pu légalement être décidé à la date du 29 novembre 2002 sans qu'un poste de reclassement lui ait été proposé au sein de la chambre de commerce et d'industrie de la Moselle ; qu'ainsi, la décision en litige n'a pas méconnu les dispositions de l'article 35-1 du statut du personnel des chambres de commerce et d'industrie ;
Sur les conclusions indemnitaires :
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que Mme A n'est fondée à se prévaloir d'aucune illégalité fautive entachant la décision en litige pour demander la condamnation de la chambre de commerce et d'industrie de la Moselle à l'indemniser des préjudices qu'elle soutient avoir subis en conséquence de l'illégalité de cette décision ; que, par suite, ses conclusions indemnitaires doivent être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le directeur de la chambre de commerce et d'industrie de la Moselle a prononcé son licenciement et à la condamnation de la chambre de commerce et d'industrie à lui verser une indemnité de 320.000 euros au titre des salaires impayés et du préjudice subi du fait de la perte de son emploi ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que par suite les conclusions de Mme A tendant à ce qu'il soit enjoint au directeur de la chambre de commerce et d'industrie de la Moselle de la réintégrer ne peuvent être que rejetées ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la chambre de commerce et d'industrie de la Moselle qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à Mme A la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par cette dernière et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande présentée sur le fondement des mêmes dispositions par la chambre de commerce et d'industrie de la Moselle ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la chambre de commerce et d'industrie de la Moselle en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Isabelle A et à la chambre de commerce et d'industrie de la Moselle.
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N°09NC00991