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10/06/2010 | FRANCE | N°09NC00424

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 10 juin 2010, 09NC00424


Vu la décision n° 307764 en date du 6 mars 2009 par laquelle le Conseil d'Etat a annulé partiellement l'arrêt n° 05NC01280 rendu le 24 mai 2006 par la Cour administrative d'appel de céans et a renvoyé l'affaire devant cette Cour pour qu'il soit statué sur les conclusions de la requête de Mlle Myriam A tendant à l'annulation du jugement n° 0404116-0500405 rendu le 25 juillet 2005 par le Tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il n'a annulé que partiellement le règlement intérieur du lycée René Cassin de Strasbourg ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 mai 2009, pré

senté pour Melle A par Me Boukara ; Mlle A persiste dans ses conclusions...

Vu la décision n° 307764 en date du 6 mars 2009 par laquelle le Conseil d'Etat a annulé partiellement l'arrêt n° 05NC01280 rendu le 24 mai 2006 par la Cour administrative d'appel de céans et a renvoyé l'affaire devant cette Cour pour qu'il soit statué sur les conclusions de la requête de Mlle Myriam A tendant à l'annulation du jugement n° 0404116-0500405 rendu le 25 juillet 2005 par le Tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il n'a annulé que partiellement le règlement intérieur du lycée René Cassin de Strasbourg ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 mai 2009, présenté pour Melle A par Me Boukara ; Mlle A persiste dans ses conclusions tendant, d'une part, à l'annulation du jugement attaqué, dans la limite indiquée par la décision de renvoi susvisée et, d'autre part, à l'annulation totale du règlement intérieur du lycée René Cassin ou, subsidiairement, à l'annulation partielle de ce règlement en tant qu'il dispose que Le port de tout couvre-chef est interdit ; la requérante porte par ailleurs à 2 000 euros la somme qu'elle demande à la Cour de mettre à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la délibération du conseil d'administration du lycée René Cassin adoptant le nouveau règlement intérieur n'a pas été adoptée dans le respect de la procédure prévue par l'article 17 du décret n° 85-924 du 30 août 1985 dès lors, d'une part, qu'il n'est pas établi que les membres de ce conseil ont été régulièrement convoqués et, d'autre part, que le nom et le nombre des membres du conseil d'administration ayant pris part à la réunion n'a pas été précisé par l'administration, de sorte qu'il n'est en particulier pas possible de vérifier si la règle de quorum fixée par cette disposition était satisfaite ;

- la délibération attaquée n'a pas été transmise après son adoption à l'autorité compétente dans les conditions fixées par l'article L. 421-14 du code de l'éducation ;

- la délibération attaquée, qui comporte une disposition selon laquelle : Le port de tout couvre-chef est interdit , institue une interdiction générale et permanente qui porte une atteinte injustifiée à la liberté d'expression des élèves ainsi qu'à leur droit au respect de leur vie privée, garantis par de nombreux textes nationaux et internationaux ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 août 2009, présenté par le ministre de l'éducation nationale, qui persiste dans ses conclusions précédentes tendant au rejet de la requête, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'éducation ;

Vu le décret n° 85-924 du 30 août 1985 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mai 2010 :

- le rapport de M. Couvert-Castéra, président,

- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur public ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant que devant le Tribunal administratif de Strasbourg Mlle A a demandé, à titre principal, l'annulation totale du règlement intérieur du lycée René Cassin de Strasbourg approuvé le 27 mai 2004 par le conseil d'administration de cet établissement et, à titre subsidiaire, l'annulation de la seule disposition de ce règlement qui prévoit l'interdiction du port de tout couvre-chef ; que, par le jugement attaqué du 25 juillet 2005, le Tribunal administratif n'a fait que partiellement droit à ces conclusions, en annulant cette disposition du règlement intérieur uniquement en tant qu'elle s'applique dans tout l'établissement et non seulement à l'intérieur des bâtiments scolaires ; qu'il appartient à la Cour, dans le cadre du renvoi de l'affaire prononcé par la décision susvisée rendue le 6 mars 2009 par le Conseil d'Etat, de statuer sur les conclusions de Mlle A tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à ses conclusions principales ou subsidiaires dirigées contre ce règlement intérieur ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 16 du décret susvisé du 30 août 1985, alors en vigueur : En qualité d'organe délibératif de l'établissement, le conseil d'administration, sur le rapport du chef d'établissement, exerce notamment les attributions suivantes : ... 5° Il adopte le règlement intérieur de l'établissement (...) et qu'aux termes de l'article 17 dudit décret : Le conseil d'administration se réunit en séance ordinaire à l'initiative du chef d'établissement au moins trois fois par an. (...) / Le chef d'établissement fixe les dates et heures des séances, il envoie les convocations, accompagnées du projet d'ordre du jour et des documents préparatoires, au moins dix jours à l'avance, ce délai pouvant être réduit à un jour en cas d'urgence. /Le conseil d'administration ne peut siéger valablement que si le nombre des membres présents en début de séance est égal à la majorité des membres composant le conseil. Si ce quorum n'est pas atteint, le conseil d'administration est convoqué en vue d'une nouvelle réunion, qui doit se tenir dans un délai minimum de huit jours et maximum de quinze jours ; il délibère alors valablement, quel que soit le nombre des membres présents. En cas d'urgence, ce délai peut être réduit à trois jours. (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que les membres du conseil d'administration du lycée René Cassin ont été avisés de la réunion de ce conseil prévue le 25 mai 2004 par une convocation en date du 14 mai qui mentionnait la modification du règlement intérieur de l'établissement parmi les points inscrits à l'ordre du jour de cette réunion ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, l'administration établit, en produisant la liste d'émargement, le nom et le nombre des membres du conseil d'administration qui ont pris part à ladite réunion ; que ce document fait apparaître que 20 membres du conseil d'administration sur 28 étaient présents lors de la réunion du 25 mai 2004 ; qu'il s'ensuit que les moyens tirés par Mlle A de la méconnaissance des dispositions précités doivent être écartés ;

Considérant, en deuxième lieu, que si la requérante allègue que la délibération du 27 mai 2004 modifiant le règlement intérieur n'a pas été transmise après son adoption à l'autorité compétente dans les conditions fixées par l'article L. 421-14 du code de l'éducation, un tel moyen doit en tout état de cause être écarté comme inopérant ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3 du décret susvisé du 30 août 1985 : Le règlement intérieur adopté par le conseil d'administration définit les droits et les devoirs de chacun des membres de la communauté scolaire. Il détermine notamment les modalités selon lesquelles sont mis en application : 1° La liberté d'information et la liberté d'expression dont disposent les élèves, dans le respect du pluralisme et du principe de neutralité ; 2° Le respect des principes de laïcité et de pluralisme ; 3° Le devoir de tolérance et de respect d'autrui dans sa personnalité et dans ses convictions ; 4° Les garanties de protection contre toute agression physique ou morale et le devoir qui en découle pour chacun de n'user d'aucune violence ; 5° La prise en charge progressive par les élèves eux-mêmes de la responsabilité de certaines de leurs activités. (...) Le règlement intérieur est porté à la connaissance des membres de la communauté scolaire. Tout manquement au règlement intérieur justifie la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire ou de poursuites appropriées. ; que le règlement intérieur du lycée René Cassin approuvé le 27 mai 2004 dispose, dans son chapitre III, intitulé Organisation de la vie des élèves , sous la rubrique Tenue des élèves : (...) Le port de tout couvre-chef est interdit ; que cette disposition institue une interdiction permanente, qui prohibe le port de tout couvre-chef, indépendamment du fait qu'il est susceptible de manifester ostensiblement une appartenance religieuse, en tout lieu de l'établissement, y compris à l'extérieur des bâtiments ; que l'institution d'une telle interdiction par le règlement intérieur de l'établissement, sous peine de sanctions disciplinaires ou de poursuites appropriées, excède, alors qu'il n'est pas établi que des circonstances particulières justifiaient une telle mesure, ce qui est nécessaire au maintien du bon ordre au sein de l'établissement et porte ainsi une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression reconnue aux élèves ainsi qu'à leur droit au respect de leur vie privée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'est entachée d'illégalité la seule disposition du règlement intérieur selon laquelle (...) Le port de tout couvre-chef est interdit ; que, cette disposition étant divisible des autres dispositions du règlement intérieur, celui-ci doit être annulé en tant seulement qu'il comporte cette disposition ; qu'il s'ensuit que Melle A est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg n'a pas annulé totalement ladite disposition ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mlle A et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 0404116-0500405 rendu le 25 juillet 2005 par le Tribunal administratif de Strasbourg et la disposition du règlement intérieur du Lycée René Cassin approuvé le 27 mai 2004 prévoyant que Le port de tout couvre-chef est interdit sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à Melle A une somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Myriam A et au ministre de l'éducation nationale.

Copie en sera adressée pour information au proviseur du lycée René Cassin.

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N° 09NC00424


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09NC00424
Date de la décision : 10/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: M. Olivier COUVERT-CASTERA
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : BOUKARA ; BOUKARA ; BOUKARA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-06-10;09nc00424 ?
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