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17/06/2010 | FRANCE | N°09NC00844

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 17 juin 2010, 09NC00844


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 5 juin 2009, présentée pour l' ASSOCIATION D'AIDE AUX PERSONNES AGEES ET AUX PERSONNES HANDICAPEES DES VOSGES (ADAPAH), dont le siège social est 20 rue des Etats-Unis à Epinal (88026), par Me Bentz ;

L'ADAPAH demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701812 du 31 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 6 septembre 2007 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé de l'autoriser à licencier Mme A ;

2°) d'annuler lad

ite décision ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros en...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 5 juin 2009, présentée pour l' ASSOCIATION D'AIDE AUX PERSONNES AGEES ET AUX PERSONNES HANDICAPEES DES VOSGES (ADAPAH), dont le siège social est 20 rue des Etats-Unis à Epinal (88026), par Me Bentz ;

L'ADAPAH demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701812 du 31 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 6 septembre 2007 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé de l'autoriser à licencier Mme A ;

2°) d'annuler ladite décision ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

L'ADAPAH soutient que :

- elle n'est pas libre de ses choix de gestion et de création de postes ; elle a recours à des contrats de travail aidés parce qu'ils entament peu le budget autorisé par l'autorité de tutelle et qu'ils peuvent être conclus à durée déterminée, sans l'autorisation du conseil général des Vosges ;

- elle a précisé à Mme A, dès le début de sa formation qualifiante, qu'un poste ne pourrait lui être proposé que si elle répond au niveau de qualification requis pour un poste d'assistant technique ;

- le poste d'assistant technique comptabilité, disponible en juin 2007, requérait soit un niveau II ou III type BTS, soit un niveau IV ou V type BEP en cas d'expérience confirmée dans les techniques de secrétariat ;

- les autres postes administratifs sont occupés par des salariés ayant au minimum un niveau Bac ou Bac + 2 ;

- le bilan de formation de Mme A montre des insuffisances manifestes pour occuper un poste d'assistante technique ou même un emploi administratif ;

- le poste occupé par Mme A dans le cadre de son contrat de rééducation n'existe pas au sein de l'ADAPAH et ne répond pas à un besoin ;

- il n'existe pas de poste de travail vacant ou disponible, même susceptible d'adaptation, correspondant au niveau de qualification de Mme A ;

- elle a rempli avec sérieux et loyauté son obligation de reclassement ;

- Mme A était fraîchement diplômée et ne disposait pas d'une véritable expérience professionnelle ; le poste d'assistant technique était spécifique, s'agissant d'une poste comptable ; son occupant est titulaire d'un BTS comptabilité et gestion ;

- s'agissant du poste administratif, le niveau de qualification requis ne correspond pas à celui de Mme A ; son titulaire actuel dispose d'un diplôme de niveau II, maîtrise de langues étrangères appliquées ; si elle effectue les tâches qui étaient attribuées à Mme A, elle assume de nombreuses fonctions supplémentaires ;

- aucun poste administratif, comme celui occupé par Mme A pendant son contrat de reconversion, n'a été créé en 2008 ;

- l'obligation de reclassement, définie par l'article L. 1226-2 du code du travail, porte sur un poste approprié aux capacités du salarié ; l'actuel titulaire du poste administratif en question assure des opérations de gestion des informations et de traitement des données, ce que les aptitudes de Mme A n'autorisaient pas ;

- il ne lui était pas possible en cours d'année de solliciter une création de poste ni de modifier le budget pour une telle création ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 6 octobre 2009 et 28 janvier 2010, présentés pour Mme A par Me Harquet ; Mme A conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'ADAPAH d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que :

- si l'association soutient que sa seule marge de manoeuvre est le recours aux contrats de travail aidés et à durée déterminée, la plupart des salariés relèvent pourtant d'un contrat à durée indéterminée ;

- rien n'établit que le conseil général aurait refusé un contrat à durée déterminée à son bénéfice ;

- l 'ADAPAH ne justifie pas avoir entrepris des démarches et s'être trouvée dans l'impossibilité de procéder à son recrutement ;

- elle a obtenu le BEP métiers du secrétariat dans le cadre du contrat de rééducation ;

- l'association a recruté un tiers le 16 juillet 2007 en qualité d'employée de bureau en raison de sa politique salariale et en méconnaissance de son devoir de reclassement ;

- ce poste devait lui être proposé en priorité ; il n'est pas établi qu'elle n'aurait pas pu acquitter les opérations de gestion d'information et de traitement des données ; ce contrat comprenait les tâches qu'elle accomplissait dans le cadre de son contrat de rééducation ;

- l'association ne justifie d'aucune démarche aux fins de reclassement sur l'ensemble de ses établissements ni auprès du réseau France Domicile ;

- l'association ADAPAH fait partie du réseau France Domicile qui constitue le premier réseau national d'aide à domicile ; le fonctionnement de ce réseau recouvre les caractéristiques du groupe dans son acception jurisprudentielle ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2009, présenté par le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ; le ministre soutient que :

- Mme A possède le niveau de compétence requis pour occuper le poste d'assistant technique ; l'association ne peut se fonder sur le bilan de formation du contrat de rééducation arrivé à son terme le 15 juin 2007 ;

- l'association ne peut soutenir que le poste que Mme A occupait depuis deux ans n'existait pas ; les besoins existaient et ce poste a été pourvu le 16 juillet 2007 ; ce poste était nécessaire au bon fonctionnement de l'association, qui a choisi de privilégier le recours à une personne éligible à un contrat d'accès à l'emploi ;

- Mme A aurait pu être reclassée à ce poste en modifiant son contrat pour exercer son activité à temps partiel ;

- l'association ne justifie pas d'avoir engagé des démarches auprès de l'organisme de tutelle pour étudier les possibilités de maintien de Mme A dans son emploi ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 13 novembre 2009 accordant à Mme A le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à 40 % ;

Vu les mémoires en réplique, enregistrés respectivement les 29 décembre 2009 et 6 janvier 2010, présentés pour l'ADAPAH ; elle maintient l'ensemble de ses conclusions et fait valoir que :

- les contrats à durée indéterminée de ses salariés correspondent à des besoins effectifs et intégrés dans le budget ;

- Mme A était déjà embauchée et bénéficie d'un contrat à durée indéterminée ;

- Mme A n'a pas les compétences nécessaires en comptabilité pour le poste d'assistant technique, ni une expérience confirmée de plusieurs années dans les techniques de secrétariat ;

- l'expérience menée avec Mme A a révélé les limites de ses aptitudes et son manque d'autonomie ;

- les recherches de reclassement ont été menées au sein de l'ensemble des établissements dont elle dispose ; les postes administratifs sont minoritaires ;

- elle ne fait partie d'aucun groupe et les associations ADAPAH n'ont aucun lien entre elles ;

- France Domicile est une simple plateforme auprès de laquelle elle est référencée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mai 2010 :

- le rapport de M. Brumeaux, président,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;

Sur la légalité de la décision attaqué :

Considérant que Mme A a été recrutée le 29 septembre 1992 par l'ASSOCIATION DEPARTEMENTALE D'AIDE AUX PERSONNES AGEES ET AUX PERSONNES HANDICAPEES DES VOSGES (ADAPAH) par contrat à durée à temps partiel en qualité d'assistante de vie et a exercé des mandas de membre titulaire du comité d'entreprise et de déléguée du personnel ; qu'en raison de son état de santé, elle a été reconnue travailleur handicapé et le médecin du travail a constaté, par un avis en date du 2 juin 2005, son inaptitude à poursuivre cette activité, mais l'a reconnue apte à un poste d'agent administratif ; qu'elle a alors bénéficié, pour la période du 14 juin 2005 au 15 juin 2007, d'un contrat de rééducation professionnelle en vue de son reclassement dans un poste d'agent administratif ; qu'au terme de cette formation qualifiante, qui faisait alterner cours théoriques et tâches de secrétariat au sein de l'association, elle a obtenu un brevet d'études professionnelles techniques de secrétariat ; que si, par un avis en date du 13 juin 2007, le médecin du travail a confirmé l'inaptitude de Mme A à reprendre son activité d'assistante de vie et son aptitude à un poste administratif, l'association requérante, estimant ne pas disposer de poste correspondant aux capacités professionnelles de cette salariée, a demandé le 1er juillet 2007 à l'inspecteur du travail l'autorisation de la licencier ; que, par la décision attaquée en date du 6 septembre 2007, l'inspecteur du travail a refusé de faire droit à cette demande ;

Considérant qu'en vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'il représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique consécutive à un accident du travail, il appartient à l'inspecteur du travail, et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement du salarié, compte tenu des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi, et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise, notamment par des mutations ou transformations de postes de travail ; qu'aux termes de l'article L. 122-24-4 du code du travail alors applicable : (...) si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à supposer que Mme A n'avait pas l'expérience professionnelle suffisante ni les compétences pour occuper le poste d'assistant technique comptable alors disponible, il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient l'association requérante, un autre poste d'employé de bureau était vacant et a d'ailleurs été pourvu le 16 juillet 2007 ; que si l'ADAPAH invoque des contraintes budgétaires, leur réalité ne ressort pas des pièces du dossier et, à les supposer même établies, elle n'allègue pas avoir effectué des démarches auprès de son autorité de tutelle pour tenter de les surmonter ; qu'alors qu'il est constant que Mme A a exercé la majorité des tâches correspondant à ce poste pendant sa période de formation professionnelle, l'association requérante ne peut pas non plus justifier le recrutement d'un salarié titulaire d'un contrat aidé (contrat d'accès à l'emploi) à la place de celle-ci par sa politique de gestion de personnel ; qu'il incombait à l'association requérante d'adapter, si besoin est, le contrat de l'intéressée en fonction des tâches qu'elle pouvait assumer, compte tenu de sa formation et de son expérience antérieure, sans qu'y fassent obstacle les éventuelles difficultés qu'elle aurait pu rencontrer dans leur exécution, qui ne sauraient justifier a priori le refus de son reclassement dans le poste en cause ; que, par suite, l'ASSOCIATION DEPARTEMENTALE D'AIDE AUX PERSONNES AGEES ET AUX PERSONNES HANDICAPEES DES VOSGES ne pouvant être regardée comme s'étant livrée à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement de Mme A, c'est à bon droit que l'inspecteur du travail a refusé pour ce motif l'autorisation de la licencier ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ASSOCIATION DEPARTEMENTALE D'AIDE AUX PERSONNES AGEES ET AUX PERSONNES HANDICAPEES DES VOSGES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 septembre 2007 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de Mme A ;

Sur les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'ASSOCIATION DEPARTEMENTALE D'AIDE AUX PERSONNES AGEES ET AUX PERSONNES HANDICAPEES DES VOSGES demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu de faire droit aux conclusions de Mme A présentées sur le même fondement et de mettre à la charge de l'ASSOCIATION DEPARTEMENTALE D'AIDE AUX PERSONNES AGEES ET AUX PERSONNES HANDICAPEES DES VOSGES une somme de 1 500 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION DEPARTEMENTALE D'AIDE AUX PERSONNES AGEES ET AUX PERSONNES HANDICAPEES DES VOSGES est rejetée.

Article 2 : L'ASSOCIATION DEPARTEMENTALE D'AIDE AUX PERSONNES AGEES ET AUX PERSONNES HANDICAPEES DES VOSGES versera une somme de 1 500 euros à Mme A en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'ASSOCIATION DEPARTEMENTALE D'AIDE AUX PERSONNES AGEES ET AUX PERSONNES HANDICAPEES DES VOSGES, au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville et à Mme Isabelle A.

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N° 09NC00844


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09NC00844
Date de la décision : 17/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Michel BRUMEAUX
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS BENTZ - VITRY et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-06-17;09nc00844 ?
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