Vu la requête, enregistrée le 26 octobre 2009, présentée pour M. Koffi A, ..., par Me Wurtz ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0903298 du 29 septembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 juin 2009 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour et l'a obligé de quitter le territoire français ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet du Bas-Rhin en date du 19 juin 2009 ;
3°) d'enjoindre le préfet du Bas-Rhin, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 10 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Le requérant soutient que :
- il n'a jamais sollicité un changement de statut ;
- son traitement n'est pas disponible au Togo ;
- le refus de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- la décision de refus de séjour étant entachée de nullité tant sur la forme que sur le fond, son illégalité prive de base légale la décision d'obligation de quitter le territoire français ;
- le préfet ne justifie pas d'une délégation de signature à l'auteur de la décision fixant le pays de renvoi ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2010, présenté par le préfet du Bas-Rhin, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- le requérant a bien sollicité un changement de statut en demandant une autorisation de travail ;
- en tout état de cause, il ne peut se prévaloir des dispositions des articles L. 313-10-1 et L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la profession de peintre ne figure pas parmi les métiers figurant sur la liste annexée à l'arrêté du 18 janvier 2008 ;
- l'état de santé du requérant s'est amélioré et il peut désormais bénéficier de soins dans son pays d'origine ;
- l'arrêté litigieux n'emporte pas des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la vie personnelle et familiale du requérant ;
- le requérant ne démontre pas en quoi son retour au Togo contribuerait inéluctablement à la dégradation de son état de santé ;
- le secrétaire général de la préfecture avait reçu délégation de signature pour signer l'arrêté attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 26 août 2010, présenté pour M. A, tendant aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;
Il soutient en outre que :
- le préfet ne justifie pas que la disponibilité des soins au Togo est avérée ;
- il ne pourra bénéficier effectivement de soins dans son pays d'origine ;
Vu l'ordonnance du président de la 3ème chambre de la Cour portant clôture de l'instruction à compter du 15 octobre 2010 à 16 heures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 novembre 2010 :
- le rapport de M. Trottier, président,
- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision litigieuse : Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin inspecteur départemental de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé (...) L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé... ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 précité, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, ressortissant togolais, qui a bénéficié, le 26 octobre 2004, d'un titre de séjour pour raisons de santé régulièrement renouvelé jusqu'au 3 décembre 2008, souffre d'un glaucome qui a nécessité une intervention chirurgicale en 2006 et qui exige un suivi régulier et un traitement quotidien à base de collyre ; que, si le médecin inspecteur de la santé publique a considéré, par un avis du 25 mai 2009, que l'état de santé du requérant nécessitait des soins dont il pourrait disposer dans son pays d'origine, le requérant produit un certificat, établi le 2 juillet 2010, par un médecin ophtalmologiste togolais exerçant à l'hôpital Saint Louis de l'Assistance publique des hôpitaux de Paris selon lequel, en l'absence de régime de sécurité sociale et compte tenu du coût du suivi d'un glaucome au Togo, il sera difficile sinon impossible à M. A de se faire traiter et qu'il est condamné à devenir aveugle si on lui retire l'opportunité de se soigner en France ; que, nonobstant la circonstance que ce certificat est postérieur à la décision attaquée, le requérant apporte ainsi des éléments de nature à établir que, si des possibilités de traitement approprié du glaucome existent au Togo, il ne pourra pas en bénéficier de manière effective parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population eu égard notamment aux coûts du traitement ; que le préfet du Bas-Rhin n'apporte aucune contradiction aux éléments de fait ainsi avancés par le requérant ; que, par suite, la décision refusant à M. A le renouvellement de son titre de séjour, assortie d'une obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, doit être annulée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Bas-Rhin en date du 19 juin 2009 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public... prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;
Considérant que le motif susrappelé d'annulation de la décision préfectorale implique nécessairement que soit délivré à M. A un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les éléments de fait caractérisant la situation de l'intéressé auraient été modifiés postérieurement à ladite décision ; qu'il y a ainsi lieu, par application de ces dispositions, d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de délivrer à M. A un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, que M. A, pour le compte de qui les conclusions du pourvoi relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être réputées présentées, n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée ; que, d'autre part, l'avocat de M. A n'a pas demandé que lui soit versée par l'Etat la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que, dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg du 29 septembre 2009 et l'arrêté du préfet du Bas-Rhin en date du 19 juin 2009 sont annulés.
Article 2 : Le préfet du Bas-Rhin est enjoint de délivrer à M. A un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Koffi A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
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09NC01565