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22/09/2011 | FRANCE | N°11NC00685

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 22 septembre 2011, 11NC00685


Vu la requête, enregistrée le 26 avril 2011, présentée pour M. Abderrazak A, demeurant ..., par la SCP d'avocats aux conseils Hélène Didier et François Pinet ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900840 du 29 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a annulé, d'une part, la décision du 7 octobre 2008 de l'inspecteur du travail de Meurthe-et-Moselle refusant à la SAS Cemga Logistics l'autorisation de procéder à son licenciement et, d'autre part, la décision du 27 février 2009 du ministre du travail, des relations sociales, de la

famille, de la solidarité et de la ville qui confirmait, sur recours hiérarc...

Vu la requête, enregistrée le 26 avril 2011, présentée pour M. Abderrazak A, demeurant ..., par la SCP d'avocats aux conseils Hélène Didier et François Pinet ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900840 du 29 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a annulé, d'une part, la décision du 7 octobre 2008 de l'inspecteur du travail de Meurthe-et-Moselle refusant à la SAS Cemga Logistics l'autorisation de procéder à son licenciement et, d'autre part, la décision du 27 février 2009 du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville qui confirmait, sur recours hiérarchique, la décision de l'inspecteur du travail ;

2°) de rejeter la demande présentée par la SAS Cemga Logistics devant le Tribunal administratif de Nancy ;

2°) de mettre à la charge de la SAS Cemga Logistics une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le comité d'établissement n'a pas été suffisamment informé du projet de licenciement ;

- les constats d'huissier, procédant d'un stratagème déloyal, devaient être écartés ;

- ces constats n'établissent nullement son implication précise alors qu'il avait eu un rôle modérateur ;

- les faits litigieux tels que ressortant de ces constats d'huissier ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;

- le tribunal administratif a dénaturé la décision de l'inspectrice du travail qui avait clairement retenu que l'employeur avait épuisé son pouvoir de sanction en prononçant une mise à pied conservatoire suivie d'une invitation à reprendre le travail ;

- ce motif était de nature à justifier le refus de la demande d'autorisation de licenciement ;

- le ministre a pu substituer un autre motif que celui retenu par l'inspectrice du travail et qui était de nature à justifier le refus de la demande d'autorisation de licenciement ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 août 2011, présenté pour la SAS Cemga Logistics, représentée par la SCP d'avocats Joseph Aguera et associés, qui conclut au rejet de la requête ;

Elle soutient que :

- les membres du comité d'établissement ont été suffisamment informés du projet de sanction ;

- la consultation du comité d'établissement plus de 10 jours après le prononcé de la mise à pied ne constitue pas un vice substantiel de la procédure de licenciement, cette consultation n'ayant été possible qu'à compter du retour du secrétaire du comité d'établissement ;

- la mise à pied, qui n'a jamais été annulée, n'a pas perdu son caractère conservatoire ;

- le salarié s'est bien rendu coupable de plusieurs blocages de camions qui constituent des agissements fautifs présentant un caractère de gravité suffisant pour justifier le licenciement ;

- le requérant n'a pas eu une attitude modératrice ;

- la direction, qui a accompli toutes les démarches nécessaires pour sortir du conflit, ne s'est pas livrée à une discrimination à l'égard des salariés protégés ;

Vu l'ordonnance du 11 juillet 2011 fixant la date de clôture de l'instruction au 28 juillet 2011 à 16 heures ;

Vu l'ordonnance du 4 août 2011 portant réouverture de l'instruction ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 28 janvier 2011, refusant d'admettre M. A au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er septembre 2011 :

- le rapport de M. Trottier, président,

- les conclusions de Mme Dulmet, rapporteur public,

- et les observations de Me Collomb pour la SCP Aguera, avocat de la société Cemga Logistics ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision de l'inspectrice du travail en date du 7 octobre 2008 :

S'agissant de la procédure devant le comité d'établissement :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 2421-14 du code du travail : En cas de faute grave, l'employeur peut prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé jusqu'à la décision de l'inspecteur du travail. La consultation du comité d'entreprise a lieu dans un délai de dix jours à compter de la date de la mise à pied... ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la SAS Cemga Logistics a consulté, le 5 août 2008, le comité d'établissement sur le projet de licenciement de M. A, employé en qualité de magasinier cariste et détenant les mandats de délégué syndical et de représentant syndical au sein du comité d'établissement, qui avait été mis à pied le 30 juin 2008 ; que, si l'employeur a ainsi dépassé le délai de 10 jours prévu à l'article R. 2421-14 du code du travail, ce motif qui n'est pas d'ordre public et qui ne plaçait pas l'inspectrice du travail en situation de compétence liée dès lors qu'il lui appartenait d'apprécier si, dans les circonstances de l'espèce, ce dépassement présentait un caractère excessif, ne faisait pas partie de ceux retenus par l'inspectrice du travail pour refuser l'autorisation de licencier M. A ; que, dans ces conditions, le requérant ne peut utilement se prévaloir du dépassement de ce délai pour justifier du bien-fondé de la décision de l'inspectrice du travail ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 2323-4 du code du travail : Pour lui permettre de formuler un avis motivé, le comité d'entreprise dispose d'informations précises et écrites transmises par l'employeur, d'un délai d'examen suffisant et de la réponse motivée de l'employeur à ses propres observations ;

Considérant que si, lors de la réunion du 5 août 2008, des constats d'huissiers n'ont pas été communiqués à l'ensemble des membres du comité d'établissement, ceux-ci ont été destinataires d'une note comportant des informations précises sur les griefs reprochés à M. A et notamment des extraits de constats d'huissiers relatifs à la présence et au rôle de l'intéressé lors de piquets de grève et d'opérations de blocage sur le lieu de travail ; qu'ainsi, c'est à tort que l'inspectrice du travail a estimé que le comité d'établissement, qui au demeurant a rendu à l'unanimité un avis défavorable au licenciement, n'avait pas été complètement informé et que les droits de la défense du requérant auraient été méconnus ;

S'agissant de la réalité des faits reprochés :

Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L. 2411-3 et L. 2411-8, les salariés légalement investis des fonctions de délégué syndical ou du mandat de représentant syndical au comité d'entreprise, bénéficient dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où le licenciement est motivé par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi, et éventuellement au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé notamment, dans le cas de faits survenus à l'occasion d'une grève, des dispositions de l'article L. 2511-1 du code du travail en vertu desquelles la grève ne rompt pas le contrat de travail sauf faute lourde imputable au salarié, et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont celui-ci est investi ;

Considérant qu'il ressort des constats d'huissier dressés les 26, 30 juin, 1er et 2 juillet 2008 que M. A a participé à l'action de blocage des camions de livraison, notamment en se plaçant délibérément, avec d'autres salariés, devant les camions qui se dirigeaient avec leur chargement vers l'entrée ou la sortie du site de Gondreville de son employeur, la SAS Cemga Logistics, ou en entravant l'accès d'une société cliente ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant aurait eu un rôle modérateur à l'occasion de ces actions ;

Considérant, en outre, que la circonstance que le directeur du site ait fourni des indications sur l'identité des participants ne saurait remettre en cause la valeur probante des faits relatés par l'huissier, qui ne s'est livré à aucune provocation et qui disposait d'ailleurs lui-même d'une liste du personnel comportant les noms et photographies des salariés concernés ;

Considérant, enfin, que la SAS Cemga Logistics ne saurait être regardée comme ayant épuisé son pouvoir disciplinaire à l'égard de M. A du seul fait qu'elle l'avait autorisé à reprendre le travail pendant quelques jours au cours de la mise à pied conservatoire dans l'attente de l'issue d'une négociation destinée à obtenir la démission d'un collègue du requérant ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que l'inspectrice du travail a estimé que les constats d'huissiers en cause n'étaient pas d'une précision suffisante pour établir l'implication du requérant dans les actions de blocage qui lui sont reprochés ;

S'agissant de la gravité des faits reprochés :

Considérant que les faits susmentionnés, qui ont porté une atteinte aux intérêts de l'employeur, ne relèvent pas de l'exercice normal des mandats de M. A ; que, nonobstant les tensions nées du conflit social au sein de l'entreprise, ils sont par suite constitutifs d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier à eux seuls le licenciement de ce dernier ; qu'en effet, si l'inspectrice du travail a estimé que le blocage de l'activité des personnels intérimaires, également reproché à M. A, avait été motivé par le recours illicite de la SAS Cemga Logistics à ces intérimaires aux fins de remplacer les salariés grévistes et a considéré que les menaces et insultes imputées à l'intéressé n'étaient pas établies, il ne ressort pas, en tout état de cause, des pièces du dossier qu'elle aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur ces motifs, dès lors que la participation de M. A aux actions de blocage des camions justifiait à elle seule son licenciement et qu'il ne ressort pas non plus des éléments du dossier que l'employeur n'aurait pas, pour ces seuls faits, présenté de demande d'autorisation de licenciement ;

S'agissant du lien avec le mandat :

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande d'autorisation de licenciement de M. A dont l'essentiel des collègues ayant participé aux actions de blocage ont également fait l'objet de procédures de licenciement alors même qu'ils ne bénéficiaient pas d'une protection pour la plupart d'entre eux, aurait été motivée par d'autres considérations que celles tenant aux agissements susmentionnés ; que, dès lors, le requérant n'établit pas que son employeur aurait eu un comportement discriminatoire à son encontre ;

En ce qui concerne la décision du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville en date du 27 février 2009 :

Considérant que, lorsqu'il est saisi d'un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail statuant sur une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, le ministre compétent doit, soit confirmer cette décision, soit, si celle-ci est illégale, l'annuler, puis se prononcer de nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement compte tenu des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle il prend sa propre décision ;

Considérant qu'il suit de là que le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, saisi d'un recours hiérarchique contre la décision illégale de l'inspecteur du travail du 7 octobre 2008, était tenu de l'annuler, sans pouvoir se borner, comme il l'a fait, à substituer aux motifs illégaux de cette décision, un autre motif susceptible de la justifier légalement, quelle qu'en soit la pertinence ; que c'est ainsi à bon droit que les premiers juges ont également annulé la décision du ministre du 27 février 2009 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision du 7 octobre 2008 de l'inspectrice du travail de Meurthe-et-Moselle et la décision du 27 février 2009 du ministre du travail refusant d'autoriser la SAS Cemga Logistics à le licencier ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SAS Cemga Logistics qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à M. A une somme quelconque au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Abderrazak A, à la société Cemga logistics et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

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