Vu la requête enregistrée le 17 juin 2010, complétée par des mémoires enregistrés les 22 novembre 2010 et 21 décembre 2010, présentée pour M. Alphonse A, demeurant ..., et pour Mme Yvette A, demeurant ..., par Me Goepp, avocat ;
M. et Mme A demandent à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 0603089-0606424 du 3 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg n'a que partiellement fait droit aux conclusions de leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1998 et 1999, ainsi que des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. et Mme A soutiennent que :
- le jugement est irrégulier dans la mesure où le tribunal n'a pas communiqué l'intégralité des mémoires du directeur des services fiscaux ;
- la substitution de base légale est irrégulière dès lors que les sommes imposées comme revenus d'origine indéterminée avaient été imposées selon la procédure de taxation d'office ;
- les sommes inscrites au crédit des comptes-courants d'associés dans les comptes des SCI Les Victorines et Bois Fleuri qui ont été imposées dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux méconnaissent les dispositions de l'article 38 du code général des impôts ;
- les virements internes ne constituent pas revenus imposables en tant que revenus d'origine indéterminée ;
- les pénalités pour mauvaise foi ne sont pas dues ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les mémoires en défense, enregistrés le 25 novembre 2010, le 24 mai 2011 et le 22 juillet 2011, présentés pour le Ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ; le ministre conclut :
- au non lieu à statuer à concurrence d'un montant de 2 092 euros au titre de l'année 1998 et de 577 euros pour l'année 1999 et au rejet du surplus de la requête ;
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est de nature à entraîner la décharge des impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 septembre 2011:
- le rapport de Mme Fischer-Hirtz, président,
- les conclusions de M. Féral, rapporteur public,
- et les observations de Me Goepp, avocat de M. et Mme A ;
Vu les notes en délibéré, enregistrées les 8 et 16 septembre 2011, présentées par Me Goepp pour M. et Mme A ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que par décision en date du 18 juillet 2011, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux a prononcé le dégrèvement en droits et pénalités à concurrence d'une somme de 2 669 euros de la cotisation à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles M. et Mme A ont été assujettis au titre des années 1998 et 1999 ; que les conclusions de la requête de M. et Mme A relatives à ces impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur le surplus des conclusions de la requête :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
Considérant que par une ordonnance en date du 23 avril 2010, le vice-président du Tribunal administratif de Strasbourg a ordonné la réouverture de l'instruction pour permettre la transmission de l'ensemble des pièces et mémoires des parties ; que dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'ils n'ont pas pu répliquer aux mémoires du directeur des services fiscaux en réponse à leur mémoire en réplique du 23 janvier 2008 qui leur ont été communiqués ; qu'il suit de là, que le jugement attaqué n'est entaché d'aucune irrégularité ;
En ce qui concerne le bien-fondé des redressements contestés :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme A ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle au titre des années 1998 et 1999 parallèlement aux vérifications de comptabilité de la société à responsabilité limitée Aufibat et des sociétés civiles immobilières Les Victorines et Le Bois Fleuri dont Mme A était la gérante et la principale associée ; qu'à l'issue de ces contrôles, l'administration fiscale leur a notifié des redressements portant, au titre des années 1998 et 1999, sur des déductions non justifiées d'intérêts bancaires dans la catégorie des revenus fonciers et sur des revenus dont l'origine est restée indéterminée et qui ont été taxés d'office sur le fondement des dispositions des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales ;
Considérant que, compte tenu des dégrèvements prononcés, le litige soumis au juge d'appel porte, en premier lieu, sur les sommes de 318 507 francs (48 556,08 euros) et de 46 437 francs (7 079,27 euros), inscrites respectivement en 1998 et 1999 au crédit du compte-courant d'associé détenu par Mme A dans la société Aufibat, en deuxième lieu, sur les sommes de 100 000 francs (15 000 euros) et de 24 120 francs (3 677,07 euros) inscrites respectivement en 1998 et 1999, au crédit du compte-courant d'associé détenu par Mme A dans la société civile immobilière Les Victorines ainsi que sur les sommes de 100 000 francs (15 244,90 euros) et de 205 000 francs (31 252,04 euros) portées au compte-courant d'associé ouvert au nom de Mme A dans la société civile immobilière Bois Fleuri, en troisième lieu, sur la réintégration dans la catégorie des revenus fonciers au titre des années 1998 et 1999 des intérêts d'emprunt d'un montant respectif de 286 543 francs (43 683 euros) et de 274 081 francs (41 783 euros) et, enfin sur des sommes inscrites au crédit de divers comptes bancaires des requérants et imposées en l'absence de justifications comme des revenus d'origine indéterminée ;
S'agissant des sommes de 318 507 francs et de 46 437 francs inscrites respectivement en 1998 et 1999, au crédit du compte-courant d'associé ouvert au nom de Mme A dans les comptes de la Sarl Aufibat :
Considérant que l'administration a initialement imposé au titre des années en litige comme revenus d'origine indéterminée taxés d'office les sommes de 318 507 francs ( 48556,08 euros) et de 46 437 francs (7 079,27 euros) inscrites au compte courant détenu par Mme A dans la société Aufibat ; qu'à la suite de la substitution de base légale à laquelle elle a procédé en statuant sur la réclamation des contribuables, elle justifie désormais l'imposition de ces sommes, au titre de revenus distribués, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;
Considérant, en premier lieu, que le changement de fondement légal d'une imposition ne peut être légalement effectué que s'il ne prive le contribuable d'aucune des garanties de procédure auxquelles il a droit ; qu'il résulte de l'instruction que, si l'administration a indiqué dans les notifications de redressement en date du 27 décembre 2001 et du 25 avril 2002 que les sommes de 318 507 francs et de 46 437 francs faisaient l'objet d'une taxation d'office, cette notification mentionnait, sans distinguer selon les chefs de redressement, que les contribuables pouvaient se faire assister du conseil de leur choix et qu'ils disposaient d'un délai de trente jours pour faire valoir leurs observations ; que, par suite, pour les redressements en litige, dès lors que la procédure contradictoire a été suivie et que ces notifications étaient suffisamment motivées, M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que l'administration ne pouvait légalement procéder à une substitution de base légale ;
Considérant, en second lieu, que les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus et sont alors imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que, Mme A, qui n'a fourni aucune explication quant aux sommes créditées sur son compte courant dans la société Aufibat, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que lesdites sommes ont, en dernier lieu, été imposées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;
S'agissant des sommes de 100 000 francs et de 24 120 francs inscrites respectivement en 1998 et 1999, au crédit du compte-courant d'associé ouvert au nom de Mme A dans les comptes de la société civile immobilière Les Victorines ainsi que des sommes de 100 000 francs et de 205 000 francs inscrites au crédit du compte-courant d'associé de Mme A dans la société civile immobilière Bois Fleuri :
Considérant que dans ses conclusions présentées devant le tribunal administratif, le directeur des services fiscaux s'est prévalu de la substitution de base légale pour justifier les impositions contestées ; que l'administration est en droit d'invoquer, à tout moment de la procédure, tout moyen de nature à faire reconnaître le bien-fondé de l'imposition et qu'elle peut, à cet effet, assujettir les sommes litigieuses sous une nouvelle qualification dès lors que cette substitution de base légale n'est subordonnée à l'observation d'aucune procédure particulière qui serait prescrite par les textes en vigueur pour la catégorie des revenus finalement retenue par l'administration et que l'intervention du juge ne pourrait utilement remplacer ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que les sommes susmentionnées, inscrites au crédit des comptes courants d'associé de Mme A dans les sociétés civiles immobilières Les Victorines et Bois Fleuri relevant du régime défini à l'article 8 du code général des impôts, ont été imposées à tort en tant que revenus d'origine indéterminée ; que toutefois, le ministre du budget a demandé que, par voie de substitution de base légale, les impositions contestées soient maintenues dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction, qu'à la suite des notifications de redressements, les requérants ont été informés de la faculté d'être assistés d'un conseil ainsi que de celle de disposer d'un délai de trente jours pour faire parvenir leur acceptation ou leurs observations ; qu'ils ont présenté ces observations et que le service leur a ensuite répondu en les informant de la possibilité de soumettre leur différend à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que si les requérants soutiennent qu'en accueillant la demande de substitution de base légale sollicitée par l'administration, les dispositions de l'article 38 du code général des impôts auraient été méconnues dès lors qu'une telle substitution permettrait l'appréhension d'un revenu brut, leurs allégations ne sont pas, faute de justifications précises, de nature à établir en quoi ils auraient été privés d'une garantie attachée à la procédure contradictoire et en quoi les sommes en cause n'avaient pas le caractère de revenus imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ; qu'il résulte de ce qui précède que, compte tenu de la substitution de base légale à laquelle il a été procédé, M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que la taxation d'office irrégulière des sommes susvisées serait de nature à entraîner la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ;
S'agissant des redressements opérés dans la catégorie des revenus fonciers :
Considérant que M. et Mme A ne font état d'aucun élément probant de nature à contredire l'administration lorsque celle-ci refuse d'admettre en déduction de leurs revenus fonciers, la charge d'intérêts d'emprunts contractés auprès de la Commerzbank de Francfort au motif qu'ils ne justifiaient pas de la réalité du paiement des intérêts déduits ; qu'en appel les requérants produisent les mêmes justificatifs que ceux déjà versés aux débats en première instance auxquels sont joints un ensemble de relevés de compte attestant de versements trimestriels sur un compte bancaire en Suisse ainsi qu'un tableau d'amortissement, au demeurant illisible ; que ces documents, qui ne permettent pas, en l'absence de production du contrat de prêt et d'un tableau d'amortissement, de vérifier l'affectation de l'emprunt en cause ainsi que le montant des intérêts effectivement supportés au titre des années 1998 et 1999, ont été écartés, à bon droit, par les premiers juges faute d'être assortis de précisions suffisantes et ne mettent pas davantage la Cour à même d'apprécier le bien-fondé des prétentions des contribuables ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a procédé à la réintégration dans le revenus imposables de M. et Mme A au titre des années 1998 et 1999, des intérêts d'emprunts dont le caractère déductible n'est pas rapporté ;
S'agissant des revenus d'origine indéterminée :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, l'administration peut taxer d'office à l'impôt sur le revenu un contribuable qui s'est abstenu de répondre aux demandes de justifications qui lui ont été adressées sur le fondement de l'article L. 16 du même livre ; qu'en application de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ;
Considérant que M. et Mme A ont fait l'objet au titre des années 1998 et 1999 d'une taxation d'office en application des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales pour divers montants correspondant à des crédits bancaires dont l'origine est demeurée inexpliquée ; que si les requérants allèguent que l'administration fiscale aurait imposé à tort des sommes relatives au remboursement d'un prêt consenti par des tiers à titre d'avances à l'occasion du mariage de leur fille, ainsi qu'une commission d'un montant de 20 289,74 francs versée par la société Wasser Technic et une somme de 130 000 francs provenant de la Société Aufibat portées au crédit de leurs comptes bancaires, il y a lieu d'écarter leur argumentation par adoption des motifs retenus par le Tribunal administratif de Strasbourg dès lors que les requérants ne rapportent pas la preuve qui leur incombe de la nature et de l'origine des sommes en litige ;
Sur les pénalités :
Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la date de l'infraction : Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie. (...) ;
Considérant qu'en se bornant à faire état de l'importance des sommes non déclarées au regard des revenus déclarés par les contribuables et du caractère répété et persistant des omissions déclaratives alors qu'elle a elle-même procédé à plusieurs reprises à de très importants dégrèvements et à la substitution de base légale des impositions mises en compte, l'administration fiscale n'apporte pas la preuve que les manquements reprochés aux requérants résultaient d'une intention délibérée d'éluder l'impôt ; que, dès lors, M. et Mme A sont fondés à demander la décharge de l'ensemble des majorations de mauvaise foi auxquelles ils ont été assujettis ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. et Mme A sont fondés à demander la décharge des pénalités de mauvaise foi afférentes à l'ensemble des redressements dont ils ont fait l'objet au titre des années en litige ; que le surplus de la demande doit être rejeté ;
Sur les conclusions de M. et Mme A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de condamner l'Etat à payer à M. et Mme A une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme A, à concurrence de la somme de 2 669 euros, en ce qui concerne les cotisations à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales relatives aux années 1998 et 1999.
Article 2 : M. et Mme A sont déchargés des majorations de mauvaise foi auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1998 et 1999.
Article 3 : L'Etat est condamné à payer à M. et Mme A la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le jugement n° 0603089-0606424 du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 3 juin 2010 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Alphonse A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du gouvernement.
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