Vu la requête, enregistrée le 1er avril 2011, présentée par le PREFET DU HAUT-RHIN ; le PREFET DU HAUT-RHIN demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°1100803 en date du 22 février 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, a annulé son arrêté du 15 février 2011 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Abou A et, d'autre part, a enjoint au PREFET DU HAUT-RHIN de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. A et de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement ;
2°) de confirmer la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière prononcé à l'encontre de M. A le 15 février 2011 ;
3°) de rejeter la demande présentée par M. A sur le fondement de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ;
Le PREFET DU HAUT-RHIN soutient que :
- son arrêté est suffisamment motivé et révèle qu'il a procédé à un examen particulier des circonstances propres à la situation du requérant dès lors que le maintien de M. A en situation irrégulière sur le territoire national et sa situation familiale sont rappelées dans le corps de l'arrêté de reconduite ;
- son arrêté n'est pas entaché d'une erreur de droit compte tenu de ce que le recours de M. A pendant devant la Cour nationale du droit d'asile ne revêt aucun caractère suspensif ;
- il ne méconnaît pas l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que M. A n'apporte à l'appui de ses allégations aucune preuve ni justification de nature à établir les risques qu'il pourrait encourir personnellement en cas de retour en Côte-d'Ivoire ;
- il ne méconnaît pas davantage l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où M. A ne justifie pas de l'ancienneté, de l'effectivité et de la stabilité et de la relation amoureuse alléguée avec Mlle B, enceinte de ses oeuvres et chez qui il réside depuis deux mois ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 mai 2011, présenté pour M. Abou A par Me Koenig ; M. A demande à la Cour :
1°) de déclarer l'appel du PREFET DU HAUT-RHIN irrecevable et en tout cas mal fondé ;
2°) de confirmer le jugement rendu par le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg le 22 février 2011 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil de la somme de 1 794 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 8 juin 2011, présenté le PREFET DU HAUT-RHIN ;
Vu la décision en date du 29 septembre 2011 du président de la Cour accordant à M. A l'aide juridictionnelle provisoire ;
Vu les pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et de l'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 septembre 2011 :
- le rapport de M. Giltard, président,
- les conclusions de M. Féral, rapporteur public ;
- et les observations de M. A ;
Considérant que, pour annuler l'arrêté du 15 février 2011 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Abou A et fixant le pays de destination, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a estimé que l'arrêté préfectoral contesté est entaché d'un défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressé dès lors qu'il se borne à indiquer sans autres précisions que M. A n'établit pas avoir constitué de vie privée et familiale sur le territoire français ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que l'arrêté préfectoral litigieux comporte dans ses visas et ses motifs toutes les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et qui permettent de vérifier que l'administration préfectorale a procédé à un examen de la situation particulière de M. A au regard des stipulations et des dispositions législatives et réglementaires applicables, notamment au regard de son droit au respect de sa vie privée et familiale ; qu'en particulier le PREFET DU HAUT-RHIN, alors même qu'il n'a pas à préciser en quoi la situation particulière de l'intéressé ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre de la procédure de reconduite à la frontière, a expressément indiqué dans l'arrêté attaqué qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à la vie familiale et privée de M. A, entré récemment en France, qui allègue être célibataire et n'établit pas avoir constitué une vie privée et familiale stable sur le territoire français ; que, dans ces conditions, c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg s'est fondé sur le motif tiré du défaut d'examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé pour annuler l'arrêté du 15 février 2011 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A et enjoindre au PREFET DU HAUT-RHIN de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. A et de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg ;
Sur le moyen tiré de l'insuffisance de motivation :
Considérant que si M. A soutient que l'arrêté préfectoral est insuffisamment motivé compte tenu de l'absence d'éléments sur sa situation personnelle, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'ainsi le moyen tiré du défaut de motivation de cet arrêté ne peut qu'être écarté ;
Sur le moyen tiré de la violation de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office (...). ;
Considérant que si M. A fait valoir qu'il a formé un nouveau recours pendant devant la Cour nationale de droit d'asile le jour de l'édiction de l'arrêté attaqué, cette circonstance est sans incidence tant sur la légalité que sur l'exécution dudit arrêté dès lors qu'un tel recours, dirigé contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant sa demande de réexamen de sa demande d'asile, ne présente aucun caractère suspensif en application de l'article L. 742-6 précité ; que le moyen susvisé doit être rejeté ;
Sur le moyen tiré de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;
Considérant que si M. A prétend que, en raison de la situation de crise dans laquelle se trouve son pays qui présente un risque d'affrontement , la décision ordonnant sa reconduite à la frontière méconnait les stipulations de l'article 3 précité, ce moyen est inopérant, ladite décision n'impliquant pas, par elle-même, le retour de l'intéressé dans son pays d'origine ;
Sur la violation de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
Considérant que M. A, qui soutient vivre en concubinage avec Isabelle B, ressortissante française enceinte de ses oeuvres et chez qui il habite depuis décembre 2010, se prévaut d'une communauté de vie très récente à la date de la décision litigieuse ; qu'il n'établit pas la réalité de la vie commune avec Mlle B au moyen d'attestations de témoins postérieures à l'arrêté préfectoral et au jugement en litige ou non datées ; que les productions d'échanges sur un réseau social d'internet qui auraient eu lieu depuis juillet 2009 entre M. A et Mlle B n'ont pas de valeur suffisamment probante ; que par ailleurs, M. A n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Côte-d'Ivoire où vivent selon ses dires une autre concubine, son fils, son frère et sa soeur et où il a lui-même vécu sans interruption depuis sa naissance jusqu'à ses 31 ans ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté préfectoral pris à l'encontre de M. A ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU HAUT-RHIN est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, a annulé son arrêté du 15 février 2011 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Abou A et fixant le pays de destination et, d'autre part, a enjoint au PREFET DU HAUT-RHIN de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. A et de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. A la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens d'appel ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 22 février 2011 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. A présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative tendant au paiement des frais exposés par lui et non compris dans les dépens d'appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Abou A, au PREFET DU HAUT-RHIN et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
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N°11NC00551