Vu la décision en date du 23 décembre 2011, enregistrée le 20 janvier 2012 au greffe de la Cour administrative d'appel de Nancy sous le 12NC00131, par laquelle le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Nancy n° 07NC01784 du 7 décembre 2009 et renvoyé l'affaire à ladite Cour pour réexamen de la requête présentée pour l'office national interprofessionnel des fruits, des légumes, des vins et de l'horticulture (ONIFLHOR) devenu l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) ;
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 19 décembre 2007, complétée par un mémoire enregistré le 29 octobre 2009, présentée pour l'ONIFLHOR devenu l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), venant aux droits de l'ONIFLHOR, ayant son siège 12 rue Henri Rol-Tanguy Montreuil-sous-Bois (96555), par Me Pigassou, avocat ;
L'ONIFLHOR demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0600504 en date du 16 octobre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a annulé, à la demande de l'association d'organisations de producteurs Véga Fruits, les deux titres de recettes, notifiés par lettre du 20 décembre 2005, émis par l'office national interprofessionnel des fruits, des légumes, des vins et de l'horticulture à son encontre pour des montants de 4 521,70 euros et 22 608,53 euros, ainsi que la décision du même jour du directeur de l'office national interprofessionnel des fruits, des légumes, des vins et de l'horticulture demandant de rembourser les sommes précitées ;
2°) de rejeter la demande présentée par l'association d'organisations de producteurs Vega Fruits devant le Tribunal administratif de Nancy ;
3°) subsidiairement, de saisir la Cour de justice des communautés européennes d'une question préjudicielle portant sur l'interprétation à donner des dispositions du paragraphe 4 de l'article 2 du règlement (CEE) n° 4045/89 du Conseil du 21 décembre 1989 ;
4°) de mettre à la charge de l'association d'organisations de producteurs Vega Fruits une somme de 1 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- l'article 2 du règlement (CEE) n° 4045/89 du Conseil du 21 décembre 1989 n'a pas subordonné l'extension de la période de contrôle " à déterminer par l'Etat membre " à l'édiction d'une réglementation nationale en ce sens ; une telle interprétation conduirait à des discriminations au détriment des opérateurs nationaux concernés, et à affirmer l'existence d'une prescription de deux ans contraire à l'article 3 du règlement CE, EURATOM, n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 ;
- les obligations énoncées par ce règlement ne créent pas de droits au profit des particuliers ;
- il y a lieu, le cas échéant, de saisir la Cour de justice des communautés européennes d'une question préjudicielle sur le sens et la portée de l'article 2 du règlement (CEE) n° 4045/89 ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2008, présenté pour l'Union de sociétés coopératives agricoles Véga Fruits, venant aux droits de l'association d'organisations de producteurs Véga Fruits, dont le siège est 16 rue du Capitaine Durand à Rozerieules (54290), par Me Claudot avocat, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'office national interprofessionnel des fruits, des légumes, des vins et de l'horticulture une somme de 4 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle fait valoir que les moyens de la requête, tirés de ce que l'article 2 du règlement (CEE) n° 4045/89 du Conseil du 21 décembre 1989 n'a pas subordonné l'extension de la période de contrôle " à déterminer par l'Etat membre " à l'édiction d'une réglementation nationale en ce sens, de ce que les obligations énoncées par ce règlement ne créent pas de droits au profit des particuliers, et de ce qu'il y a lieu, le cas échéant, de saisir la Cour de justice des communautés européennes d'une question préjudicielle sur le sens et la portée de l'article 2 du règlement (CEE) n° 4045/89 ne sont pas fondés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le règlement (CEE) n° 4045/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif aux contrôles, par les États membres, des opérations faisant partie du système de financement par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, section "garantie", et abrogeant la directive 77/435/CEE ;
Vu le règlement (CE, EURATOM) n° 2988/95 du 18 décembre 1995 du Conseil de l'UE relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes ;
Vu le règlement (CE) N° 1647/98 de la commission du 27 juillet 1998, modifiant le règlement (CE) n° 411/97 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 2200/96 du Conseil en ce qui concerne les programmes opérationnels, les fonds opérationnels et l'aide financière communautaire ;
Vu l'ordonnance n° 2009-325 du 25 mars 2009 portant création de l'ETABLISSEMENT NATIONAL DES PRODUITS DE L'AGRICULTURE ET DE LA MER ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
Vu la loi de finances rectificative n° 92-1476 du 31 décembre 1992 ;
Vu le décret nº 85-367 du 26 mars 1985 ;
Vu le décret nº 91-157 du 11 février 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 septembre 2012 :
- le rapport de M. Favret, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;
1. Considérant que l'office national interprofessionnel des fruits, des legumes, des vins et de l'horticulture (ONIFLHOR), devenu l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), demande à la Cour d'annuler le jugement en date du 16 octobre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a annulé, à la demande de l'association d'organisations de producteurs Véga Fruits, les deux titres de recettes, notifiés par lettre du 20 décembre 2005, émis par l'office national interprofessionnel des fruits, des légumes, des vins et de l'horticulture (VINIFLHOR) à son encontre pour des montants de 4 521,70 euros et 22 608,53 euros, ainsi que la décision du même jour du directeur de VINIFLHOR demandant de rembourser les sommes précitées ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'en application de l'article 288 alinéa 2 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, les règlements adoptés par les institutions de l'Union européenne ont une portée générale et sont directement applicable dans tout État membre ; qu'il sont donc directement invocables, notamment par un particulier, à l'appui d'un recours devant le juge national ; que, par suite, le moyen de la requête tiré de ce que les obligations énoncées par le règlement susvisé (CEE) n° 4045/89 du Conseil du 21 décembre 1989 ne créent pas de droits au profit des particuliers doit être écarté ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 2 du règlement (CEE) n° 4045/89 du Conseil du 21 décembre 1989 relatif aux contrôles, par les Etats membres, des opérations faisant partie du système de financement par le FEOGA, section garantie, dans sa rédaction issue du règlement (CE) n° 3094/94 du Conseil du 12 décembre 1994 : " 1. Les Etats membres procèdent à des contrôles des documents commerciaux des entreprises (...). / 2. (...) Pour chaque période de contrôle (...), les Etats membres sélectionnent les entreprises à contrôler (...). / Les Etats membres soumettent à la Commission leur proposition relative à l'utilisation de l'analyse des risques. Cette proposition (...) est présentée au plus tard le 1er décembre de l'année précédant le début de la période de contrôle à laquelle elle doit s'appliquer (...). / 4. La période de contrôle se situe entre le 1er juillet et le 30 juin de l'année suivante. / Le contrôle porte sur une période d'au moins douze mois s'achevant au cours de la période de contrôle précédente ; il peut être étendu pour des périodes, à déterminer par l'Etat membre, précédant ou suivant la période de douze mois. " ; qu'aux termes de l'article 4 du même règlement : " Les entreprises conservent les documents commerciaux visés à l'article 1er paragraphe 2 et à l'article 3 pendant au moins trois années, à compter de la fin de l'année de leur établissement. / Les Etats membres peuvent prévoir une période plus longue pour la conservation de ces documents. " ; qu'il résulte de ces dispositions que chaque Etat membre doit procéder à des contrôles a posteriori des documents commerciaux des entreprises, afin de vérifier la réalité et la régularité des opérations faisant directement ou indirectement partie du système de financement par le FEOGA, section " garantie " ; que l'administration peut, sur le fondement de ces seules dispositions, faire porter son contrôle sur les documents commerciaux d'une période plus étendue que la période minimale définie par le paragraphe 4 de l'article 2 de ce règlement ; que, toutefois, si elle procède sur le fondement de ce règlement à un contrôle sur une période plus étendue, l'administration ne saurait fonder la décision qu'elle prend à l'issue de ce contrôle sur le seul fait que des documents commerciaux dont la conservation n'était, eu égard à leur ancienneté, pas obligatoire, ne lui ont pas été présentés ; que, par ailleurs, un contrôle réalisé sur les opérations d'une période couverte par la prescription ne saurait, en tout état de cause, conduire à la poursuite d'une irrégularité commise pendant une telle période ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le Tribunal administratif de Nancy a annulé les titres de recettes et la décision du directeur de l'ONIFLHOR demandant le reversement des sommes litigieuses, en se fondant sur le motif tiré de ce que le contrôle ne pouvait légalement intervenir qu'entre le 1er juillet 2000 et le 30 juin 2001 et non, comme il a été procédé, de mars à mai 2002, en application des dispositions de l'article 2 du règlement (CEE) n° 4045/89 ;
5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'association d'organisations de producteurs Véga Fruits devant le tribunal administratif de Nancy ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que l'ONIFLHOR avait le statut d'établissement public industriel et commercial, rattaché au ministère de l'agriculture et de la pêche ; qu'il était ainsi doté de la personnalité morale, sans que celle-ci ne soit en outre subordonnée à une immatriculation au registre du commerce et des sociétés ; que l'agent comptable de l'office avait la qualité de comptable public et était ainsi compétent pour émettre des titres exécutoires en application de l'article 98 de la loi de finances rectificative susvisée n° 92-1476 du 31 décembre 1992 ; que, par suite, le moyen de l'association d'organisations de producteurs Véga Fruits, tiré de ce que l'ONIFLHOR serait dépourvu de la personnalité morale et que ses actes seraient en conséquence inexistants doit être écarté ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du second alinéa de l'article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, aux termes duquel : " Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. " ; qu'aux termes de l'article 1er de la même loi : " Sont considérés comme autorités administratives au sens de la présente loi les administrations de l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics à caractère administratif, les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif " ; que l'association d'organisations de producteurs Véga Fruits soutient que la demande de reversement du 20 décembre 2005 est signée, sans précision de la qualité du signataire ; que, toutefois, l'ONIFLHOR, qui avait, ainsi qu'il a été dit plus haut, le statut d'établissement public industriel et commercial, n'était pas au nombre des autorités administratives visées par l'article 1er de la loi précitée ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;
8. Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que les décisions attaquées ne mentionnent pas la juridiction devant laquelle doit être, le cas échéant, porté le recours formé à leur encontre, est sans incidence sur leur légalité ;
9. Considérant, en quatrième lieu, que les titres de recette litigieux ont été notifiés à l'association requérante avec une lettre explicative du directeur de l'office en date du 20 décembre 2005, précisant les différentes irrégularités à l'origine de l'émission du titre de recette et le décompte précis des sommes réclamées ; que l'association ne pouvait ainsi ignorer qu'il s'agissait de titres de recettes correspondant au reversement d'aides communautaires perçues par elle au titre du fonds opérationnel de l'année 1999 et à l'application d'une majoration de 20 % sur cette somme ; que, par suite, le moyen de l'association d'organisations de producteurs Véga Fruits, tiré de ce que les titres de recette litigieux ne comporteraient pas les informations requises doit être écarté ;
10. Considérant, en cinquième lieu, qu'à la supposer avérée, la circonstance que la France n'aurait pas communiqué à la Commission européenne, avant le 15 avril 2001, les contrôles ayant porté sur Véga fruits, est sans incidence sur la légalité des décisions attaquées ;
11. Considérant, en sixième lieu, qu'il est constant que les titres de recettes contestés correspondent au reversement d'aides communautaires perçues par l'association requérante au titre du fonds opérationnel de l'année 1999 ; que, par suite, le moyen de l'association d'organisations de producteurs Véga Fruits, tiré de ce que les actes contestés seraient émis à l'encontre d'une personne qui n'est pas le bénéficiaire réel des fonds à reverser doit être écarté ;
12. Considérant, en septième lieu, que le décret nº 85-367 susvisé du 26 mars 1985 confie aux agents de l'Agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole (ACOFA) l'inspection des opérations menées dans le cadre de la réglementation communautaire ; que les agents de l'ACOFA et ceux agissant au nom de l'Office concerné peuvent, sans que les contrôles effectués se trouvent entachés d'irrégularité, intervenir de manière simultanée en application des dispositions des décrets susvisés nº 85-367 du 26 mars 1985 et nº 91-157 du 11 février 1991 ; que, par suite, le moyen de l'association d'organisations de producteurs Véga Fruits, tiré de ce que les contrôles effectués par l'ACOFA seraient dépourvus de base légale doit être écarté ;
13. Considérant, en huitième lieu, que l'administration doit toujours, en matière de sanction, faire application de la loi nouvelle plus douce, immédiatement applicable ; qu'en infligeant à l'association requérante le taux de pénalités de 20 % prévu par le règlement CE n° 609/2001, au lieu des 100 % prévus dans le cadre de la législation antérieure, l'office s'est borné à faire application de la loi nouvelle plus douce ; que, par suite, le moyen de l'association d'organisations de producteurs Véga Fruits, tiré de ce que les sanctions contestées s'appuient sur une réglementation qui n'était pas en vigueur à la date du fonds opérationnel contrôlé doit être écarté ;
14. Considérant, en neuvième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen de l'association d'organisations de producteurs Véga Fruits, tiré de ce que la demande de reversement est fondée sur des titres irréguliers, doit être écarté ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, que l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a annulé les deux titres de recettes, notifiés par lettre du 20 décembre 2005, émis par l'ONIFLHOR à l'encontre de l'association d'organisation de producteurs Véga Fruits pour des montants de 4 521,70 euros et 22 608,53 euros, ainsi que la décision du même jour du directeur de l'ONIFLHOR ;
Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'Union de sociétés coopératives agricoles Véga Fruits demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Union de sociétés coopératives agricoles Véga Fruits une somme de 1 500 euros à verser à l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 0600504 du 16 octobre 2007du Tribunal administratif de Nancy est annulé.
Article 2 : La demande de première instance de l'association d'organisations de producteurs Vega Fruits est rejetée.
Article 3 : L'Union de sociétés coopératives agricoles Véga Fruits versera à l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de l'Union de sociétés coopératives agricoles Véga Fruits tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer et à l'Union de sociétés coopératives agricoles Véga Fruits.
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