Vu la requête, enregistrée le 8 juin 2011, présentée pour la société Semoflex, dont le siège est RN 134 à Ogeu-les-Bains (64680), représentée par son président-directeur général en exercice, par le cabinet Landwell et associés ;
La société Semoflex demande à la Cour d'annuler le jugement n° 0901176 du 12 avril 2011 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a annulé la décision du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville en date du 14 novembre 2008 l'autorisant à licencier M. A ;
Elle soutient que :
- à la date à laquelle elle a saisi l'inspecteur du travail, elle n'avait pas connaissance de l'imminence de la candidature de M. A aux élections prud'homales ;
- les témoignages indirects produits par le salarié sont de pure complaisance ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2011, présenté pour M. A par Me Filliatre, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société Semoflex à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- l'appel est mal fondé, la société ayant eu connaissance de sa candidature avant la date d'engagement de la procédure de licenciement ;
- la décision du ministre était entachée d'illégalité ;
- une décision implicite de rejet du recours de la société étant née le 22 avril 2009, la décision de l'inspecteur du travail, qui n'était pas illégale, ne pouvait dès lors plus être retirée ; cette décision n'est en réalité intervenue que le 5 mai 2009 et ne lui a été notifiée que le 9 mai ;
- le ministre aurait dû prendre en compte son mandat de conseiller prud'homal acquis en cours de procédure le 3 décembre 2008 ;
- en estimant que son employeur n'avait pas connaissance de sa candidature, le ministre a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'inspecteur du travail n'était pas tenu de communiquer les témoignages à son employeur ;
- contrairement à ce qu'a retenu le ministre, les témoignages n'ont pas été rédigés par des personnes placées sous son autorité hiérarchique ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2012, présenté par le ministre du travail, de l'emploi et de la santé qui conclut à l'annulation du jugement attaqué ;
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'erreur de droit, le bénéfice de la protection s'appréciant à la date d'engagement de la procédure de licenciement et non à la date de la décision de l'inspecteur du travail ;
- la candidature de M. A a été déposée à la préfecture le 13 octobre 2008, postérieurement à la convocation à l'entretien préalable au licenciement adressée au salarié le 1er octobre 2008 ;
- les témoignages produits ont été rédigés par des salariés de l'usine dont M. A était le directeur et ne permettent pas d'établir que le président-directeur général de la société Semoflex a été informé de sa candidature aux élections prud'homales ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 octobre 2012 :
- le rapport de Mme Bonifacj,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de Me Hémain, substituant Me Filliatre du cabinet FILOR, avocat de M. A ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2411-22 du code du travail : " Le licenciement du conseiller prud'homme ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. Cette autorisation est également requise pour : (...) 2° Le salarié candidat aux fonctions de conseiller prud'homme dès que l'employeur a reçu notification de la candidature du salarié ou lorsque le salarié fait la preuve que l'employeur a eu connaissance de l'imminence de sa candidature, et pendant une durée de six mois après la publication des candidatures par l'autorité administrative. " ; que lorsque le licenciement d'un salarié doit être précédé d'un entretien avec l'employeur en application des articles L. 1232-2 à L. 1232-4 du même code, l'autorisation de l'inspecteur du travail n'est pas requise pour procéder à ce licenciement si la lettre du syndicat notifiant à l'employeur la candidature du salarié en cause comme conseiller prud'homme n'est reçue par l'employeur qu'après que celui-ci a convoqué le salarié à l'entretien préalable au licenciement, à moins que le salarié apporte la preuve que l'employeur avait connaissance de l'imminence de cette candidature;
2. Considérant que l'inspecteur du travail des Vosges, par une décision du 14 novembre 2008, a refusé d'accorder à la société Semoflex l'autorisation de licencier pour faute M. A, candidat aux élections prud'homales ; que, par une décision en date du 22 avril 2009, le ministre du travail a annulé cette décision, au motif qu'au 1er octobre 2008, date de réception de la convocation préalable à son licenciement, M. A ne bénéficiait pas de la protection prévue à l'article L.2411- 22 du code du travail ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé, pour annuler la décision du ministre, sur le fait que la société avait connaissance de la candidature de M. A aux élections prud'homales à la date à laquelle l'inspecteur du travail a pris sa décision ;
3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le Tribunal administratif de Nancy ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement, fixé au 14 octobre 2008, par une lettre du 1er octobre 2008 ; que, d'une part, il est constant qu'à cette date, la société Semoflex n'avait pas reçu notification de la candidature de l'intéressé aux élections prud'homales par son syndicat ; que, d'autre part, dans les termes où elles sont rédigées, les attestations dont se prévaut M. A ne permettent pas d'apporter la preuve que la société Semoflex avait connaissance de l'imminence de sa candidature avant d'engager la procédure de licenciement ; qu'ainsi, dès lors que l'intéressé ne bénéficiait pas, avant le 1er octobre 2008, de la protection prévue par l'article L. 2411-22 du code du travail, l'inspecteur du travail n'avait pas compétence pour se prononcer, par sa décision du 14 novembre 2008, sur le licenciement de M. A ;
5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. /Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. /Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet " ;
6. Considérant que le recours hiérarchique formé par la société Semoflex contre la décision de l'inspecteur du travail a été reçu par le ministre le 22 décembre 2008 et que celui-ci disposait d'un délai de quatre mois à compter de cette date pour se prononcer ; que, contrairement à ce que soutient M. A, aucune décision implicite de rejet de ce recours n'était encore née le 22 avril 2009, date à laquelle le ministre a annulé la décision refusant le licenciement de l'intéressé ; que la circonstance que la décision du ministre n'a été notifiée au salarié que postérieurement au délai de quatre mois reste sans influence sur sa légalité ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Semoflex est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a annulé la décision du ministre du travail ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Semoflex, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. A au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 12 avril 2011 du Tribunal Administratif de Nancy est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Nancy est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. A tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Semoflex, à M. Eric A et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
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