Vu la requête, enregistrée le 31 janvier 2012, complétée par un mémoire enregistré le 5 juillet 2012, présentée pour la région Lorraine, dont le siège est place Gabriel Hocquard B.P.1004, à Metz Cedex 1 (57036), représentée par son président, par Me Pernot, avocat ;
La région Lorraine demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0704468 du 1er décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg l'a condamnée à payer à la société ACE BTP la somme de 1 781,68 euros TTC majorée des intérêts au taux légal en règlement des soldes de ses marchés n° 2003030082 (commande n°27), n° 2003030084 (commande n°29) et n° 2003030081 (commande n°22), assortie des intérêts au taux légal ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société ACE BTP devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;
3°) de régler ces marchés en arrêtant le montant des décomptes généraux des commandes 27 du lot n° 3, 29 du lot n° 5 et 22 du lot n° 2 " mission de coordination sécurité et protection de la santé relative aux travaux de maintenance des lycées 2003-2005" aux sommes à lui devoir respectivement de 441,47, 726,47 et 887,58 euros ;
4°) de condamner la société ACE BTP à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de retenues pour non exécution de ses prestations contractuelles ;
5°) de mettre à la charge de la société ACE BTP une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La région Lorraine soutient que :
- le président de la région Lorraine bénéficie pendant la durée de son mandat d'une autorisation d'ester en justice au nom de la région ;
- la demande de première instance de la société ACE BTP était irrecevable faute d'avoir été précédée de la demande préalable requise à l'article 40-1 du cahier des clauses administratives générales ;
- les factures corrigées adressées par la région Lorraine à la société ACE BTP par courrier du 11 avril 2007 constituaient les décomptes généraux des missions confiées à cette société par les bons de commande n° 27 pour le lot n° 3, 29 pour le lot n° 5 et 22 pour le lot n° 2; en l'absence de réclamation formée dans les 25 jours de la notification de ces décomptes généraux, la société ACE BTP, qui devait être regardée comme ayant ainsi implicitement accepté ces décomptes, n'était plus recevable à les contester ;
- les absences de la société ACE BTP aux réunions de chantier auxquelles elle était conviée justifiaient l'application des pénalités contractuelles prévues par l'article III 2-2 du cahier des clauses administratives particulières du marché ;
- la société ACE BTP ayant manqué à son engagement contractuel de procéder mensuellement à une visite des chantiers pour lesquels elle assurait la mission de coordinateur sécurité, il était justifié que soit opérée sur la rémunération qui lui était due une retenue forfaitaire de 1 000 euros par bon de commande au titre de cette prestation non exécutée ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance en date du 20 avril 2012 fixant la clôture d'instruction au 18 juin 2012 à 16 heures ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2012, présenté pour la société ACE BTP, dont le siège est situé ZI rue Lavoisier, à Nogent (52800), représentée par son représentant légal en exercice, par Me Barberousse, avocat ; la société ACE BTP conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la région Lorraine de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La société ACE BTP fait valoir que :
- le président de la région Lorraine ne justifiant pas de sa qualité pour agir au nom de la région, sa requête en appel du jugement rendu le 1er décembre 2011 est irrecevable ;
- les factures rectifiées qui lui ont été adressées le 11 avril 2007 ne constituent pas des décomptes généraux faute d'avoir été signées par la personne responsable du marché ;
- son représentant n'ayant pas été convoqué aux réunions de chantier, c'est à raison que les premiers juges l'ont déchargée des pénalités mises à sa charge sur le fondement de l'article III 2-2 du cahier des clauses administratives particulières du marché ;
- dès lors que le marché prévoyait des pénalités, la région Lorraine ne pouvait plus former une demande reconventionnelle tendant à l'octroi de dommages intérêts complémentaires ;
Vu l'ordonnance en date du 18 juin 2012 reportant la clôture de l'instruction au 10 juillet 2012 à 16 heures ;
Vu le mémoire, enregistré le 20 novembre 2012, présenté pour la région Lorraine ;
Vu le mémoire, enregistré le 12 décembre 2012, présenté pour la société ACE BTP ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret no 78-1306 du 26 décembre 1978 modifié approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 décembre 2012 :
- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,
- les conclusions de M. Wiernasz, rapporteur public,
- et les observations de Me Legoux, pour la région Lorraine ;
1. Considérant que par plusieurs marchés à bons de commande signés le 17 mars 2003, la région Lorraine a confié à la société CS BTP les lots 3 " coordination sécurité et protection de la santé (SPS) des travaux de maintenance des lycées pour la période 2003-2005 en secteur 55 ", 5 " coordination sécurité et protection de la santé (SPS) des travaux de maintenance des lycées pour la période 2003-2005 en secteur 57 " et 2 " coordination sécurité et protection de la santé (SPS) des travaux de maintenance des lycées pour la période 2003-2005 en secteur 54 sud" ; que par un bon de commande n° 27 émis au titre du lot n° 3, la société CS BTP a été chargée de la coordination sécurité des travaux de ravalement de façades du lycée Vogt de Commercy ; que par un bon de commande n° 29 émis au titre du lot n° 5, elle a également été chargée de la coordination sécurité des travaux de réfection des bétons et de l'étanchéité des façades du lycée Schuman de Metz ; enfin par un bon de commande n° 22 émis au titre du lot n° 2, elle a été chargée de la coordination sécurité des travaux de remplacement d'un revêtement de sol amianté du lycée Poincaré de Bar-le-Duc ; qu'à la suite de ces travaux, la société CS BTP a transmis à la région Lorraine trois notes d'honoraires d'un montant respectif de 678,13, 512,73 et 710,42 euros TTC ; que la région Lorraine a procédé à la rectification de ces notes et les a retournées à l'entreprise par courrier du 11 avril 2007 ; qu'après application de pénalités pour absences à réunion de chantiers, les soldes restant à devoir à la société CS BTP au titre des missions correspondant à ces trois bons de commande ont été ramenés à 558,53, 342,06 et 112,42 euros TTC ; que par une requête enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Strasbourg le 20 septembre 2007, la société ACE BTP, venant aux droits de la société CS BTP, a sollicité la condamnation de la région Lorraine à lui payer les sommes de 678,13, 512,73 et 710,42 euros TTC en règlement du solde de ses marchés n° 2003030082 (commande n°27), n° 2003030084 (commande n°29) et n° 2003030081 (commande n°22) ; que par un jugement du 1er décembre 2011, le Tribunal administratif de Strasbourg a partiellement fait droit aux demandes de la société ACE BTP en condamnant la région Lorraine à lui verser une somme de 1 781,68 euros majorée des intérêts au taux légal ; que la région Lorraine fait appel de ce jugement et demande à la cour de rejeter la demande de première instance et, subsidiairement, de régler les marchés ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par la société ACE BTP :
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que par une délibération du 26 mars 2010, le conseil régional de Lorraine a autorisé son président à ester en justice au nom de la Région pendant toute la durée de son mandat ; que par suite, la fin de non-recevoir opposée par la société ACE BTP et tirée de ce que la requête serait irrecevable faute pour le président de la région Lorraine de justifier de sa qualité pour agir au nom de la Région ne peut qu'être écartée ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
3. Considérant qu'aux termes de l'article IV-3-2 du cahier des clauses administratives particulières du marché : " Après constatation de l'achèvement de sa mission prévue au bon de commande dans les conditions prévues à l'article III-3 du présent cahier des charges particulières, le titulaire adresse à la personne responsable du marché par lettre recommandée avec accusé de réception ou lui remet, contre récépissé, le projet de décompte correspondant aux prestations fournies ainsi que la proposition d'attestation de réception dont le modèle est joint en annexe. Le montant du décompte est établi par la personne responsable du marché et correspond au montant des sommes dues au titulaire pour sa mission, diminué du montant cumulé des acomptes payés. Le décompte du marché fait apparaître : a) le montant, éventuellement rectifié par la personne responsable du marché, figurant au projet de décompte adressé par le titulaire ; les pénalités éventuelles susceptibles d'être appliquées au titulaire en application des dispositions de l'article " I-4 " du présent cahier des clauses particulières et ce depuis le début de la commande (...) L'absence de rejet du projet de décompte dans les 45 jours de sa transmission au maître d'ouvrage vaut réception tacite de la prestation. En cas de décision expresse de rejet et par dérogation à l'article 12-3 du cahier des clauses administratives générales PI, le titulaire dispose d'un délai de 25 jours, à compter de la notification du nouveau décompte par la personne responsable du marché, pour présenter une réclamation au maître d'ouvrage. Passé ce délai, il est réputé avoir accepté le nouveau décompte. " ;
4. Considérant que la région Lorraine soutient que les factures corrigées qu'elle a adressées à la société ACE BTP par courrier du 11 avril 2007 constituaient les décomptes généraux des missions confiées à cette société par les bons de commande n° 27 lot n° 3, 29 lot n° 5 et 22 lot n° 2 et qu'en l'absence de réclamation formée dans les 25 jours de la notification de ces décomptes généraux, la société ACE BTP, qui devait être regardée comme ayant ainsi implicitement accepté ces décomptes, n'était plus recevable à les contester ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que les factures rectifiées adressées le 11 avril 2007 par la région Lorraine à la société ACE BTP comportent toutes les mentions requises à l'article IV-3-2 du cahier des clauses administratives particulières ; que, d'autre part, aucune disposition réglementaire ou législative ni aucune stipulation du cahier des clauses administratives générales " prestations intellectuelles " ni du cahier des clauses administratives particulières n'impose la signature par la personne responsable du marché du décompte général ; que le courrier du 11 avril 2007 notifiant à la société ACE BTP les décomptes de ses missions a été signé par M. Bruno Welsch, directeur régional du patrimoine et de la logistique, qui, par arrêté du 20 avril 2006, a reçu du président de région délégation pour signer, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme Barthelemy " tous actes, pièces et documents de procédure relatifs à la préparation, la passation, l'exécution et le règlement des marchés de travaux, fournitures et services quels qu'en soient l'objet et le montant, et notamment [...] " "tous actes, pièces et documents nécessaires au règlement des marchés " ; qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que Mme Barthélémy n'aurait pas été empêchée ou absente ; que, par suite, les factures rectifiées adressées le 11 avril 2007 par la région Lorraine à la société ACE BTP valent décomptes généraux des missions prévues aux bons de commande n° 27 lot n° 3, 29 lot n° 5 et 22 lot n° 2 ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la société ACE BTP a formé une réclamation contre les décomptes généraux par un courrier daté du 11 mai 2007, soit plus de 25 jours après la réception le 13 avril 2007 des décomptes généraux de ses missions ; que la société ACE BTP doit être regardée comme ayant ainsi implicitement accepté ces décomptes ; que les décomptes généraux notifiés le 13 avril 2007 étant devenus définitifs, la société ACE BTP n'était plus recevable à les contester ; que la région Lorraine est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamnée à payer à la société ACE BTP une somme de 1 781,68 euros en règlement du solde des missions prévues aux bons de commande n° 27 lot n° 3, 29 lot n° 5 et 22 lot n° 2 ;
7. Considérant que le caractère définitif des décomptes notifiés le 13 avril 2007 fait obstacle à ce que la région Lorraine demande la condamnation de la société ACE BTP à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de retenue pour prestations non effectuées ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la région Lorraine est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg l'a condamnée à payer à la société ACE BTP la somme de 1 781,68 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société ACE BTP la somme que la région Lorraine demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par la société ACE BTP soient mises à la charge de la région Lorraine, qui n'est pas la partie perdante ;
D É C I D E :
Article 1er : L'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Strasbourg du 1er décembre 2011 est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de la société ACE BTP tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la région Lorraine et à la société ACE BTP.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2012, à laquelle siégeaient :
M. Lapouzade, président de chambre,
Mme Rousselle, président,
M. Laubriat, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 janvier 2013.
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