Vu la requête, enregistrée le 14 mars 2012, complétée par deux mémoires enregistrés les 3 juillet et 19 octobre 2012, présentée pour la société Lohner, dont le siège est au 32, rue de la Gare, à Duppigheim (67120), représentée par son représentant légal, par Me Séguin ; la société Lohner demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1005243 du 16 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la SNCF à lui payer la somme de 49 590,20 euros majorée des intérêts légaux à compter du 12 août 2010 ;
2°) de condamner la SNCF à lui payer la somme de 49 590,20 euros majorée des intérêts légaux à compter du 12 août 2010 et anatocisme ;
3°) de mettre à la charge de la SNCF la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La société Lohner soutient que :
- la SNCF, alors qu'elle était informée de l'intervention de la société Lohner en qualité de sous-traitant, a commis une faute en ne mettant pas en demeure la société Bator France de se conformer à ses obligations au regard des dispositions de la loi du 31 décembre 1975 ;
- la SNCF a omis d'informer la société Lohner de ce qu'elle remplissait les conditions pour bénéficier du paiement direct ;
- la SNCF a commis une faute en réglant à la société Bator France la totalité du solde de son marché sans s'inquiéter de savoir si celle-ci avait payé son sous-traitant ;
- du fait des fautes commises par la SNCF, elle a été privée du solde du prix de ses travaux soit 49 590,20 euros TTC ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2012, complété par un mémoire enregistré le 17 août 2012, présentés pour la SNCF, dont le siège est au 34, rue du commandant Mouchotte, à Paris (75014), représentée par son président, par Me Robinet, qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Lohner de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu l'ordonnance en date du 10 juillet 2012 fixant la clôture de l'instruction le 31 juillet 2012 à 12 heures ;
Vu l'ordonnance en date du 31 août 2012 rouvrant l'instruction ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 décembre 2012 :
- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,
- les conclusions de M. Wiernasz, rapporteur public,
- et les observations de Me Hanriat pour la société Lohner, et Me Robinet pour la SNCF ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la loi susvisée du 31 décembre 1975 : " Pour les contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics : - le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet des obligations définies à l'article 3 ou à l'article 6, ainsi que celles définies à l'article 5, mettre l'entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s'acquitter de ces obligations. Ces dispositions s'appliquent aux marchés publics et privés ; [...] " ;
2. Considérant que le 9 février 2009, la SNCF a conclu avec la société Bator France un marché de travaux pour le remplacement de la porte coulissante des ateliers ferroviaires de Bischheim ; que la société Bator France a sous-traité à la société Lohner la fourniture et la pose d'un ensemble de rideaux d'air soufflants électriques pour la somme de 63 636,39 euros HT. ; qu'après achèvement de ses travaux, la société Lohner a adressé le 29 septembre 2009 à la société Bator France une facture pour un montant TTC de 74 590,20 euros ; que sur cette somme, la société Bator n'a réglé à la société Lohner le 4 janvier 2010 qu'un acompte de 25 000 euros. ; que par jugement du 24 février 2010 rendu par la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Strasbourg, la société Bator France a été mise en liquidation judiciaire ; que la société Lohner demande l'annulation du jugement du 16 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la SNCF à lui payer la somme de 49 590,20 euros en réparation du préjudice résultant des fautes commises par cette dernière au regard des obligations qui pesaient sur elle en application des dispositions précitées de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975 ;
Sur les conclusions indemnitaires :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975 : " L'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage ; l'entrepreneur principal est tenu de communiquer le ou les contrats de sous-traitance au maître de l'ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande.[...] " ; qu'aux termes de l'article 5 de la même loi : " Sans préjudice de l'acceptation prévue à l'article 3, l'entrepreneur principal doit, lors de la soumission, indiquer au maître de l'ouvrage la nature et le montant de chacune des prestations qu'il envisage de sous-traiter, ainsi que les sous- traitants auxquels il envisage de faire appel./ En cours d'exécution du marché, l'entrepreneur principal peut faire appel à de nouveaux sous-traitants, à la condition de les avoir déclarés préalablement au maître de l'ouvrage. " ; que l'article 6 dispose que : " Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution [...]. " ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Bator France a, contrairement aux affirmations de la société Lohner, transmis à la SNCF le 4 mars 2009 le formulaire de déclaration de sous-traitance souscrit par la société Lohner ; que la société Bator France s'étant ainsi conformée aux obligations découlant des articles 3 et 5 précités de la loi du 31 décembre 1975, la SNCF n'avait par suite pas à la mettre en demeure de s'acquitter desdites obligations ; qu'il s'ensuit que la société Lohner n'est pas fondée à soutenir que la SNCF aurait commis une faute en s'abstenant de mettre en demeure la société Bator France de se conformer à ses obligations au regard des dispositions de la loi du 31 décembre 1975 ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du cahier des clauses et conditions générales des marchés de travaux passés par RFF et/ou la SNCF applicable au marché en cause : " 2-51 : Le silence de la personne responsable du marché gardé pendant vingt-et-un jours à compter de la réception de la demande présentée postérieurement à la notification du marché vaut acceptation du sous-traitant et agrément de ses conditions de paiement. L'acte spécial de sous-traitance est dans ce cas signé du seul entrepreneur qui sous-traite. [...] 2-54 : Dès la notification du marché, ou dès qu'une demande de sous-traitance postérieure à celle-ci est réputée acceptée, l'entrepreneur remet au sous-traitant une copie de la partie du marché ou de l'acte spécial portant acceptation dudit sous-traitant et agrément de ses conditions de paiement. " ;
6. Considérant qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la SNCF aurait rejeté la déclaration que lui a transmise la société Bator France le 4 mars 2009 et tendant à l'agrément de la société Lohner en qualité de sous-traitant ; que par suite, le silence gardé pendant plus de 21 jours par la SNCF à compter de la réception le 4 mars 2009 de la déclaration remplie par la société Lohner valait acceptation tacite de cette société comme sous-traitant et agrément de ses conditions de paiement ; qu'en application des stipulations de l'article 2-54 du cahier des clauses et conditions générales des marchés de travaux passés par RFF et/ou la SNCF, il incombait dès lors à l'entrepreneur principal et non à la SNCF d'informer la société Lohner de sa qualité de sous-traitant et de l'agrément de ses conditions de paiement ; que la société Lohner n'est par suite pas fondée à soutenir que la SNCF aurait commis une faute en omettant de l'informer de ce qu'elle remplissait les conditions pour bénéficier du paiement direct ;
7. Considérant, en troisième lieu, que la société Lohner soutient que la SNCF a commis une faute en réglant à la société Bator France la totalité du solde du prix de son marché sans s'inquiéter de savoir si celle-ci avait payé son sous-traitant ;
8. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 8 de la loi du 31 décembre 1975 : " L'entrepreneur principal dispose d'un délai de quinze jours, comptés à partir de la réception des pièces justificatives servant de base au paiement direct, pour les revêtir de son acceptation ou pour signifier au sous-traitant son refus motivé d'acceptation./ Passé ce délai, l'entrepreneur principal est réputé avoir accepté celles des pièces justificatives ou des parties de pièces justificatives qu'il n'a pas expressément acceptées ou refusées. " ; qu'aux termes, d'autre part, du cahier des clauses et conditions générales des marchés de travaux passés par RFF et/ou la SNCF : " 13-51 : Lorsqu'un sous-traitant est à payer directement, le paiement des acomptes et du solde est subordonné à son acceptation par l'entrepreneur qui sous-traite et à la remise des factures correspondantes à celui-ci. Cet entrepreneur indique la somme à prélever sur celles qui lui sont dues et à faire régler à ce sous-traitant.13-53 : Conformément à l'article 8 de la loi n° 75- 1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, l'entrepreneur qui sous-traite dispose d'un délai de quinze jours, comptés à partir de la réception des pièces justificatives que le sous-traitant lui a fait parvenir en vue du paiement direct, pour les accepter ou pour signifier au sous-traitant son refus motivé d'acceptation. Passé ce délai, il est réputé avoir accepté celles des pièces justificatives ou des parties de pièces justificatives qu'il n'a pas expressément acceptées ou refusées. a) Lorsqu'au terme de ce délai de quinze jours, le sous-traitant n'a pas obtenu de réponse favorable ou s'est vu opposer un refus non motivé, il peut signaler cet état de fait au maître d'oeuvre en lui transmettant directement une copie de ses pièces justificatives, ainsi que de l'avis de réception de celles-ci par l'entrepreneur. Le maître d'oeuvre met en demeure l'entrepreneur de lui prouver qu'il a opposé un refus motivé d'acceptation à son sous-traitant dans ce délai de quinze jours. En l'absence d'une telle preuve, la personne responsable du marché paye au sous-traitant la somme qui lui est due. [...] " ;
9. Considérant qu'alors que les travaux sous-traités à la société Lohner avaient été achevés le 26 mai 2009, la réception des travaux prononcée sans réserve le 9 juin 2009, le décompte général et définitif des travaux établi le 10 août 2009, la société Lohner n'a présenté sa facture à la société Bator que le 29 septembre 2009 ; qu'à la date du 5 octobre 2009 à laquelle la SNCF a réglé à la société Bator France le solde du prix de son marché, elle n'avait réceptionné aucune demande de règlement émanant directement ou indirectement de la société Lohner ; que la SNCF n'ayant pas été saisie en temps utile d'une demande de paiement direct, elle n'a en conséquence commis aucune faute en mandatant la totalité du solde du montant du marché à l'entreprise principale, et ce alors même qu'elle avait connaissance de l'intervention de la société Lohner en qualité de sous-traitant ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Lohner, qui ne peut se prévaloir d'aucune faute commise par la SNCF, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SNCF, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la société Lohner au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Lohner une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SNCF et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Lohner est rejetée.
Article 2 : La société Lohner versera à la SNCF une somme de 1 500 (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Lohner et à la SNCF.
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