Vu la requête, enregistrée le 20 avril 2012, complétée par un mémoire enregistré le 12 décembre 2012, présentée pour la société Technivit Services, dont le siège est au 15, rue des Etangs, à Messein (54850), représentée par son gérant en exercice, par Me Gundermann, avocat ; la société Technivit Services demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1000806 du 21 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Nancy à lui verser, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, subsidiairement de la responsabilité extracontractuelle, une somme de 262 139,28 euros avec intérêt au taux légal à compter du 20 janvier 2010 en réparation du préjudice résultant de la non exécution par le centre hospitalier du marché 0788/09;
2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Nancy à lui verser, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, subsidiairement de la responsabilité extracontractuelle, une somme de 262 139,28 euros avec intérêt au taux légal à compter du 20 janvier 2010 ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Nancy une somme de 3 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
La société Technivit services soutient que :
- sa demande de première instance était recevable dès lors qu'elle a transmis son mémoire en réclamation dans les deux mois suivant le 2 décembre 2009, jour où le différend est apparu ;
- c'est à tort que le Tribunal administratif de Nancy a considéré que le marché qui lui avait été notifié le 16 novembre 2009 par le centre hospitalier de Nancy concernant le lot n° 1 " meubles d'office inox à roulettes " était nul au motif que le consentement du centre hospitalier avait été vicié ; la méprise commise par le centre hospitalier, qui a interverti les offres de prix des lots 1 et 2 pour tous les candidats, ne constitue pas une erreur sur la substance de la chose objet du contrat ou une erreur sur la personne, seules de nature à constituer une cause de nullité du contrat aux termes de l'article 1110 du code civil ; en tout état de cause, cette erreur ne constitue pas un vice d'une particulière gravité justifiant que soit écarté le contrat ;
- le contrat étant valablement conclu, le centre hospitalier universitaire devait lui payer le prix convenu ;
- en tout état de cause, la nullité du contrat résultant d'une faute du centre hospitalier, elle a droit au paiement du bénéfice dont elle a été privée par la nullité du contrat ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2012, présenté pour le centre hospitalier universitaire de Nancy, dont le siège est au 29, avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny, représenté par son directeur, par MeA..., qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Technivit Services de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Le centre hospitalier universitaire de Nancy soutient que :
- le mémoire en réclamation était tardif ce qui rend irrecevables les conclusions présentées sur le fondement contractuel ;
- les conclusions présentées sur le fondement extracontractuel sont irrecevables faute de demande préalable ;
- son consentement ayant été vicié par l'erreur commise sur le prix de l'offre, le contrat n'a pas été valablement formé ;
- la société requérante ne justifie d'aucun préjudice direct et certain ;
Vu l'ordonnance en date du 20 décembre 2012 fixant la clôture de l'instruction le 11 janvier 2013 à 16 heures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 mai 2013 :
- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,
- les conclusions de M. Wiernasz, rapporteur public,
- et les observations de Me Gundermann, pour la Société Technivit Services ;
1. Considérant que le 25 juin 2009, le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nancy a publié un avis d'appel public à la concurrence pour la fourniture de mobiliers de cuisine ; que ce marché comportait un lot n° 1 : meubles d'offices inox à roulettes et un lot n° 2 : armoires inox à roulettes ; que par courrier du 27 octobre 2009, le CHU a informé la société Technivit Services qu'elle était attributaire du lot n° 1 et a rejeté son offre pour le lot n° 2 ; que par courrier du 16 novembre 2009, la société Technivit Services a reçu notification du marché 0788/09 pour le lot n° 1 ; que dès le lendemain, le CHU a informé la société Technivit par télécopie qu'une erreur s'était glissée dans le courrier du 27 octobre 2009 et qu'elle était attributaire du lot n° 2 ; que par courrier du 2 décembre 2009, la société Technivit Services a reçu notification du marché 0812/09 pour le lot n° 2 ; que la société Technivit Services demande l'annulation du jugement du 21 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la condamnation du CHU de Nancy à lui verser, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, subsidiairement de la responsabilité extracontractuelle, une somme de 262 139,28 euros avec intérêt au taux légal à compter de sa réclamation préalable réceptionnée le 20 janvier 2010 en réparation du préjudice résultant de la non exécution par le centre hospitalier du marché 0788/09 ;
Sur les conclusions indemnitaires :
Sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande :
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle :
2. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'analyse des offres, que lors de la sélection des offres, le CHU a interverti les offres de prix des lots 1 et 2 pour tous les candidats ; qu'ainsi, pour le lot n° 1, le prix unitaire retenu par le CHU pour l'offre de la société Technivit Services était de 1 165 euros HT alors que l'offre de cette société pour ce lot s'élevait à 2 810 euros HT l'unité ; que pour le lot n° 2 le prix unitaire retenu pour l'offre de la société Technivit Services était de 2 810 euros alors que son offre s'élevait pour ce lot à 1 165 euros HT l'unité ; que le CHU a ainsi commis une erreur sur le prix ; que du fait de ce malentendu grossier, qui a vicié le consentement du centre hospitalier, le contrat n'a pu valablement se former, et qu'au demeurant, dès le lendemain de la notification du marché en litige, le CHU a informé la société Technivit Services de l'erreur commise par ses services ; que, par suite, la société Technivit Services n'est pas fondée à rechercher la responsabilité contractuelle du CHU de Nancy ;
En ce qui concerne la responsabilité extracontractuelle :
3. Considérant que l'erreur matérielle commise par le pouvoir adjudicateur dans le processus de sélection des offres constitue une négligence fautive de nature à ouvrir droit à réparation ;
4. Considérant que dans le cas ou la nullité du contrat résulte, comme en l'espèce, d'une faute de l'administration, l'entrepreneur peut prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l'administration ; qu'à ce titre il peut demander le paiement des sommes correspondant aux dépenses exposées par lui pour l'exécution du contrat et des gains dont il a été effectivement privé par sa nullité, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre ; que de telles prétentions ne sauraient toutefois être admises que dans la mesure ou la faute de l'administration s'est effectivement révélée dommageable pour le titulaire du marché ;
5. Considérant, en premier lieu, que la société Technivit Services n'établit pas ni même n'allègue avoir exposé des dépenses pour exécuter le lot n° 1 ;
6. Considérant, en second lieu, que le marché en cause était un marché à bons de commande qui ne prévoyait aucun montant ni quantité minimum et maximum de commandes ; qu'ainsi, en l'absence de toute obligation de commande et dès lors qu'aucun bon de commande n'a été émis au titre de ce marché, la société Technivit services ne pouvait escompter, de façon certaine, aucune bénéfice ; que, par suite, n'ayant subi aucun préjudice du fait de la faute commise par le CHU de Nancy, elle n'est pas fondée à demander la condamnation de ce dernier sur un fondement extra contractuel ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Technivit Services n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier universitaire de Nancy qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société Technivit Services la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société Technivit Services une somme de 1 500 euros à verser au centre hospitalier au même titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Technivit Services est rejetée.
Article 2 : La société Technivit Services versera au centre hospitalier universitaire de Nancy une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Technivit Services et au centre hospitalier universitaire de Nancy.
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N° 12NC00736