Vu la requête, enregistrée le 30 mars 2012, complétée par un mémoire enregistré le 15 mars 2013, présentée pour M. A... D..., demeurant..., et Mme C...D..., demeurant..., par Me B... ;
Ils demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement portant les n° 1105653 et 1105654 du 2 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 5 octobre 2011 par lesquels le préfet de la Moselle a refusé de les admettre au séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;
2°) d'annuler les arrêtés contestés ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de leur délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer leur situation dans un délai déterminé au besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1200 euros à verser à Me B...en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
Sur le refus de séjour :
- la motivation du refus de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est insuffisante ;
- le refus de séjour est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que la famille est bien insérée en France, où les enfants sont scolarisés, et qu'elle ne saurait mener une vie normale en Russie ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- il appartenait au préfet, en application du droit d'être entendu qui constitue un principe général du droit de l'Union européenne, et qui résulte de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de les informer de ce qu'ils étaient susceptibles de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et de les mettre en mesure de présenter leurs observations ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :
- le préfet s'est cru lié par les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour fixer le délai de départ volontaire à un mois en méconnaissance des dispositions de la directive du 16 décembre 2008 ;
- l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne imposait au préfet de solliciter leurs observations préalables avant de fixer le délai de départ volontaire ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- ils encourent des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans leurs pays d'origine, compte tenu des pathologies dont ils souffrent ;
Vu le jugement et les arrêtés attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2013, présenté par Préfet de la Moselle, qui conclut au rejet de la requête ;
Il s'en remet à son mémoire de première instance et soutient en outre que :
- il existe des soins appropriés à leur état de santé en Russie ;
- les intéressés ne peuvent se prévaloir des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 pour soutenir que leur droit d'être mis à même de présenter leurs observations a été méconnu ;
- ils ont été mis à même de présenter leurs observations, notamment lors de leurs visites en préfecture ;
- les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux ne peut être utilement invoquée ;
- les dispositions de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 n'imposent pas d'organiser une procédure contradictoire avant toute décision de retour ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer les conclusions à l'audience ;
Vu les décisions du président du bureau d'aide juridictionnelle en date du 15 mars 2012 admettant M. D...et Mme D...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 juin 2013 :
- le rapport de Mme Dulmet, première conseillère ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Sur la légalité des refus de titre de séjour :
1. Considérant que les arrêtés contestés, qui détaillent les conditions d'entrée et de séjour en France des intéressés et visent les textes dont ils font application pour refuser de les admettre au séjour sont suffisamment motivés en droit et en fait ;
2. Considérant que M. et MmeD..., ressortissants russes, font valoir qu'ils ne peuvent mener une vie familiale normale en Russie et qu'ils ont deux enfants nés en 2007 et 2010 dont l'aîné est scolarisé en France ; que cependant il ne ressort pas des pièces du dossier que les requérants, entrés en France en 2009, soient dépourvus d'attaches hors de France, ni qu'ils ne pourraient y reconstituer leur cellule familiale ; que dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions de leur séjour en France, les refus de séjour qui leur ont été opposés ne portent pas à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts dans lesquels ces décisions ont été prises, et, par suite, ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il ne ressort pas des circonstances qui viennent d'être évoquées que les refus de séjour contestés seraient entachés d'erreur manifeste quant à l'appréciation de leurs conséquences sur la vie personnelle des intéressés ;
Sur la légalité des obligations de quitter le territoire français :
3. Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. et Mme D...n'établissent pas l'illégalité de la décision leur refusant la délivrance d'un titre de séjour ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de fondement légal des décisions leur faisant obligation de quitter le territoire ne peut qu'être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de 1'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I- L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. / L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office " ; qu' aux termes de l'article L. 512-3 du même code : " (...) L'obligation de quitter le territoire français ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration du délai de départ volontaire ou, si aucun délai n'a été accordé, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, ni avant que le tribunal administratif n'ait statué s'il a été saisi. L'étranger en est informé par la notification écrite de l'obligation de quitter le territoire français. " ;
5. Considérant que lorsqu'il fait obligation à un étranger de quitter le territoire français sur le fondement du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit interne de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, le préfet doit être regardé comme mettant en oeuvre le droit de l'Union européenne ; qu'il lui appartient, dès lors, d'en appliquer les principes généraux, qui incluent le droit à une bonne administration ; que, parmi les principes que sous-tend ce dernier, figure celui du droit de toute personne à être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne, ce droit se définit comme le droit de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief ; que ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales ;
6. Considérant que, lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, du fait même de l'accomplissement de cette démarche, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à cette occasion, il est appelé à préciser les motifs qui, selon lui, sont susceptibles de justifier que lui soit accordé un droit au séjour en France et qui feraient donc obstacle à ce qu'il soit tenu de quitter le territoire français, ainsi qu'à fournir tous les éléments venant à l'appui de sa demande ; qu' il doit en principe se présenter personnellement aux services de la préfecture et qu'il lui est donc possible d'apporter toutes les précisions qu'il juge utiles à l'agent chargé d'enregistrer sa demande, voire de s'informer des conséquences d'un éventuel refus opposé à sa demande ; qu'ainsi, la seule circonstance que le préfet qui refuse la délivrance ou le renouvellement du titre sollicité par l'étranger en assortissant cette décision d'une obligation de quitter le territoire français n'a pas, préalablement à l'édiction de cette mesure d'éloignement, et de sa propre initiative, expressément informé l'étranger qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour il serait susceptible d'être contraint de quitter le territoire français, en l'invitant à formuler ses observations sur cette éventualité, n'est pas de nature à faire regarder l'étranger comme ayant été privé de son droit à être entendu au sens du principe général du droit de l'Union européenne tel qu'il est notamment exprimé au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
7. Considérant que M. et Mme D...font valoir qu'ils n'ont pas été informés par le préfet qu'ils étaient susceptibles de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ni mis en mesure de présenter leurs observations sur l'éventualité d'une telle mesure ainsi que sur ses modalités d'exécution, avant qu'il ne leur soit fait obligation, le 5 octobre 2011, de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que toutefois cette mesure fait suite au rejet, par deux décisions du même jour, de leurs demandes de titre de séjour ; qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que dans un tel cas aucune obligation d'information préalable ne pesait sur le préfet ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les requérants aient sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ni qu'ils aient été empêchés de présenter ses observations avant que ne soit prise les mesures d'éloignement litigieuses ; que, dans ces conditions, M. et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir qu'ils ont été privés du droit d'être entendu qu'ils tiennent du principe général du droit de l'Union ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ;(...) " ;
9. Considérant que les certificats médicaux produits par M. et Mme D...en première instance ne comportent aucun élément de nature à contredire les avis du médecin de l'agence régionale de santé Lorraine en date des 14 février 2012, 14 mai 2012, et 30 août 2012 selon lesquels les intéressés peuvent bénéficier d'un traitement approprié à leur état de santé dans leur pays d'origine vers lequel ils peuvent voyager sans risque; que les requérants ne sont par suite pas fondés à se prévaloir des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la légalité des décisions fixant à trente jours le délai de départ volontaire :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...). II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. (...) " ;
11. Considérant qu'il ressort des arrêtés contestés que M. et Mme D...qui ont sollicité la délivrance d'un titre de séjour, ne pouvaient ignorer qu'en cas de rejet de leur demande, une mesure d'éloignement serait en principe prise à leur encontre et qu'un délai de trente jours leur serait laissé pour quitter le territoire ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. et Mme D...auraient sollicité en vain un entretien ni qu'ils aient été privés de la possibilité de faire valoir auprès de l'administration des informations pertinentes susceptibles de conduire à l'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ; que, dans ces conditions, M. et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir qu'ils ont été privés du droit d'être entendus qu'ils tiennent du principe général du droit de l'Union ;
12. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Moselle se serait cru lié par le délai de trente jours et n'aurait pas examiné, au vu des pièces dont il disposait, la possibilité de prolonger le délai de départ volontaire octroyé à M. et Mme D...avant de le fixer à trente jours ;
Sur la légalité des décisions fixant le pays de renvoi :
13. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que selon l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ;
14. Considérant qu'en se bornant à renvoyer au récit produit à l'appui de leurs demandes d'asile politique, lesquelles au demeurant ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, et en indiquant qu'ils ne pourraient pas être soignés dans leur pays d'origine, M. et Mme D...n'apportent pas d'éléments suffisants de nature à établir qu'ils seraient personnellement exposés à des risques pour leur vie ou leur intégrité physique en cas de retour en Russie ; que, dès lors, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que les décisions fixant la Russie comme pays de renvoi seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, M. et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions accessoires à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D..., à Mme C...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
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12NC00561