La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/01/2014 | FRANCE | N°12NC01359

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 23 janvier 2014, 12NC01359


Vu, (I) la requête n° 12NC01359, enregistrée le 31 juillet 2012, présentée pour la société Entreprise de Travaux et Matériaux, ayant son siège 17 rue d'Eschau à Illkirch-Graffenstaden (67400), par la SCP Alain-François Roger - Anne Sevaux ;

La société Entreprise de Travaux et Matériaux demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102201 du 30 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 janvier 2011 par lequel le préfet du Bas-Rhin l'a mise en demeure de sécuriser les berges d

e la carrière située route d'Eschau par remblayage ;

2°) de faire droit à sa dema...

Vu, (I) la requête n° 12NC01359, enregistrée le 31 juillet 2012, présentée pour la société Entreprise de Travaux et Matériaux, ayant son siège 17 rue d'Eschau à Illkirch-Graffenstaden (67400), par la SCP Alain-François Roger - Anne Sevaux ;

La société Entreprise de Travaux et Matériaux demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102201 du 30 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 janvier 2011 par lequel le préfet du Bas-Rhin l'a mise en demeure de sécuriser les berges de la carrière située route d'Eschau par remblayage ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance et d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin en date du 12 janvier 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la décision de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 18 octobre 2010 a été annulée par le Conseil d'Etat, la décision du tribunal administratif de Strasbourg étant dès lors entachée d'erreur d'appréciation quant à l'autorité de chose jugée attachée à la décision annulée de la cour ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 décembre 2012, présenté pour le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie qui conclut au rejet de la requête ;

Le ministre soutient que l'autorité de chose jugée s'imposait sans restriction et le préfet du Bas-Rhin était dès lors tenu de prendre l'arrêté litigieux en exécution de la décision de la cour administrative d'appel ; que le moyen tiré de l'incompétence était inopérant tout comme celui tiré de l'existence d'un pourvoi en cassation dirigé contre l'arrêt de la cour administrative d'appel ; que l'arrêt de la cour administrative d'appel à l'origine de l'arrêté du 12 janvier 2011 a été annulé par le Conseil d'Etat postérieurement à l'édiction de l'arrêté litigieux ;

Vu, (II) la décision du 8 octobre 2012, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy le 16 octobre 2012 sous le n° 12NC01691, par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par la société Entreprise de Travaux et Matériaux, annulé l'arrêt n° 09NC01420 de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 18 octobre 2010 et a renvoyé devant la même cour le jugement de la requête présentée par la commune d'Illkirch-Graffenstaden contre le jugement n° 0504645 du 11 juin 2009 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 juin 2005 du préfet du Bas-Rhin ;

Vu la requête, enregistrée le 18 septembre 2009 sous le n° 09NC01420, et complétée par des mémoires enregistrés les 20 octobre 2009, 21 septembre 2010, 9 janvier 2013, 4 mars 2013, 4 juin 2013 et 3 décembre 2013, présentée pour la commune d'Illkirch-Graffenstaden, représentée par son maire dûment habilité, par Me A... ;

La commune d'Illkirch-Graffenstaden demande à la cour, dans le dernier état de ses conclusions :

1°) d'annuler le jugement n° 0504645 du 11 juin 2009 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 16 juin 2005 par lequel le préfet du Bas-Rhin a autorisé la société anonyme Entreprise de Travaux et de Matériaux (ETM) à mettre en sécurité les berges de la gravière située route d'Eschau ;

2°) d'enjoindre sous astreinte à l'exploitant de procéder à la remise en état de la carrière telle qu'elle est prévue par l'arrêté préfectoral du 12 mai 1999, ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre sous astreinte à l'Etat d'utiliser ses pouvoirs de sanction administrative à l'encontre de l'exploitant au besoin en utilisant les garanties financières constituées par celui-ci ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'arrêté est entaché d'incompétence en l'absence de délégation de signature régulière au bénéfice du secrétaire général de la préfecture ;

- le préfet du Bas-Rhin ne pouvait légalement prendre un arrêté complémentaire et devait exiger de la société ETM le dépôt d'une nouvelle autorisation d'exploitation au regard de l'activité autorisée et d'une nouvelle enquête publique ainsi que d'une nouvelle autorisation de la commune en tant que propriétaire des terrains ;

- une nouvelle étude d'impact était nécessaire tant au regard de l'impact des travaux autorisés, notamment en termes de trafic routier, qu'au titre de la loi sur l'eau s'agissant du remblaiement d'une zone humide ;

- l'arrêté ne fait état d'aucun danger ou inconvénient qui n'aurait pas été antérieurement pris en compte ;

- la constitution d'un dépôt définitif de déchets inertes, qui ne relève pas du régime des installations classées, aurait dû être soumise à la police des eaux et notamment à autorisation selon les articles L. 214-1 et suivants du code de l'environnement ;

- l'exhaussement du sol engendré par l'arrêté litigieux est soumis à une autorisation d'urbanisme en application des dispositions des articles L. 442-1 et R. 442-1 et suivants du code de l'urbanisme, cette décision relevant du maire ;

- la demande de l'exploitant de remblayer la carrière avec des déchets inertes aurait dû faire l'objet d'un rejet de plein droit en application de l'article R. 512-15 du code de l'environnement et de l'autorité de la chose décidée ;

- le préfet avait compétence liée pour mettre en demeure l'exploitant de se conformer aux prescriptions de son arrêté d'autorisation relatives à la remise en état du site et au remblayage ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions de la décision 2003/33/CE et de la directive 1999/31/CE, les déchets issus de matériaux contenant de l'amiante ne constituant pas des déchets inertes en droit européen ;

- le préfet n'a pas épuisé sa compétence en ne précisant pas les matériaux admis sur le site et en ne déterminant pas l'autorité chargée du contrôle ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation quant aux délais impartis ;

- l'arrêté est pris sur le fondement de dispositions réglementaires inconstitutionnelles dès lors que ces dispositions attribuent au préfet des pouvoirs non prévus par une disposition législative et méconnaissent l'article 34 de la Constitution et l'article 7 de la Charte de l'environnement ;

- l'arrêté litigieux traduit la violation de son droit de propriété ;

- l'arrêté litigieux traduit le refus de l'Etat d'engager un processus de sanction et s'avère ainsi entaché de détournement de pouvoir ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 janvier 2010, complété par des mémoires enregistrés les 11 février 2013 et 4 avril 2013, présenté pour la société anonyme Entreprise de Travaux et de Matériaux (ETM), par Me B... ;

La société ETM conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune d'Illkirch-Graffenstaden la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société Entreprise de Travaux et Matériaux soutient que :

- le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision litigieuse n'est pas fondé ;

- le moyen tiré de l'absence d'étude d'impact n'est pas fondé ;

- la décision litigieuse ne porte atteinte à aucun droit acquis et ne méconnaît pas la chose décidée ;

- l'arrêté litigieux n'est entaché d'aucune erreur de droit au regard de l'article L. 512-15 du code de l'environnement, aucune activité nouvelle n'étant autorisée en l'espèce ;

- l'arrêté contesté n'a pas été pris en méconnaissance de la directive 1999/31/CE ou de la décision 2003/33/CE ;

- l'arrêté complémentaire comporte des prescriptions régulières quant aux matériaux autorisés pour le remblaiement ainsi que sur le contrôle des opérations en cause ;

- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 214-1 et suivants du code de l'environnement n'est pas assorti de précisions suffisantes et n'est pas opérant ni même fondé en l'état ;

- l'arrêté n'a pas été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 514-1 du code de l'environnement ;

- le détournement de pouvoir n'est pas établi ;

- le moyen tiré de l'absence d'autorisation du propriétaire du terrain n'est pas opérant en ce qui concerne un arrêté complémentaire ;

- le moyen tiré de l'erreur d'appréciation quant aux délais de réalisation des opérations litigieuses n'est pas fondé ;

- le moyen tiré de la violation du droit de propriété n'est pas fondé au regard de l'objectif d'intérêt général poursuivi par l'arrêté litigieux sur le fondement de la législation sur les installations classées ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 septembre 2010, complété par un mémoire enregistré le 1er mars 2013, présenté par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, qui conclut au rejet de la requête ;

Le ministre s'en remet aux écritures de première instance et fait valoir que :

- le moyen tiré de l'absence de délégation de signature régulièrement publiée manque en fait ;

- les opérations autorisées par l'arrêté litigieux ne constituent pas l'exploitation d'une décharge au sens de la directive du 26 avril 1999 ;

- l'autorisation du propriétaire du terrain n'était pas requise avant l'édiction de l'arrêté contesté ;

- la décision a été prise dans le cadre de la police des installations classées et ne pouvait être soumise à la législation relative à la police de l'eau au regard de l'article L. 214-1 du code de l'environnement ;

- l'arrêté complémentaire donne un fondement légal aux opérations autorisées qui n'étaient donc pas soumises aux dispositions de l'article R. 512-15 du code de l'environnement ;

Vu les jugements et les arrêtés attaqués ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 12NC01691 du 22 juillet 2013 par laquelle le président de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Nancy a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 512-3 du code de l'environnement et la décision du Conseil d'Etat en date du 17 octobre 2013 n° 370481 commune d'Illkirch-Graffenstaden refusant de transmettre cette question au Conseil constitutionnel ;

Vu la Constitution ;

Vu la directive 1999/31/CE du Conseil du 26 avril 1999 relative à la mise en décharge des déchets ;

Vu la décision de la Commission du 3 mai 2000 remplaçant la décision 94/3/CE établissant une liste de déchets en application de l'article 1er, point a), de la directive 75/442/CEE du Conseil relative aux déchets et la décision 94/904/CE du Conseil établissant une liste de déchets dangereux en application de l'article 1er, paragraphe 4, de la directive 91/689/CEE du Conseil relative aux déchets dangereux ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement ;

Vu le décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 pris pour l'application de la loi n° 76-663 du 16 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 décembre 2013 :

- le rapport de M. Richard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de Me B...et MeC..., avocats de la société Entreprise de Travaux et de Matériaux, ainsi que celles de Me Maamouri, avocat de la commune d'Illkirch-Graffenstaden ;

1. Considérant que la société Entreprise de Travaux et de Matériaux (SETM) exploitait depuis 1989 une carrière de sables et de graviers sur le territoire de la commune d'Illkirch-Graffenstaden ; qu'un arrêté du 12 mai 1999 du préfet du Bas-Rhin a fixé les conditions de remise en état du site après la cessation d'activité, en indiquant notamment qu'il devait être procédé au remblayage uniquement avec du granulat, des enrochements et des matériaux existant naturellement sur le site ; qu'à la suite de la cessation de l'exploitation intervenue en 2002 et à l'occasion des opérations de remise en état du site, le préfet a autorisé, par un arrêté complémentaire du 16 juin 2005, la SETM à remblayer le site, pendant une durée de cinq ans, avec des matériaux extérieurs à celui-ci ; que, par un jugement du 11 juin 2009, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de la commune d'Illkirch-Graffenstaden dirigée contre l'arrêté du 16 juin 2005 ; que, par un arrêt du 18 octobre 2010, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé ce jugement et cet arrêté et a enjoint au préfet de mettre en demeure la société de respecter les prescriptions de l'arrêté initial du 12 mai 1999 ; que le préfet du Bas-Rhin a ainsi pris un arrêté en date du 12 janvier 2011 mettant en demeure la société Entreprise de Travaux et Matériaux de respecter les termes de l'arrêté d'autorisation en date du 12 mai 1999 dans les conditions évoquées ci-dessus ; que, par sa requête n° 12NC01359, la société Entreprise de Travaux et Matériaux relève appel du jugement en date du 30 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à l'annulation de l'arrêté du 12 janvier 2011 ; que, par une décision en date du 8 octobre 2012, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 18 octobre 2010 de la cour administrative d'appel de Nancy et lui a renvoyé la requête de la commune d'Illkirch- Graffenstaden afin qu'il y soit statué ;

Sur la jonction :

2. Considérant que les deux requêtes susvisées sont dirigées contre deux jugements statuant sur les décisions du préfet du Bas-Rhin relatives aux modalités de remise en état du site d'exploitation de la société Entreprise de Travaux et Matériaux à Illkirch-Graffenstaden et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt ;

Sur l'étendue du litige :

3. Considérant que si la SETM relève appel du jugement en date du 30 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 12 janvier 2011 par lequel le préfet du Bas-Rhin l'avait mise en demeure de sécuriser par remblayage les berges de la carrière qu'elle a exploitée sur le territoire de la commune d'Illkirch-Graffenstaden, il résulte de l'instruction que ce dernier arrêté a été abrogé par un arrêté du préfet du Bas-Rhin en date du 26 février 2013 ; qu'il s'ensuit que les conclusions à fin d'annulation de la requête n° 12NC01359 étant devenues sans objet, il n'y a plus lieu d'y statuer ;

Sur la légalité de l'arrêté complémentaire du préfet du Bas-Rhin en date du 16 juin 2005 portant autorisation de remblayage des berges par l'utilisation de matériaux extérieurs :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 512-1 du même code : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1 (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 512-3 du même code issu de l'article 6 de la loi du 19 juillet 1976 : " Les conditions d'installation et d'exploitation jugées indispensables pour la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, les moyens de suivi, de surveillance, d'analyse et de mesure et les moyens d'intervention en cas de sinistre sont fixés par l'arrêté d'autorisation et, éventuellement, par des arrêtés complémentaires pris postérieurement à cette autorisation " ; qu'aux termes de l'article L. 514-4 du code de l'environnement : " Lorsque l'exploitation d'une installation non comprise dans la nomenclature des installations classées présente des dangers ou des inconvénients graves pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, le préfet, après avis -sauf cas d'urgence - du maire et de la commission départementale consultative compétente, met l'exploitant en demeure de prendre les mesures nécessaires pour faire disparaître les dangers ou les inconvénients dûment constatés. Faute par l'exploitant de se conformer à cette injonction dans le délai imparti, il peut être fait application des mesures prévues à l'article L. 171-8 " ;

5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative compétente en matière de police des installations classées de prendre à tout moment les mesures nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ; qu'elle peut à cet effet, même après la mise à l'arrêt de l'installation, modifier les prescriptions de remise en état du site sur le fondement de l'article L. 512-3, afin de prévenir des dangers ou inconvénients qui n'auraient pas été antérieurement pris en compte ; qu'une telle modification dispense nécessairement l'exploitant de respecter celles des prescriptions initiales qui ont ainsi été modifiées ; que, toutefois, cette faculté réservée à l'autorité administrative de compléter, par des arrêtés complémentaires, l'autorisation initiale d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement, accordée notamment, en vertu de l'article L. 512-2 du code, après une enquête publique relative aux incidences éventuelles du projet sur les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et après avis des conseils municipaux intéressés, est réservée aux cas dans lesquels les modifications apportées à l'installation, à son mode d'utilisation ou à son voisinage ne sont pas substantielles ; que si les modifications apportées par l'arrêté complémentaire sont de nature à entraîner des dangers ou inconvénients nouveaux ou à accroître de manière sensible les dangers ou les inconvénients de l'installation, une nouvelle autorisation, instruite selon les modalités de la demande initiale et soumise notamment à enquête publique, doit être sollicitée ;

6. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté préfectoral en date du 16 juin 2005 a été pris sur le fondement des dispositions de l'article L. 512-3 du code de l'environnement donnant au préfet compétence pour édicter des arrêtés complémentaires à l'arrêté d'autorisation relatif à l'exploitation d'une installation classée prévu à l'article L. 512-1 du même code ; que la commune d'Illkirch-Graffenstaden n'est donc pas fondée à soutenir que le préfet se serait fondé sur des textes réglementaires illégaux ou contraires à des principes de valeur constitutionnelle ; qu'elle n'est pas plus fondée à soutenir que seul le maire pouvait autoriser les travaux litigieux en application des articles L. 442-1 et R. 442-1 et suivants du code de l'urbanisme et que le préfet du Bas-Rhin était incompétent pour y procéder ; que, par ailleurs, par un arrêté en date du 9 novembre 2004 régulièrement publié, le préfet du Bas-Rhin a donné à M. Vignes, secrétaire général de la préfecture du Bas-Rhin, délégation pour signer " tous actes et décisions à l'exception des arrêtés de conflit " ; que le moyen tiré l'incompétence de l'auteur de l'acte doit ainsi être écarté ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'arrêté en date du 16 juin 2005 a été pris en raison, d'une part, du risque d'effondrement des berges mis en évidence par des études menées en 2003 et 2004 dans le cadre de la remise en état de la gravière, d'autre part, de la découverte de la présence sur le site de substances polluantes provenant de déchets déposés avant l'entrée en exploitation de la société ETM et l'arrêté initial d'autorisation du 12 mai 1999 ; qu'ainsi, cet arrêté a bien été pris, contrairement à ce que soutient la requérante, pour prévenir des dangers ou inconvénients qui n'avaient pas été antérieurement pris en compte ; que, nonobstant la circonstance qu'il porte sur un remblaiement estimé à 500 000 tonnes, soit une quantité sensiblement plus importante que ce qui était prévu à l'origine, et autorise le remblaiement avec des matériaux extérieurs au site, il ne résulte pas de l'instruction qu'un tel arrêté, pris en vue de répondre à un impératif de sécurisation du site, apporte des modifications d'une nature telle qu'au regard des dangers et inconvénients occasionnés, les conditions de la mise à l'arrêt définitif de l'installation de la SETM ne puissent être légalement mises en oeuvre que par le biais d'un nouvel arrêté d'autorisation, après réalisation d'une nouvelle étude d'impact ou d'une enquête publique préalable ; qu'il résulte de ce qui précède que la commune d'Illkirch-Graffenstaden n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté est dépourvu de fondement légal, que les conditions posées à l'édiction d'un arrêté complémentaire sur le fondement de l'article L. 512-3 du code de l'environnement ne sont pas réunies ou que le préfet du Bas-Rhin méconnaît " l'autorité de chose décidée " en ne mettant pas en demeure la SETM de respecter les termes de l'arrêté initial d'autorisation d'exploiter et notamment ceux de son article 27 ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte également de ce qui a été dit ci-dessus que l'arrêté en date du 16 juin 2005 a été légalement pris sur le fondement des dispositions de l'article L. 512-3 du code de l'environnement dont la mise en oeuvre ne requiert pas la délivrance d'une nouvelle autorisation du propriétaire du terrain d'assiette ;

9. Considérant, en quatrième lieu, que ce même arrêté, rendu nécessaire par la conjonction d'un risque d'effondrement des berges et la découverte de substances polluées sur le site, n'a en l'espèce ni pour objet, ni pour effet d'autoriser la SETM à développer une nouvelle activité soumise à autorisation, notamment l'activité alléguée de stockage de déchets, nonobstant la circonstance que le remblayage des berges ne soit rendu matériellement possible que par l'apport de matériaux extérieurs au site ; que la commune d'Illkirch-Graffenstaden n'est donc pas fondée à soutenir qu'au regard de la nature des travaux exigés de la SETM et des prescriptions posées par l'arrêté, le préfet du Bas-Rhin aurait du requérir l'autorisation du propriétaire des terrains d'assiette pour cette nouvelle activité et mettre en oeuvre la procédure d'autorisation conformément aux dispositions de l'article L. 512-15 du code de l'environnement ;

10. Considérant, en cinquième lieu, que l'arrêté litigieux, s'il autorise l'utilisation de matériaux extérieurs au site d'exploitation pour le remblayage de la carrière en vue d'en sécuriser les berges, interdit expressément l'utilisation de matériaux non inertes ainsi que les matériaux inertes provenant de sites pollués ; qu'il ne peut donc être regardé comme permettant le stockage de déchets contenant de l'amiante ; que le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux a été édicté en méconnaissance des dispositions des articles 2, 3 et 6 de la directive du 26 avril 1999 et de l'annexe à la décision de la Commission du 3 mai 2000, lesquelles proscrivent la mise en décharge de matériaux à base d'amiante, ne peut ainsi qu'être écarté ;

11. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article L. 214-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions des articles L. 214-2 à L. 214-6 les installations ne figurant pas à la nomenclature des installations classées, les ouvrages, travaux et activités réalisés à des fins non domestiques par toute personne physique ou morale, publique ou privée, et entraînant des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, restitués ou non, une modification du niveau ou du mode d'écoulement des eaux, la destruction de frayères, de zones de croissance ou d'alimentation de la faune piscicole ou des déversements, écoulements, rejets ou dépôts directs ou indirects, chroniques ou épisodiques, même non polluants " ;

12. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'arrêté en date du 16 juin 2005 constitue un arrêté complémentaire relatif à la remise en état du site exploité par la SETM sur le fondement de l'autorisation qui lui a été délivrée par un arrêté en date du 12 mai 1999 au titre de la législation sur les installations classées pour l'exploitation d'une carrière ; que la commune d'Illkirch-Graffenstaden ne peut donc utilement invoquer les moyens tirés de ce que les activités régies par cet arrêté complémentaire auraient dû être autorisées conformément aux dispositions des articles L. 214-1 et suivants du code de l'environnement et après réalisation d'une étude d'impact en tant que l'arrêté concerne une zone humide ;

13. Considérant, en septième lieu, que si la commune d'Illkirch-Graffenstaden fait valoir que l'arrêté complémentaire du 16 juin 2005 a pour effet de prolonger l'utilisation de ses terrains par la société Entreprise de Travaux et Matériaux et ne lui permet pas d'user librement de ses biens, il résulte toutefois de l'instruction que l'arrêté litigieux, qui n'a ni pour objet ni pour effet de déposséder la commune d'Illkirch-Graffenstaden de la propriété du site de la gravière, a été pris en application de l'article L. 512-3 du code de l'environnement ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les prescriptions qu'il prévoit en vue de protéger les intérêts visés à l'article L. 511-1 du même code, notamment en fixant une durée de cinq ans pour remettre le site en état, soient disproportionnées au regard des sujétions qu'il impose à la commune d'Illkirch-Graffenstaden, propriétaire des terrains en cause ; que, par suite, le moyen de la commune d'Illkirch-Graffenstaden tiré de la méconnaissance de son droit de propriété et de la faculté d'user librement de ses biens, ne peut qu'être écarté ;

14. Considérant, en huitième lieu, que l'arrêté en date du 16 juin 2005 précise également qu'au nombre des matériaux refusés sur le site figurent la terre végétale pour le remblaiement sous eau ainsi que les bétons et les enrobés routiers ; que son article 6 précise les conditions de suivi de la qualité des eaux souterraines par des analyses périodiques de celles-ci ; qu'enfin, l'article 7 de cet arrêté décrit les modalités de suivi et de validation définitive des travaux de remblayage ; que celles-ci comprennent notamment la rédaction de rapports biannuels de synthèse relatifs à la quantité et à la qualité des matériaux réceptionnés et à l'avancement des travaux de remblayage au regard des délais accordés à la société Entreprise de Travaux et Matériaux, la transmission desdits rapports au préfet et à la DRIRE, complétés des résultats d'analyses du suivi de la qualité des eaux souterraines, une étude géotechnique finale réalisée par un organisme extérieur ainsi que la possibilité d'organiser, à la demande de la commune d'Illkirch-Graffenstaden, des visites inopinées sur site en présence de la DRIRE et de l'exploitant ; que la société Entreprise de Travaux et Matériaux soutient sans être sérieusement contredite par la commune requérante que, pour la mise en oeuvre de ces prescriptions, elle a placé un agent sur le site, dédié à ces missions de contrôle des opérations de remblayage par apport de matériaux extérieurs, et mis en place des procédures de contrôle des matériaux par analyse d'échantillonnages ainsi que divers systèmes matériels de prévention des pollutions susceptibles d'intervenir ; que la commune d'Illkirch-Graffenstaden n'est donc pas fondée à soutenir que le préfet du Bas-Rhin n'aurait pas épuisé sa compétence et entaché ainsi son arrêté d'illégalité, faute d'avoir suffisamment défini la nature des matériaux admis pour le remblayage du site ou les modalités de contrôle des opérations qui en découlent ;

15. Considérant, en neuvième lieu, qu'eu égard à la nécessité d'utiliser plus de 500 000 tonnes de matériaux en vue de sécuriser les berges de la gravière et nonobstant la circonstance que l'arrêté d'autorisation était initialement prévu pour une simple durée de trois ans, il ne résulte pas de l'instruction qu'en fixant un délai de cinq ans pour les travaux de mise en sécurité et une durée de quatre ans et demi pour le remblayage, le préfet du Bas-Rhin aurait surévalué la durée nécessaire à la remise en état du site ;

16. Considérant, enfin, que le détournement de pouvoir découlant de ce que le préfet du Bas-Rhin n'aurait pris l'arrêté litigieux qu'en vue de préserver les intérêts de la société Entreprise de Travaux et Matériaux n'est pas établi ;

17. Considérant qu'il résulte de ce tout ce qui précède que la commune d'Illkirch-Graffenstaden n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 16 juin 2005 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la SETM, qui ne sont pas, dans l'instance n° 09NC01420-12NC01691, parties perdantes, la somme que la commune d'Illkirch-Graffenstaden demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dernières dispositions, de mettre à la charge de la commune d'Illkirch-Graffenstaden le paiement de la somme de 1 500 euros à la SETM au titre des frais que celle-ci a exposés pour sa défense dans ce litige ;

19. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la SETM dirigées contre l'Etat présentées sur le fondement de ces mêmes dispositions dans l'instance n° 12NC01359 ;

D E C I D E:

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la requête n° 12NC01359 de la SETM.

Article 2 : La requête n° 12NC01691 de la commune d'Illkirch-Graffenstaden est rejetée.

Article 3 : La commune d'Illkirch-Graffenstaden versera à la SETM une somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la SETM tendant à l'application, dans le cadre de la requête n° 12NC01359, des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Illkirch-Graffenstaden, à la société Entreprise de Travaux et de Matériaux (ETM) et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

''

''

''

''

2

12NC01359-12NC01691


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12NC01359
Date de la décision : 23/01/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Régime juridique - Actes affectant le régime juridique des installations - Mise à l'arrêt.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Régime juridique - Pouvoirs du préfet - Modification des prescriptions imposées aux titulaires.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Michel RICHARD
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : ROGER et SEVAUX SCP

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-01-23;12nc01359 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award