Vu, I, la requête, enregistrée le 15 janvier 2013 sous le n° 13NC00070, présentée par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;
Le ministre demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1101082 du 13 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Besançon a, à la demande de la commission de protection des eaux de Franche-Comté, annulé l'arrêté en date du 11 décembre 2007 du préfet du Doubs autorisant les travaux d'aménagement, au titre de la loi sur l'eau, de la route nationale 57 pour le contournement sud-ouest de Besançon, en tant qu'il autorise un remblai sur le lit majeur du Doubs sans mesures compensatoires ;
2°) de rejeter la demande de la commission de protection des eaux de Franche-Comté ;
Il soutient que :
- les premiers juges ont commis une erreur de qualification juridique des faits car le remblai supportant la voie des Mercureaux ne se situe pas en " zone d'expansion des crues " mais en " zone inondable hors zone d'expansion des crues " au sens de l'article 8-02 du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) Rhône Méditerranée Corse ; qu'en effet, cette zone est urbanisée et il s'agit d'un secteur où la crue ne peut stocker un volume d'eau important ;
- dès lors les mesures prescrites par le préfet, qui permettent d'assurer l'absence d'impact de la ligne d'eau (transparence hydraulique), sont suffisantes ;
Vu le jugement attaqué et l'arrêté litigieux ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 septembre 2013, présenté pour l'association " commission de protection des eaux de Franche Comté " dite CPE, représentée par son président en exercice, élisant domicile..., par Me A... ;
L'association conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 500€ au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que ;
- la requête est irrecevable ;
- le secteur en litige se situe en zone d'expansion des crues car le secteur est peu urbanisé et a une capacité de stocker un volume d'eau important ; le pétitionnaire fait état dans le dossier de demande d'autorisation au titre de la loi sur l'eau de l'emplacement du remblai en zone d'expansion des crues ; il n'est pas contesté que le remblai est situé dans le lit majeur du Doubs ;
- le préfet a méconnu les prescriptions posées par la circulaire du 24 janvier 1994 ;
- les 39 000 m3 perdus ne sont pas intégralement compensés ;
Vu, II, la requête, enregistrée le 6 mars 2013 sous le n° 13NC00451, présentée par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;
Le ministre demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 1101082 du 13 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Besançon a, à la demande de la commission de protection des eaux de Franche-Comté, annulé l'arrêté en date du 11 décembre 2007 du préfet du Doubs autorisant les travaux d'aménagement, au titre de la loi sur l'eau, de la route nationale 57 pour le contournement sud-ouest de Besançon, en tant qu'il autorise un remblai sur le lit majeur du Doubs sans mesures compensatoires ;
Il soutient que :
- les premiers juges ont commis une erreur de qualification juridique des faits car le remblai supportant la voie des Mercureaux ne se situe pas en " zone d'expansion des crues " mais en " zone inondable hors zone d'expansion des crues " au sens de l'article 8-02 du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) Rhône Méditerranée Corse ; qu'en effet, la zone en litige est urbanisée et ne peut jouer qu'un faible rôle de stockage d'eau en cas de crue à l'échelle du bassin versant du Doubs ; que les mesures prescrites par le préfet, qui permettent d'assurer l'absence d'impact de la ligne d'eau (transparence hydraulique), sont dès lors suffisantes ;
- aucun des autres moyens présenté en première instance ne pouvait fonder l'annulation de la décision litigieuse car :
* le délai prévu par l'article R. 214-12 du code de l'environnement n'est pas prescrit à peine de nullité ;
* le dossier d'enquête publique ne méconnait pas l'article 7 de la charte de l'environnement ;
* l'arrêté attaqué n'est pas contraire à la circulaire du 24 janvier 1994 relative à la prévention des inondations et à la gestion des zones inondables, circulaire qui, en tout état de cause, n'est pas impérative ;
* l'arrêté attaqué respecte les prescriptions générales applicables aux installations, ouvrages ou remblais soumis à déclaration car le remblai n'aura pas d'incidence sur le niveau en crue centennale, ni en amont du projet, ni sur les zones situées à l'aval ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 avril 2013, présenté pour l'association " commission de protection des eaux de Franche Comté " dite CPE, représentée par son président en exercice, élisant domicile..., par Me A... ;
Elle conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 500 € au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable ;
- les premiers juges n'ont pas commis d'erreur de qualification juridique des faits ; le secteur en litige se situe en zone d'expansion des crues car le secteur est peu urbanisé et a une capacité de stocker un volume d'eau important ; le pétitionnaire fait état dans le dossier de demande d'autorisation au titre de la loi sur l'eau de l'emplacement du remblai en zone d'expansion des crues ; il n'est pas contesté que le remblai est situé dans le lit majeur du Doubs ;
- le préfet a méconnu les prescriptions posées par la circulaire du 24 janvier 1994 ;
- les 39 000 m3 perdus ne sont pas intégralement compensés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu l'arrêté du 13 février 2002 fixant les prescriptions générales applicables aux installations, ouvrages ou remblais soumis à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-3 du code de l'environnement et relevant de la rubrique 3.2.2.0 (2°) de la nomenclature annexée au décret n° 93-743 du 29 mars 1993 modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 janvier 2014 :
- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Favret, rapporteur public ;
1. Considérant que les requêtes susvisées du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sont relatives à un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non recevoir opposée aux requêtes ;
Sur la requête 13NC00070 :
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 214-3 du code de l'environnement : " Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles " ; qu'aux termes du XI de l'article L. 212-1 du même code : " Les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l'eau doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les dispositions des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux " ; que la disposition 8.01 de l'objectif n° 8 " gestion des inondations " du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux Rhône Méditerranée Corse pour la période 2010-2015, applicable en l'espèce, indique qu'il est nécessaire de " préserver les zones d'expansion des crues voire en recréer " ; que la disposition 8-02 du même schéma, intitulée " contrôler les remblais en zone inondable " prévoit : " (...) Tout projet de remblai en lit majeur doit être examiné au regard des impacts propres mais également du risque de cumul des impacts de projets successifs même indépendants. Ainsi tout projet de cette nature présente une analyse des impacts jusqu'à la crue de référence : vis-à-vis de la ligne d'eau / en considérant le volume soustrait aux capacités d'expansion des crues. / Lorsque le remblai se situe en zone d'expansion de crues, la compensation doit être totale sur les deux points ci- dessus. La compensation en volume correspond à 100 % du volume prélevé sur la ZEC pour la crue de référence et doit être conçue de façon à être progressive et également répartie pour les événements d'occurrence croissante : compensation "cote pour cote". Dans certains cas, et sur la base de la démonstration de l'impossibilité d'effectuer cette compensation de façon stricte, il peut être accepté une surcompensation des événements d'occurrence plus faible (vingtennale ou moins) mais en tout état de cause le volume total compensé correspond à 100 % du volume soustrait à la ZEC. / Lorsque le remblai se situe en zone inondable hors zone d'expansion des crues (zones urbanisées par exemple), l'objectif à rechercher est la transparence et l'absence d'impact de la ligne d'eau, et une non aggravation de l'aléa. La compensation des volumes est à considérer comme un des moyens permettant d'atteindre cet objectif (...) " ;
3. Considérant, en premier lieu, que le ministre soutient que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le remblai se situait dans le champ d'expansion de la crue au sens de l'article 8-02 de l'objectif du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux Rhône Méditerranée Corse pour la période 2010-2015, alors qu'il se situe en zone inondable hors zone d'expansion des crues ;
4. Considérant, cependant, qu'il résulte des pièces du dossier que le remblai créé pour supporter la voie des Mercureaux, qui longe le cours d'eau dans le lit majeur du Doubs, traverse une zone très peu urbanisée et régulièrement inondée, située en zone d'aléa fort des risques naturels et technologiques du Doubs selon le plan de prévention des risques inondation du Doubs central de mars 2008 ; que la circonstance que la vallée du Doubs ne figure pas parmi les exemples de zones d'expansion des crues listés en page 202 du SDAGE est sans incidence sur la qualification à donner à la zone remblayée, qui est située dans le champ d'expansion des crues, contrairement à ce que soutient le ministre ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que les mesures prévues par l'arrêté en litige visent d'une part, par la pose de deux buses de diamètre 1000 et d'un cadre de 4m de long sur 2 de large, à assurer la transparence avec la zone de délaissé située en arrière du remblai, afin qu'elle ne soit pas elle-aussi soustraite à la zone d'expansion des crues, et, d'autre part, par la mise en place d'un ouvrage de décharge en aval, à contenir le niveau de la ligne d'eau pour ne pas aggraver l'aléa ; qu'il n'est pas sérieusement contesté que de telles mesures ne compensent pas le volume de 39 000 m3 soustrait par le remblai lui-même à la zone d'expansion des crues ; qu'ainsi l'autorisation délivrée n'est pas compatible avec les orientations définies par le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux Rhône Méditerranée Corse en ce qu'il prévoit une compensation totale tant vis-à-vis de la ligne d'eau que du volume soustrait aux capacités d' expansion des crues ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 11 décembre 2007 en tant qu'il autorise un remblai sur le lit majeur du Doubs sans mesures compensatoires totales ;
Sur la requête n°13NC00451 :
7. Considérant que le présent arrêt statue sur la requête du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie à fin d'annulation du jugement en date du 13 novembre 2012 du tribunal administratif de Besançon ; que, par suite, les conclusions à fin de sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme totale de 1 500 € à verser à l'association " commission de protection des eaux de Franche Comté " en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête n° 13NC00070 du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie est rejetée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 13NC00451 du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
Article 3 : L'Etat versera à l'association " commission de protection des eaux de Franche Comté " une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et à l'association " commission de protection des eaux de Franche Comté ".
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
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13NC00070 - 13NC00451