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24/03/2014 | FRANCE | N°13NC01075

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 24 mars 2014, 13NC01075


Vu la requête, enregistrée le 5 juin 2013, complétée par un mémoire enregistré le 12 novembre 2013, présentée pour M. D... C..., demeurant au..., par la SCP d'avocats B...et Schmitt ;

M. C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200186 du 9 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 décembre 2011 par laquelle l'inspectrice du travail de la troisième section du département du Jura a autorisé la société IFCO à le licencier ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvo

ir, cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au tit...

Vu la requête, enregistrée le 5 juin 2013, complétée par un mémoire enregistré le 12 novembre 2013, présentée pour M. D... C..., demeurant au..., par la SCP d'avocats B...et Schmitt ;

M. C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200186 du 9 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 décembre 2011 par laquelle l'inspectrice du travail de la troisième section du département du Jura a autorisé la société IFCO à le licencier ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. C... soutient que :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- la décision de le licencier ayant été prise avant même la tenue de l'entretien préalable à son licenciement, cet entretien a été privé de toute portée utile ; la procédure préalable de licenciement est ainsi irrégulière ;

- la décision du 7 octobre 2011 par laquelle l'inspecteur du travail a opposé un refus à la première demande de la société IFCO tendant à obtenir l'autorisation de le licencier a eu pour effet d'annuler la mise à pied conservatoire qui lui avait été adressée le 31 août 2011 et donc de supprimer tous ses effets, y compris son effet interruptif de prescription ; son employeur ne peut donc plus invoquer les faits antérieurs de plus de deux mois à la lettre de convocation à l'entretien préalable du 13 octobre 2011 ; le seul fait concret invoqué par son employeur est son absence à la réunion du 26 mai 2011 qui, étant antérieur de plus de deux mois à sa convocation à l'entretien préalable du 21 octobre 2011, est prescrit ;

- les faits invoqués à son encontre ne sont pas établis ; ils sont en tout état de cause prescrits ; ils ne sont pas constitutifs d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;

- la décision de le licencier a été prise non pour un motif disciplinaire mais pour un motif économique ; la restructuration en mars 2011 de l'activité " billets magnétiques transport " a abouti à une baisse du chiffre d'affaires de 80 % à 50 % ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu l'ordonnance en date du 10 octobre 2013 fixant la clôture de l'instruction le 30 octobre 2013 à 16 heures ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2013, complété par un mémoire enregistré le 8 janvier 2014, présenté pour la société IFCO, dont le siège social est situé au 22, rue du général Leclerc, à Champagnole (39300), représentée par son représentant légal en exercice, par MeE..., qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. C... de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société IFCO soutient que :

- la décision de l'inspecteur du travail du 2 décembre 2011 est suffisamment motivée tant en fait qu'en droit ;

- les faits reprochés à M. C...s'étant déroulés de façon continue au cours des mois de mai, juin et juillet 2011, ils n'étaient pas prescrits au jour de l'engagement de la procédure disciplinaire ; en tout état de cause, la mise à pied conservatoire notifiée à M. C... le 21 octobre 2011 a interrompu la prescription des faits fautifs ; le rejet de la première demande d'autorisation de licenciement n'a par ailleurs pas eu pour effet d'annuler les poursuites disciplinaires engagées à son encontre ;

- le refus de M. C...de respecter les consignes de son employeur, son désengagement au sein de la société et la désorganisation et les dysfonctionnements du service commercial engendrés par son attitude constituent des faits suffisamment graves pour justifier son licenciement ;

- après la réorganisation de la société en mars 2011, les fonctions de directeur des ventes de M. C...sont demeurées inchangées ;

Vu les ordonnances en date du 13 novembre 2013 rouvrant l'instruction et fixant une nouvelle date de clôture le 27 novembre 2013 à 16 heures ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2013, présenté par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social qui conclut au rejet de la requête ;

Le ministre renvoie au mémoire produit en première instance par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Franche-Comté ;

Vu les ordonnances en date du 10 décembre 2013 rouvrant l'instruction et fixant une nouvelle date de clôture le 23 décembre 2013 à 16 heures ;

Vu l'ordonnance en date du 23 décembre 2013 reportant la clôture de l'instruction le 9 janvier 2014 à 16 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 février 2014 :

- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,

- les conclusions de M. Wiernasz, rapporteur public,

- et les observations de Me B...pour M.C..., et de Me A...pour la société IFCO ;

1. Considérant que M. D...C...a été engagé le 6 septembre 1999 par la société IFCO, une imprimerie spécialisée dans la fabrication de billetterie à piste magnétique pour les réseaux de transport en commun, de billetterie de loisir et d'imprimés sécurisés ; que M.C..., qui exerçait en dernier lieu les fonctions de directeur des ventes, a été élu délégué du personnel suppléant ; que M. C...demande l'annulation du jugement du 9 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 décembre 2011, par laquelle l'inspectrice du travail de la troisième section du département du Jura a autorisé la société IFCO à le licencier ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L. 2411-1 et suivants du code du travail que le licenciement d'un salarié investi du mandat de délégué du personnel ou de membre du comité d'entreprise ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail ou, le cas échéant, du ministre du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'autorité administrative compétente de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

3. Considérant que l'inspecteur du travail, pour autoriser la société IFCO à licencier M.C..., s'est fondé sur la circonstance que M. C...aurait refusé de mettre en oeuvre la nouvelle stratégie commerciale de son employeur, aurait contribué au dysfonctionnement du service commercial, enfin se serait désengagé du traitement de certains dossiers clients ;

En ce qui concerne le refus de mise en oeuvre de la stratégie commerciale :

4. Considérant que dans le cadre du plan de réorganisation adopté en mars 2011, la société IFCO a conclu une alliance stratégique avec un de ses concurrents aux termes de laquelle IFCO cédait à ce nouveau partenaire son outil de production en matière de billetterie magnétique moyennant la conclusion d'un accord exclusif de commercialisation ; que M. C..., dont il est constant qu'il désapprouvait cette alliance, ne conteste pas avoir refusé de participer à une réunion interne organisée le 26 mai 2011 destinée à déterminer les modalités concrètes de collaboration avec le nouveau partenaire de la société IFCO ; que toutefois, il ne ressort d'aucune des pièces des dossiers tant de première instance que d'appel qu'il aurait refusé, contrairement aux consignes données par son employeur, de présenter la nouvelle organisation du groupe aux clients et partenaires extérieurs ; qu'il ressort en revanche des rapports d'activité et des échanges de courriels figurant au dossier que postérieurement à mars 2011, M. C...a régulièrement répercuté au nouveau partenaire de la société IFCO les commandes enregistrées et en a suivi l'exécution ;

En ce qui concerne la négligence apportée au traitement de certains dossiers clients :

5. Considérant que la société IFCO fait valoir que M. C...aurait négligé la gestion de deux clients, qui se seraient plaints des retards récurrents de la société IFCO dans le traitement de leurs demandes ; que M. C...ne conteste pas les difficultés invoquées par ces deux clients mais les impute au manque de réactivité de la production et du service logistique ; que si dans un courrier du 13 mai 2011, la présidente de la société IFCO indique qu'un de ces deux clients lui aurait affirmé ne plus vouloir être suivi par M.C..., ses allégations ne sont étayées par aucune pièce ; que la société n'apporte plus généralement aucun élément concret permettant d'imputer les difficultés rencontrées avec ces deux clients à M.C... ;

En ce qui concerne le dysfonctionnement du service commercial :

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des comptes-rendus d'activité établis par M. C...ainsi que des échanges de mail entre M. C...et ses interlocuteurs chez le nouveau partenaire de la société IFCO, que les relations après restructuration entre le service commercial d'IFCO et la fabrication chez ce partenaire ont été dans un premier temps chaotiques, ce qui a pu générer des retards dans les réponses aux demandes des clients ; que toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces relations difficiles seraient exclusivement imputables à M.C... ; qu'en tout état de cause, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que M. C...aurait, comme le prétend la société IFCO, refusé de communiquer à son assistante commerciale des informations sur les dossiers en cours et encore moins qu'il lui aurait parlé de façon déplacée ; que s'il est constant que le médecin du travail a diagnostiqué une situation de stress pour cette salariée et préconisé en conséquence une réorganisation en urgence du service, M. C...affirme sans être utilement contesté que cette situation de stress était liée, non à son comportement, mais à la surcharge de travail de cette salariée résultant de la réorganisation de l'entreprise ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le seul fait établi à l'encontre de M. C...est son absence à la réunion interne organisée le 26 mai 2011 ; que ce fait ne saurait constituer à lui seul une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société IFCO demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. C...et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 9 avril 2013 est annulé, ensemble la décision de l'inspectrice du travail de la troisième section du département du Jura du 2 décembre 2011.

Article 2 : L'Etat versera à M. C...la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la société IFCO tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à la société IFCO et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

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N° 13NC01075


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC01075
Date de la décision : 24/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-02-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Procédure préalable à l'autorisation administrative. Entretien préalable.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: M. WIERNASZ
Avocat(s) : CABINET AUDARD ET SCHMITT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-03-24;13nc01075 ?
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