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23/06/2014 | FRANCE | N°13NC00036

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 23 juin 2014, 13NC00036


Vu la requête, enregistrée le 11 janvier 2013 sous le n° 13NC00036, présentée pour M. A...E..., domicilié..., par Me B...;

M. E...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202376 du 18 septembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 10 février 2012 par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 10 février 2012 par l

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Vu la requête, enregistrée le 11 janvier 2013 sous le n° 13NC00036, présentée pour M. A...E..., domicilié..., par Me B...;

M. E...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202376 du 18 septembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 10 février 2012 par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 10 février 2012 par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le magistrat délégué, qui a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 4 février 2012 le plaçant en rétention administrative, a siégé à l'audience qui s'est tenue le 4 septembre 2013 et a conclu au rejet de sa requête ;

- le jugement est insuffisamment motivé lorsqu'il a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- l'arrêté lui a été notifié sans qu'il soit assisté d'un interprète en langue hongroise ou de son conseil ; il méconnaît les stipulations de l'article 41-4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- il a été illégalement interpellé par la police et placé en garde à vue le 3 février 2012 et en rétention administrative à compter du 4 février 2012 ; l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français est donc intervenu au terme d'une procédure irrégulière ;

- l'arrêté a été adopté sans qu'ait été organisé un entretien personnalisé et qu'il ait pu présenter ses observations ; il méconnaît les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, les stipulations de l'article 41-2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et les dispositions des articles 27 et 30 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- il disposait d'un droit de séjourner en France ; il ne constituait pas une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale puisqu'il n'a jamais bénéficié du système de protection sociale ; les dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont contraires aux dispositions du considérant n° 16 du préambule et de l'article 14 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil qui écartent la prise automatique d'une mesure d'éloignement pour le ressortissant communautaire qui a recours au système d'assistance sociale et ne l'autorisent que quand ledit étranger devient une charge déraisonnable pour les deniers de l'Etat d'accueil ; elles méconnaissent aussi la liberté de circulation consacrée par l'article 21.1 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et l'article 45 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; le préfet du Bas-Rhin ne démontre pas qu'il ne dispose pas de ressources ; il est pris en charge par sa famille ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; ses parents et ses frères vivent en France et bénéficient du statut de réfugiés politiques ; deux de ses cinq enfants sont nés à Strasbourg et y son scolarisés ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; il sera séparé de ses enfants s'il retourne en Hongrie ;

- l'arrêté est contraire à l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; bénéficiant de la citoyenneté européenne, il ne peut être éloigné de la France et séparé de ses enfants ;

Sur le pays de destination :

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; la minorité rom est menacée en Hongrie ; il est le fils du président de l'organisation indépendante des roms du département de Fejer ; il est donc menacé en cas de retour dans son pays d'origine ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2013, présenté par le préfet de Bas-Rhin qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle (section administrative d'appel) du tribunal de grande instance de Nancy en date du 6 décembre 2012 attribuant l'aide juridictionnelle totale à M. A...E...et désignant Me B...pour le représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juin 2014 :

- le rapport de M. Tréand, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Wiernasz, rapporteur public ;

Sur la régularité du jugement :

1. Considérant, d'une part, qu'en application des dispositions des articles R. 776-14 et R. 776-15 du code de justice administrative, le magistrat délégué près le tribunal administratif de Strasbourg a, par jugement n° 1200554 du 8 février 2012, rejeté la demande de M. E... tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 4 février 2012 par lequel le préfet du Bas-Rhin l'a placé en rétention dans un local non pénitentiaire pour une durée de cinq jours ; que, lors de l'audience du 4 septembre 2012, le même magistrat a siégé et a conclu, en qualité de rapporteur public, au rejet de la requête de M. E... dirigée contre l'arrêté du 10 février 2012 par lequel le préfet du Bas-Rhin a obligé celui-ci à quitter le territoire français ; que si le magistrat dont il s'agit a participé à l'examen de la seconde affaire, celle-ci était distincte de la première, les décisions querellées étant différentes ; que s'il a eu à se prononcer, dans ses conclusions, sur le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'arrêté du 4 février 2012 plaçant M. E... en rétention administrative, le jugement a été rendu en formation collégiale conformément aux dispositions de l'article L. 3 du code de justice administrative et a été délibéré hors de la présence du rapporteur public, conformément aux dispositions de l'article R. 732-2 du même code ; qu'au surplus, il n'est pas soutenu et ne peut être déduit du seul fait que le rapporteur public a conclu au rejet de la requête, que celui-ci ait manqué à son devoir d'impartialité ; que, d'ailleurs, M. E... n'a pas fait usage des dispositions des articles R. 721-2 du code de justice administrative lui permettant de former une demande de récusation ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'irrégulière composition du tribunal administratif de Strasbourg doit être écarté ;

2. Considérant, d'autre part, que M. E... soutient que le tribunal administratif de Strasbourg a insuffisamment motivé son jugement lorsqu'il a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; qu'il ressort des termes du jugement attaqué, qu'après avoir cité les stipulations dont la méconnaissance était invoquée, les premiers juges ont pris soin de dégager la portée de l'argumentation développée par le requérant, sans cependant parvenir à lui donner un caractère utile ; qu'ils ont, par suite, écarté le moyen comme n'étant pas assorti de précisions suffisantes pour qu'ils en apprécient le bien fondé ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement sur ce point doit être écarté comme manquant en fait ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " (...) 4. Toute personne peut s'adresser aux institutions de l'Union dans une des langues des traités et doit recevoir une réponse dans la même langue " ;

4. Considérant que M. E...soutient que lors de la remise qui lui a été faite de l'arrêté litigieux du 10 février 2012, il n'a pu être assisté d'un interprète en langue hongroise et d'un conseil ; que, toutefois, aucune disposition législative et réglementaire n'impose le respect de telles garanties avant que ne soit notifiée à un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français ; qu'il ne peut être soutenu que les dispositions du 4. de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, invoquées par l'appelant, ont été méconnues dès lors que M. E...ne démontre pas avoir été empêché de s'exprimer en langue hongroise comme il l'a d'ailleurs fait lorsqu'il a été informé, le 4 février 2012 lors de son placement en rétention administrative, de la possibilité de se faire assister d'un interprète et d'un conseil ; qu'en tout état de cause, les conditions de notification aux étrangers des décisions prises en application de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont sans influence sur la régularité de la procédure suivie et partant, sur la légalité de ces décisions, dès lors que la notification a pour seul objet de rendre celles-ci opposables et de faire courir le délai des recours contentieux ouverts pour en contester la légalité devant la juridiction administrative ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que les conditions d'interpellation de M. E... le 3 février 2012 ainsi que son placement en garde à vue, dont l'appréciation de la légalité relève du juge judiciaire, sont, en tout état de cause, sans influence sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français qui lui a été notifié le 10 février 2012 ; que, par suite, le moyen tiré d'un vice de procédure est inopérant ;

6. Considérant, en troisième lieu, que l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale ; que M. E...fait valoir que l'arrêté du 4 février 2012 par lequel le préfet du Bas-Rhin l'a placé en rétention dans un local non pénitentiaire pour une durée de cinq jours était illégal et a été annulé par l'arrêt n° 12NC00771 de la Cour de céans du 1er août 2013 ; que toutefois, l'illégalité de cet arrêté ne peut utilement être invoquée par voie d'exception à l'appui des conclusions dirigées contre l'arrêté du 10 février 2012 par lequel le préfet du Bas-Rhin a obligé l'appelant à quitter le territoire français, qui n'a pas été pris pour l'application de l'arrêté du 4 février 2012 ; que celui-ci ne constituant pas davantage la base légale de l'arrêté litigieux, l'exception d'illégalité soulevée par M. E...doit être écartée ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à l'obligation pour les étrangers en situation irrégulière de quitter le territoire français, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions prises sur le fondement desdites dispositions et, par suite, exclure l'application des dispositions de l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000 ; que, par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé du droit de faire connaître ses observations écrites, et, le cas échéant, orales en méconnaissance de ces dispositions ;

8. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux, proclamée par le Conseil européen le 7 décembre 2000 à Nice, et adopté le 12 décembre 2007 à Strasbourg : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. 2. Ce droit comporte notamment : le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre [...]" ; qu'aux termes de l'article 51 de la même Charte : " Champ d'application. 1. Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions et organes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux États membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union [...] " ;

9. Considérant que lorsqu'il fait obligation à un étranger de quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet doit être regardé comme mettant en oeuvre le droit de l'Union européenne ; qu'il lui appartient, dès lors, d'en appliquer les principes généraux, qui incluent le droit à une bonne administration ; que, parmi les principes que sous-tend ce dernier, figure celui du droit de toute personne à être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne, ce droit se définit comme le droit de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief ; que ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales ; que selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal d'audition signé par l'intéressé, que M. E... a été entendu par les services de police le 3 février 2012 ; qu'il a été informé qu'il ne disposait plus d'un droit de séjourner en France ; qu'il a pu faire valoir ses observations ; qu'il a fourni de nombreux renseignements relatifs à sa situation familiale et professionnelle, à ses conditions d'entrée et de séjour en France ainsi qu'à ses conditions d'hébergement, dont le préfet du Bas-Rhin a tenu compte pour adopter l'arrêté litigieux ; que le requérant a eu ainsi la possibilité, au cours de cet entretien, de faire connaître des informations utiles et pertinentes de nature à influer sur la décision prise à son encontre ; que M. E... ne se prévaut d'ailleurs devant la Cour d'aucun élément qu'il n'aurait pas porté à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise à son encontre la mesure qu'il conteste et qui, s'il avait pu être communiquées à temps, aurait été de nature à faire obstacle à l'édiction de cette décision ; que, dans ces conditions, M. E... n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé du droit d'être entendu qu'il tient du principe général du droit de l'Union ;

11. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 27 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 : " Principes généraux 1. Sous réserve des dispositions du présent chapitre, les États membres peuvent restreindre la liberté de circulation et de séjour d'un citoyen de l'Union ou d'un membre de sa famille, quelle que soit sa nationalité, pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. Ces raisons ne peuvent être invoquées à des fins économiques. (...) " ; qu'aux termes de l'article 30 de la même directive : " Notification des décisions / 1. Toute décision prise en application de l'article 27, paragraphe 1, est notifiée par écrit à l'intéressé dans des conditions lui permettant d'en saisir le contenu et les effets. (...) " ;

12. Considérant que l'arrêté du 10 février 2012 portant obligation de quitter le territoire français n'a pas été pris " pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique " et n'entre donc pas dans le cadre des dispositions précitées du 1. de l'article 27 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 30 de la même directive doit, par conséquent, être, en tout état de cause, écarté ;

13. Considérant, en septième lieu, qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; / 3° S'il est inscrit dans un établissement fonctionnant conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, une formation professionnelle, et garantit disposer d'une assurance maladie ainsi que de ressources suffisantes pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 5° afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale ; / 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; / 5° S'il est le conjoint ou un enfant à charge accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées au 3 " ; qu'aux termes de l'article L. 511-3-1 du même code : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : 1° Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 ; (...) " ; qu'il résulte des dispositions précitées des articles L. 121-1 et L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne sont contraires ni aux dispositions du considérant n° 16 du préambule et de l'article 14 de la directive 2004/38/CE du parlement européen et du conseil, ni au principe de liberté de circulation et de séjour des ressortissant communautaires consacré par l'article 21 du traité sur le fonctionnement de l'union européenne et l'article 45 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, que l'insuffisance des ressources peut être opposée par le préfet pour prendre une décision d'éloignement à l'encontre d'un ressortissant communautaire qui séjourne en France depuis plus de trois mois, alors même que l'intéressé n'est pas pris en charge par le système d'aide sociale et a fortiori ne constitue donc pas une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale de l'État membre d'accueil ;

14. Considérant que lors de son audition par les services de police, le 3 février 2012, M. E... a déclaré être chômeur et sans ressources ; que s'il soutient qu'il est pris en charge par sa famille et qu'il est hébergé sur un terrain mis à la disposition de la communauté rom situé rue du Ban de la Roche à Strasbourg, il n'en rapporte, en tout état de cause, pas la preuve ; qu'il ne soutient pas qu'il dispose pour lui et ses enfants d'une assurance maladie ; que, par suite, le préfet du Bas-Rhin, qui n'avait pas à vérifier, avant d'adopter l'arrêté litigieux, s'il constituait effectivement une charge actuelle déraisonnable pour le système d'assistance sociale, a, à juste titre, constaté que, passé le délai de séjour de trois mois en France, M. E... ne justifiait plus d'un droit au séjour et lui a fait, en application du 1° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, obligation de quitter le territoire français ;

15. Considérant, en huitième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " (...) " ;

16. Considérant que M E...n'est entré en France qu'à l'âge de 33 ans, en 2010 ; qu'il a déclaré être sans emploi et sans ressources ; qu'il ne démontre, pas plus que sa femme et ses enfants, être inséré en France ; que s'il prétend que ses parents et ses frères résideraient à Strasbourg et bénéficieraient du statut de réfugiés, il n'en rapporte pas la preuve ; qu'il ne démontre pas davantage être dépourvu d'attaches familiales en Hongrie qu'il n'a, selon ses dires, quitté qu'en 2000 ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la brièveté du séjour de l'intéressé en France, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Bas-Rhin, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. E..., ait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la mesure a été prise ; qu'ainsi, le préfet du Bas-Rhin n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

17. Considérant, en neuvième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;

18. Considérant qu'il résulte des termes du procès-verbal établi le 3 février 2012, suite à son audition par les services de police, que M. E... a déclaré avoir cinq enfants seulement, dont deux sont à sa charge et dont il n'est pas rapporté la preuve qu'ils sont scolarisés ; qu'il ne démontre pas que son épouse, C...D..., détiendrait un droit à séjourner en France, ce que conteste le préfet intimé ; qu'ainsi, eu égard à la faible durée de séjour des enfants en France et en l'absence de tous éléments probants démontrant qu'ils y sont insérés, l'arrêté du 10 février 2012 du préfet du Bas-Rhin n'a pas davantage violé les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, la cellule familiale pouvant être reconstituée en Hongrie, pays dont tous les membres ont la nationalité ;

19. Considérant, en dixième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Il est institué une citoyenneté de l'Union. Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un Etat membre. La citoyenneté de l'Union s'ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas. / 2. Les citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par les traités. Ils ont, entre autres : / a) le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres ; / (...) Ces droits s'exercent dans les conditions et limites définies par les traités et les mesures adoptées en application de ceux-ci. " ;

20. Considérant que M. E...soutient que l'arrêté litigieux du 10 février 2012 méconnaîtrait l'article 20 précité du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne au motif qu'il interdirait qu'il soit éloigné de la France et, de fait, séparé de ses enfants ; que cet article, qui ne crée pas pour les citoyens de l'Union un droit absolu et inconditionnel à séjourner sur le territoire de tout Etat membre, ne faisait pas obstacle à ce que le préfet du Bas-Rhin décide que l'appelant fasse l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'au surplus, comme il a été dit précédemment, l'arrêté du préfet du Bas-Rhin n'a, en tout état de cause, pas pour effet de séparer M. E... de ses enfants ; que, par suite, le moyen soulevé doit, en tout état de cause, être écarté comme non fondé ;

Sur le pays de destination :

21. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

22. Considérant que le requérant se borne à soutenir de manière très générale qu'appartenant à la minorité rom qui serait discriminée en Hongrie, il est menacé en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'il prétend également sans le démontrer être le fils du président de l'organisation indépendante des roms du département de Fejer, et être, par conséquent, exposé à des risques particuliers du fait de cette prétendue filiation ; que, toutefois, il n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations ; qu'au surplus, il a déclaré, lors de son audition par les services de police le 3 février 2012, qu'il souhaitait retourner en Hongrie ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

23. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...E...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet du Bas-Rhin.

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13NC00036


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC00036
Date de la décision : 23/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: M. WIERNASZ
Avocat(s) : MENGUS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-06-23;13nc00036 ?
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